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01/12/2022

Rapport ONVS : une baisse globale des signalements de violences… à relativiser

Le rapport de l'Observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS), rendu public le 21 novembre, révèle une diminution des signalements d’atteintes aux personnes et aux biens, par les établissements de santé, en 2020 et 2021. Les déclarations d’agressions verbales sont toutefois en hausse.

Avec 19 579 signalements d'atteintes aux personnes ou aux biens déclarées par les établissements de soins en 2020 et 19 238 en 2021, le rapport de l'Observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS) — qui couvre deux années en raison de la crise sanitaire — révèle une diminution de 23,6 % de ces signalements par rapport à 2019, année où il en avait enregistré 23 780. Le nombre d’établissements déclarants a chuté, passant de 451 en 2019 à 383 en 2020 et 391 en 2021. Pour expliquer cette évolution à la baisse, les auteurs du rapport avancent une explication. « La crise sanitaire sur ces deux années a limité l’accès libre dont les usagers (patients/résidents, accompagnants) bénéficiaient auparavant pour se rendre dans les établissements de soins. Il semble que c’est la première fois que l’hôpital (...) a été « fermé » avec un contrôle strict puis un filtrage permanent. La mise en œuvre de ces deux mesures, limitant ainsi les flux non contrôlés, est certainement à l’origine d’une baisse des atteintes aux biens et aux personnes déclarées, et semble avoir participé également à une baisse de l’insécurité ressentie. » Baisse qui pourrait donc être en trompe l’œil. Les auteurs ne manquent pas de rappeler que « la déclaration n’étant pas obligatoire, les données chiffrées ne sont pas exhaustives ».

HAUSSE GÉNÉRALISÉE DES VIOLENCES VERBALES

Ce sont en majorité les atteintes aux personnes qui remontent des établissements. En 2020, sur les 19 579 signalements recensés, 17 598 (81 %) ont concerné ces dernières et 4 025 (19 %) des atteintes aux biens. En 2021, sur les 19 328 signalements recensés 21 600 étaient motivés par des atteintes aux personnes (82 %) et 3 844 (18 %) des atteintes aux biens.

Faits saillants du rapport : les violences physiques et les menaces sont en baisse significative, passant sous la barre des 50 % (46.7 %) mais restent prépondérantes devant les insultes et les injures (32,1 %), les menaces d'atteinte à l'intégrité physique (18,3 %) et les violences avec arme (2,9 %).

S’agissant des violences verbales, l’ONVS rapporte qu’elles ont été "bien plus importantes en 2021 qu'en 2020 quasiment pour l'ensemble des services, structures et unités". En 2021, sur 33 169 atteintes aux personnes, l'ONVS en dénombre 23 591 (71 %) et rapporte 9 578 violences physiques (29 %) avec une "forte augmentation" en psychiatrie et aux urgences.

En psychiatrie, le rapport violences verbales - violences physiques est :

- en 2020, de 56 % (4 254) – 44 % (3 307) pour un total de 7 561 faits de violences ;

- en 2021, de 62 % (4 878) – 38 % (3 001) pour un total de 7 879 faits de violences.

Aux urgences, ce rapport est :

- en 2020 de 82 % (4 159) – 18 % (911) pour un total de 5 070 faits de violences ;

- en 2021 de 83 % (4 405) – 17 % (885) pour un total de 5 290 faits de violences.

DES SERVICES ET STRUCTURES DIVERSEMENT TOUCHÉS

Concernant le profil des établissements déclarants, les hôpitaux publics arrivent en tête (77 % en 2020, 74 % en 2021). Les établissements privés vivent cependant « les mêmes difficultés concernant les atteintes aux personnes et aux biens que les établissements publics », indique le rapport, tandis que les établissements médico-sociaux déclarent très peu de signalements à l’ONVS. La violence y est pourtant présente.

En 2020 comme en 2021, les structures et services déclarant le plus de violences, sont la psychiatrie (22,2 % en 2021), devant les unités de soins de longue durée / Ehpad (12,5 %) suivies des urgences (12,2 %) - qui passent donc en 3e position en nombre de signalements -, des unités de soins (10,1 %) et de la médecine (7,6 %). Tous dépassent 1 400 signalements et totalisent 65 % des signalements en 2020 comme en 2021.

