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La loi de 2021 élargit la pratique des infirmières en santé au travail par la possibilité de délégation. Des voix souhaitent aller plus loin et créer un métier spécifique d’infirmière en pratique avancée (IPA). Ces sujets ont été abordés lors du Congrès national de médecine et santé au travail, le 16 juin dernier.
Un programme particulièrement riche a animé pendant quatre jours le Congrès national de médecine et santé au travail, qui s’est tenu à Strasbourg la semaine dernière. Au cours de ces interventions, des perspectives pour la pratique infirmière en santé au travail ont pu être dessinées, en particulier lors d’une des séquences consacrées aux nouvelles pratiques en santé au travail.
Une réforme de 2021Le Pr Sophie Fantoni-Quinton, PU-PH en médecine du travail au CHU de Lille et docteure en droit a rappelé les contours de la loi du 2 août 2021. Cette réforme introduit notamment la notion de services de prévention et de santé au travail (SPST), qui remplacent les précédents services de santé au travail (SST). Le texte précise également le rôle du document unique d’évaluation des risques professionnels (Duerp) : « Ce n’est plus un simple listing des risques, puisque ce document doit obligatoirement inclure des mesures de prévention, voire un programme de prévention pour les entreprises de plus de 50 salariés », a-t-elle expliqué.
La loi comprend un volet consacré à la délégation d’actes aux infirmières en santé au travail (Idest). « Cette faculté de délégation élargie est rigoureuse et encadrée, selon les préconisations formulées par le Conseil d’État. L’infirmière ne peut pas émettre de propositions, de conclusions ou d’indications reposant sur des éléments de nature médicale, puisque cela serait caractéristique d’une pratique illégale de la médecine », a relevé Sophie Fantoni-Quinton. Le médecin du travail reste maître de ce qu’il souhaite déléguer, en fonction des compétences de l’Idest.
Pratique élargie, pratique avancéeLe texte liste les visites qui peuvent être déléguées : les visites périodiques en suivi individuel, les visites de reprise et de préreprise, et les visites de mi-carrière. « Les infirmières peuvent également participer à la partie état des lieux des visites de fin de carrière ou de fin d’exposition. Par ailleurs, elles peuvent aussi mener des entretiens infirmiers au titre de leurs compétences propres », a-t-elle ajouté.
Les infirmières en santé au travail se voient donc confier des compétences élargies. Dès lors se pose la question de créer une mention idoine en pratique avancée. Nadine Rauch, présidente du Groupement des infirmiers de santé au travail (GIT) a démontré la pertinence de cette proposition. « Dans les pays qui ont des IPA en santé au travail, la question de leur plus-value ne se pose plus. Elles permettent un suivi global et régulier des pathologies chroniques et un meilleur accès à la prise en charge dans les zones rurales ou pour les personnes en situation d’exclusion. » Elle voit aussi dans l’ouverture de la pratique avancée aux Idest la possibilité de gagner en autonomie, de développer des analyses plus fines et une méthodologie rigoureuse.
Un nouveau métier à créerReste qu’aujourd’hui la formation en pratique avancée dans le domaine de la santé au travail n’existe pas. « Après une première année de master commune, il faudra élaborer un programme de master 2 centré sur la réinsertion professionnelle et le maintien dans l’emploi, les pathologies chroniques liées au travail, l’ergonomie ou encore l’encadrement des pairs », a suggéré la présidente du GIT.
Au final, l’enjeu sera de faire bénéficier les salariés de l’expertise de professionnels de santé de niveau master. Un aspect sur lequel a insisté le Pr Jean-Marc Soulat, responsable du service Maladies professionnelles et environnementales de l’hôpital Purpan, à Toulouse, et modérateur de cette table ronde. « Les IPA en santé au travail exerceront un nouveau métier, distinct de celui des infirmières qui ont une pratique élargie. La formation initiale se déroulera en deux ans, au sein de la faculté de médecine. Leur rôle reste encore à définir, mais il faudra oublier que ce sont des infirmières. » Une position qui a recueilli l’assentiment de la salle de conférence, pleine à craquer.
Lisette Gries