08/12/2008

« Quel beau métier vous faites », nouvelles chroniques de la profession

Il a changé de nom de plume, mais c’est toujours lui. Si Ron l’Infirmier, auteur de La Chambre d’Albert Camus et autres nouvelles (1) s’appelle désormais William Réjault, son nouveau livre, Quel beau métier vous faites (éditions Privé), réussit le même tour de force que le premier : rendre un juste et simple hommage à la profession, sans jamais l’idéaliser.

L’infirmier, qui est sorti du rang en racontant son quotidien sur son blog (2), n’épargne ni les collègues, ni les patients, ni surtout les médecins. Renaud, l’interne bien sous tous rapports, qui trafique le cahier des prescriptions pour faire porter aux autres le chapeau de sa « nullité absolue » ; le chirurgien qui ment effrontément à une famille après avoir confondu l’ado qui venait se faire circoncire et celui à qui il devait enlever un grain de beauté… mais n’oublie pas d’empocher mille euros en liquide ; le « docteur Pougnard », enfin, qui exige de son infirmier intérimaire qu’il lave et réutilise les pots à urine par mesure d’économie.

Sans être complaisant ni moralisateur, William Réjault évoque aussi ses propres erreurs. Il se reproche de n’avoir pas compris pourquoi une lycéenne venait tous les jours à l’infirmerie demander un cachet, ou d’avoir jugé trop hâtivement une famille qui affichait son indifférence à la mort d’une patiente. Il livre aussi sa propre expérience de la juste distance, râlant après le plan drague quotidien d’une personne âgée trop entreprenante, tout en reconnaissant s’être lui-même livré à un numéro de séduction pas très fin avec « un jeune sportif en mal de sexe ».

William Réjault livre un panorama presque complet des lieux d’exercice de la profession : en entreprise, en libéral, dans un grand magasin, aux urgences…  Les joies, plus souvent les galères rencontrées, sont uniques d’un endroit à l’autre. Mais partout, les images d'Epinal de l’infirmier héroïque sont taillées en pièces. L’auteur préfère livrer le point de vue d’un témoin impuissant face à l’omnipotence du corps médical, au regard sexiste porté sur les soignants par des patients capricieux ou au mépris qu’inspire la profession à un directeur de ressources humaines. Sans chercher à démontrer quoi que ce soit, il met le doigt sur l’abîme creusé entre l’image de la profession auprès du grand public et sa réalité quotidienne, qu’il souligne par l’ironie du titre qu’il a choisi pour son deuxième ouvrage.

Dans Quel beau métier vous faites, William Réjault surprend aussi en livrant un récit très personnel où il s’élève contre son père, violent et intolérant, et ouvre les yeux sur le handicap mental de son frère Antoine. Il s’emporte contre la bêtise du médecin du village, trop lâche pour administrer lui-même les calmants au malade, contre les infirmiers de l’hôpital psychiatrique, qui considèrent que les escarres de son frère « ne sont pas une priorité ». « On se rend compte (mais on le savait déjà) qu’il ne fait pas bon être malade mental en France aujourd’hui, ni encore famille de malade mental », écrit-il. En disant ses angoisses, sa haine et sa douleur, William Réjault se débarrasse de ses cauchemars. Comme un pansement qu’on arrache.



A.L.G.



1-    La Chambre d’Albert Camus et autres nouvelles est réédité en poche sous la signature de William Réjault.
2-    http://william.rejault.free.fr. L’ancien blog peut être consulté à l’adresse suivante : http://ron.infirmier.free.fr

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