Le système de déclaration permet de distinguer les atteintes liées à un trouble psychique ou neuropsychique (TPN). Elles ont représenté 21 % du total des atteintes en 2021 (24 % en 2020) et se retrouvent, sans surprise, plus spécifiquement dans les services de psychiatrie (31.2 % des atteintes de ce secteur en 2021) et les USLD/Ehpad (48.6 %).

De manière générale, les différents services, structures et lieux sont affectés différemment par les atteintes aux personnes ou aux biens. Certains d’entre eux, « en raison de leur patientèle, seront davantage concernés par des violences faites aux personnes (que ce soit à l'égard du personnel soignant ou entre patients)". Cas de la psychiatrie, des urgences, de la gériatrie, de la médecine, des unités de soins, des services de soins de suite et de réadaptation (SSR), des services de soins aux patients détenus et des soins au domicile du patient. "Des lieux où les tensions liées à des inquiétudes en rapport avec la maladie ou bien à des faits directement liés à une pathologie sont très présents", analyse l'ONVS. Certains lieux sont plus touchés « par une délinquance d’appropriation ou des dégradations (bureaux et vestiaires, parking, laboratoire, pharmacie) », analysent les auteurs du rapport.

LES INFIRMIÈRES PARMI LES PREMIÈRES VICTIMES

Qui pâtit des faits de violences ? Ce sont massivement les personnels soignants qui représentent 84 % des 29 214 victimes d'atteintes aux personnes en 2021, parmi lesquels 10 577 sont des infirmières (46 %), 1 791 des médecins (8 %) 10 512 d’autres personnels soignants (46 %, en majorité des AS). Les patients (8 %), les agents de sécurité (4 %) et les visiteurs (1 %) complètent ce triste palmarès.

Quant à la typologie des auteurs, l’ONVS fait observer moins de patients en 2021 par rapport à 2020 mais plus de visiteurs/accompagnants à l’origine de violence, les deux catégories représentant 90 % des auteurs de violence signalées. En 2021, les auteurs de violences aux personnes sont des patients dans 70,1 % des cas (73.7 % en 2020). Les accompagnateurs ou visiteurs sont impliqués dans 19,3 % des atteintes (16.3 % en 2020), les personnels de santé dans 3,6 % (3.4 % en 2020).

Par ailleurs, le taux de violences signalé entre et par des « Personnels » de santé reste stable et faible (3,4 % en 2020, 3,6 % en 2021). Ce sont essentiellement des violences verbales et psychologiques, plus rarement physiques. Enfin, l’ONVS déplore « à nouveau des signalements rarissimes de violences commises par des professionnels sur les étudiants, entre étudiants ou par des étudiants », ajoutant que « les médecins du travail et les infirmiers de santé au travail pourraient effectuer ces remontées sachant que ces signalements, tant en ce qui regarde les personnes que les établissements, sont anonymes. »

Une fois sur deux, l’élément déclencheur est un reproche relatif à la prise en charge du patient, en augmentation (51.4 % des signalements en 2021). Le refus de soins (21,2 %), un temps d'attente jugé excessif (8,5 %), l’alcoolisation (6,3 %) et des règlements de compte et conflits familiaux (4,5 %) figurent également dans le top 5.

PEU DE SUITES JUDICIAIRES

Quant aux suites données, en 2021, les 19 238 signalements ont fait l’objet de 1 146 plaintes et à 127 mains courantes déposées par les établissements eux-mêmes. Des chiffres qu’il convient de relativiser car « les établissements n’ont pas forcément communication par les agents victimes de violences, non seulement du fait de savoir s’ils ont déposé une plainte ou une main courante, mais encore de la suite judiciaire de la plainte », indique l’ONVS, et dans 61 % des cas (soit 11 969 autres signalements) l’information sur les suites données n’a pas été renseignée. Parmi les motifs des réticences au dépôt de plainte des personnels de santé, il avance notamment « l’empathie naturelle des soignants », la « peur de représailles, surtout en psychiatrie », « la crainte de s’engager dans un processus judiciaire méconnu et parfois long ».

En 2020 et 2021, sur les 259 plaintes pour lesquelles des suites ont été renseignées, 32 ont abouti à des condamnations à des peines d’emprisonnement, 15 ont donné lieu à des amendes et 5 à des rappels à la loi.

Yves Rivoal et Hélène Trappo

Rapport 2022 de l'ONVS, données 2020 et 2021

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