« Mieux vivre la réanimation », tel était le thème de l’ultime conférence de consensus commune organisée, en novembre dernier, par la Société de réanimation de langue française (SRLF) et la Société française d’anesthésie et de réanimation (SFAR).
À l’occasion du 38e congrès de la SRLF, qui s’est tenu à Paris (La Défense) du 20 au 22 janvier, le Pr François Fourrier (CHRU de Lille), qui a présidé le jury de la conférence de consensus, est revenu sur la démarche qui a présidé au choix de cette thématique déclinée en cinq questions : quelles sont les barrières au «mieux-vivre» en réanimation ? ; Comment améliorer l’environnement ? ; Quels sont les soins qui permettent le «mieux-vivre» en réanimation ? Quelles stratégies de communication ? ; Comment personnaliser un processus décisionnel ?
« Aujourd’hui, nombre d’études montrent qu’un patient sur deux pris en charge par un service de réanimation va faire face à un certain nombre de phénomènes de stress post-traumatique identiques à ceux observés chez les militaires qui ont fait la guerre d’Algérie, du Vietnam ou du Golfe. Par ailleurs, quelque 40 % des familles subissent des mêmes troubles », souligne le praticien.
Parmi le personnel, 50 % des médecins et 40 % des paramédicaux souffrent d’épuisement professionnel. Chaque année, 750 000 personnes sont hospitalisées dans un service de réanimation, et près de 150 000 patients y décèdent.
Preuves à l’appui
Pour étayer les quelque 70 propositions et recommandations issues de la conférence (1), pas moins de 190 publications scientifiques françaises et internationales, sur les 3 000 sélectionnées, ont été décortiquées par les experts. Elles portaient, entre autres sujets, sur le stress, les traumatismes psychiques et psychologiques, ou encore les difficultés organisationnelles.
« Dans le domaine du soin et de l’amélioration de la qualité de vie du patient, par exemple, grâce à ces études, nous possédons désormais de hauts niveaux de preuves qui établissent que le séjour en réanimation doit, aussi, être un temps de réhabilitation précoce du patient », explique François Fourrier.
Dans ce contexte, il est préconisé d’avoir recours à des kinésithérapeutes, mais aussi à la musicothérapie, au toucher et à une prise en charge psychologique. « Plus on attend, plus le patient et sa famille risquent de le payer très cher », insiste le réanimateur. Pour autant, aucune de ces démarches ne reçoit aujourd’hui la moindre valorisation.
Le temps passé par une infirmière à prendre la main du patient pour l’aider à supporter les soins, le temps passé par un médecin à dialoguer avec une famille pour tester sa compétence et discuter, le cas échéant, de la limitation thérapeutique ou de fin de vie… ne sont pas pris en compte.
« Évidement, dans un système où l’on valorise seulement l’acte technique, le travail d’une équipe qui va aller chercher un patient au fond de sa détresse pour lui faire recouvrer son autonomie n’a pas sa place ! », tempête le médecin. Dans ce contexte, le professeur appelle « à une démarche de lobbying auprès des tutelles pour qu’elles prennent en considération ce travail ».
Françoise Vlaemÿnck
1- Téléchargeables sur www.srlf.org.