Si la qualité de vie au travail semble s’être davantage effritée avec la crise, des leviers existent pour restaurer la confiance parmi les soignants et leur donner toute l’autonomie nécessaire. Un thème en discussion lors d’une conférence du Salon infirmier Live.
D’après le collectif Santé en danger, trois quarts des soignants estiment que leurs conditions de travail se sont dégradées avec la crise de la Covid-19. Déjà en 2018, l’assureur SHAM avait demandé aux professionnels de santé d’auto-évaluer leur qualité de vie au travail et ces derniers l’avaient estimée à 5,3/10. Des chiffres qui montrent, plus que jamais, que la qualité de vie au travail (QVT) est une problématique urgente à prendre en compte. Comment, dès lors, impulser un nouveau souffle dans des conditions qui semblent se détériorer face à une crise qui s’installe dans la durée ?
Il y a évidemment une question de gestion des effectifs, comme l’a souligné Matthieu Sibé, chercheur à l’université de Bordeaux et membre de l’Observatoire de la qualité de vie au travail des soignants, lors d’une conférence sur la QVT au Salon infirmier de mars dernier*. Il explique que cette question reste quelque peu taboue en France. Et de donner l’exemple des hôpitaux « aimants » américains, les « magnet hospital » qui attirent du personnel et fondent leur QVT sur les effectifs : « bien souvent, le temps d’encadrement, c’est-à-dire le ratio personnel par patient, est le double de ce qu’on trouve dans un établissement français », a-t-il rappelé, en soulignant que si le budget est mis pour la gestion quantitative de l’effectif, cela ne suffit pas : « Il faut aussi une gestion qualitative, c’est-à-dire un recrutement de personnes qualifiées au bon poste, un accompagnement à l’intégration, de la formation et un accompagnement à la qualification, à la meilleure expertise. » Pour lui, la crise et la pénurie de personnel ont permis de mettre le doigt sur l’importance de l’humain et des richesses humaines qu’il faut replacer au cœur des décisions.
Cette QVT s’appuie également sur une relation de confiance mêlant épanouissement du personnel et réponses aux objectifs fixés. Elle est donc étroitement liée au management des équipes. Pour Ève Guillaume, directrice d’Ehpad en Seine-Saint-Denis, « il faut instaurer un véritable dialogue avec le personnel, demander son avis et agir en fonction de ce qu’on entend, et pas seulement écouter. C’est la base de la QVT ». Selon le Pr Olivier Claris, professeur de pédiatrie et président de la CME des Hospices civils de Lyon, rapporteur de la mission sur la gouvernance et la simplification hospitalière (rendu en juin 2020), les leviers pour remettre une dynamique au sein des équipes sont les circuits courts de décision, la formation managériale et le renforcement des binômes : « Ce qui perturbe beaucoup le fonctionnement de certaines structures, c’est la lenteur de certaines décisions pour des choses qui paraissent évidentes. Donc, si on supprimait toute cette lenteur, cette pseudo-hiérarchisation, cette technocratisation, on améliorerait le quotidien indiscutablement. Déconcentrer les décisions et laisser ceux qui sont compétents les assumer, c’est tout à fait possible. » De l’avis de Laurent Garcia, cadre de santé en Ehpad, la confiance est l’élément essentiel pour faire rimer QVT et management : « Il faut laisser un maximum de liberté aux équipes, qui deviennent alors force de proposition. » Un avis que partage Francis Mangeonjean, président de l’Association française des directeurs de soins qui estime qu’il faut « faire confiance, laisser les équipes s’exprimer et donner les décisions qu’elles attendent ». Un travail de chaque instant qui replace l’humain au cœur de la stratégie managériale de l’hôpital.
* Conférence « Quand la QVT passe par un management de confiance », du mardi 9 mars, 17 heures.