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04/02/2025

RATIOS SOIGNANTS : UN RAPPORT DE FORCE PLUS FAVORABLE, MAIS PAS DE GRAND SOIR

Adoptée la semaine dernière, la loi introduisant des ratios minimums de soignants dans les établissements suscite l’enthousiasme des organisations infirmières. Mais il ne faut pas s’attendre à ce qu’elle transforme le quotidien des blouses blanches du jour au lendemain.

Il y a enfin un sujet qui semble susciter un peu d’espoir au sein d’une profession infirmière relativement déprimée depuis plusieurs années : la loi visant à fixer des nombres minimums de soignants par patient dans les hôpitaux, approuvée le 23 janvier par l’Assemblée nationale.

« Adopter cette mesure, c’est garantir une organisation plus équilibrée dans nos établissements de santé, améliorer les conditions de travail des soignants et apporter plus de sécurité des soins aux patients », estimait sur le réseau social LinkedIn l’Ordre national des infirmiers (ONI) le jour du vote. Ces ratios « vont sauver des vies » et « faire revenir les soignants confrontés au sous-effectif et à la perte de sens », triomphait de son côté sur son site internet le Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI) après son adoption.

Rappelons que dans son article unique, le texte demande à la Haute autorité de santé (HAS) d’établir « pour chaque spécialité et type d’activité de soin hospitalier et en tenant compte de la charge de soins associée, un ratio minimal de soignants, par lit ouvert ou par nombre de passages pour les activités ambulatoires, de nature à garantir la qualité et la sécurité des soins. » Le texte, proposé par le sénateur (Place publique) de Paris Bernard Jomier, a été adopté dans les mêmes termes par les deux chambres, et entre donc en vigueur immédiatement.

PAS DE COUPERET
Mais attention, cela ne veut pas dire que les établissements sont dès aujourd'hui tenus de recruter des infirmiers et des aides-soignants par dizaines de milliers. Les seuils de soignants par lit ou par passage seront fixés par décret, une fois l’avis de la HAS rendu, ce qui peut prendre des années. « Dans tous les pays où ce type de loi a été mis en place, il a fallu 6 à 8 ans pour un déploiement complet, » avertit Bernard Jomier, qui table tout de même sur un délai plus court pour l’entrée en vigueur du texte. « On peut compter sur une publication des ratios par la HAS fin 2026, et une mise en œuvre en 2027 ou 2028 dans les établissements, » espère ce généraliste.

Celui-ci tient par ailleurs à préciser que les ratios attendus ne seront pas des couperets destinés à trancher les têtes des directions d’établissements qui ne les respecteront pas. « On parle de fourchettes, et il faut de la souplesse et de la concertation dans leur élaboration, insiste le sénateur. Par ailleurs, s’il manque des soignants et qu’on s’aperçoit qu’on ne peut pas respecter les ratios, l’idée n’est pas de laisser les cadres se débrouiller ou de fermer les services : il est prévu que l’ARS (Agence régionale de santé) soit saisie de la question. »

Mais alors, la loi tout juste votée, qui ne prévoit pas de sanctions en cas de non-respect, ne risque-t-elle pas d’être un coup d’épée dans l’eau ? « C’est avant tout une loi qui a pour objectif de changer le paradigme, de remettre le rapport de force dans les mains des soignants, » répond Bernard Jomier. Celui-ci estime que dès aujourd'hui, sans même attendre la publication des ratios par la HAS, on peut s’attendre à des conséquences concrètes. « Il y a un effet immédiat, c’est que quand les cadres de santé vont se retrouver à discuter du nombre de postes avec les directions, ils pourront dire qu’il y a désormais une loi, » veut croire le sénateur.

BESOINS DE RECRUTEMENT
Reste une question : étant donnée la pénurie actuelle de soignants, où ira-t-on chercher les infirmiers qu’il faudra embaucher pour respecter les futurs ratios ? « Je ne voudrais pas que la promesse d’un jour soit la tristesse du lendemain, » s’est inquiété lors de l’examen du texte en séance publique le député (Modem) d’Eure-et-Loire Philippe Vigier. Celui-ci a notamment dénoncé un texte « contreproductif » qui pourrait « créer davantage de problèmes dans les établissements qui en connaissent déjà le plus. »

Mais les ratios semblent avoir le soutien du gouvernement. Le ministre de la Santé Yannick Neuder a estimé lors de la même séance que l’introduction de ratios « fait partie des réformes structurelles que l’hôpital et ses soignants attendent. » Le cardiologue a tout de même cherché à modérer l’enthousiasme que la nouvelle loi peut susciter. « Il faut former 60 000 nouveaux infirmiers, ce qui nécessitera plusieurs promotions, a-t-il estimé. Sachant que l’on forme quelque 24 000 diplômés chaque année en France, je vous laisse faire le calcul. » Avis de tempête dans les Ifsi !

Adrien Renaud

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