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06/11/2023

Relations sous haute tension entre les idel et les tutelles

Le torchon brûle entre les syndicats représentatifs des infirmières libérales et les tutelles. En cause, le cumul d’annonces et de décisions prises, impactant directement l’activité des soignants. Le point.

Les infirmières libérales (idels) ne savent plus sur quel pied danser. Si d’un côté, des avancées sont actées avec par exemple de nouvelles compétences vaccinales depuis la parution du décret du 8 août 2023 ou encore la possibilité de participer aux rendez-vous de prévention, de l’autre côté, la lenteur de la mise en œuvre de ces évolutions et les « attaques » des tutelles à leur encontre, cristallisent les tensions. A commencer par les annonces faites par le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, lors des universités d’été de la Confédération des syndicats médicaux français (CSFM) d’octobre. Il aurait soutenu, d’après les syndicats infirmiers, qu’envisager l’accès direct pour sortir des difficultés du système de santé est « une fausse promesse », « un mirage », qu’il ne poursuivra pas. Une annonce choc alors même que l’accès direct aux idel est demandé de longue date dans différents domaines. Et ces propos ne seraient que la partie immergée des attaques à l’encontre de la profession. Car depuis lors, d’autres mesures provoquent l’ire des représentants infirmiers.

La vaccination à domicile par les pharmaciens

A commencer par l’ouverture de la vaccination à domicile des patients par les pharmaciens, qui fait suite à une interprétation des textes. « Il y aurait un flou dans le décret du 8 août 2023 sur la vaccination, qui n’est pas tranché, explique Daniel Guillerm, président de la Fédération nationale des infirmiers (FNI). Donc juridiquement, les pharmaciens peuvent en effet vacciner au domicile des patients, mais ce n’était pas la volonté du législateur. » Cette prérogative ne serait revendiquée que par un seul syndicat représentatif des pharmaciens. « Face à cette situation, les trois syndicats représentatifs des idels – ce qui est rare – sont remontés comme des pendules, souligne Ghislaine Sicre, présidente de Convergence infirmière. Ce que nous vivons représente pour moi une injustice par rapport à nos compétences dans le domaine vaccinal. » Pour ce syndicat, l’ouverture de la vaccination aux pharmaciens au sein de leur officine a déjà introduit une forme de concurrence entre les deux professions. « Désormais, ils vont même pouvoir aller à domicile, cela crée beaucoup de frustration chez nous, ajoute-t-elle. Nous ne sommes pas d’accord et nous n’allons pas lâcher. Il faut rester centré sur nos métiers et travailler en bonne intelligence pour la santé des Français. » Le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil) a, pour sa part, défendu la vaccination par les pharmaciens officinaux, « car contrairement à eux, nous ne voyons pas une partie de la population », rappelle John Pinte, président du Sniil. En revanche, à domicile, la population dépendante représente le cœur de notre activité, 90 à 95 % de nos interventions. Cette nouvelle compétence qui leur est accordée démotive les infirmiers. » Quant aux Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), « c’était la ligne à ne pas franchir, ajoute-t-il. Nous en avons été éjectés alors que depuis des années, nous demandons à pouvoir y intervenir. Et désormais, les pharmaciens pourraient aller vacciner les résidents… C’est aberrant. »

Les syndicats attendent des clarifications sur le partage des tâches de la part du ministère de la Santé, qui devrait prochainement organiser une réunion avec les syndicats représentatifs des deux professions.

Lutte contre la fraude

Autre point de tensions : une nouvelle disposition prise dans le cadre du Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2024 pour lutter contre la fraude. Le gouvernement a introduit une mesure prévoyant l’arrêt de la prise en charge des cotisations des idel par l’Assurance maladie, dès lors qu’elles font l’objet, pour des faits à caractère frauduleux, d’une pénalité financière, d’une sanction ou d’une condamnation pénale. L’organisme d’assurance maladie pourra ainsi procéder à l’annulation de tout ou partie de sa participation sur la part des revenus obtenus frauduleusement. « Nous sommes d’accord pour lutter contre la fraude et d’ailleurs, des mesures sont mises en place en ce sens dans le cadre conventionnel », rappelle John Pinte. Elles prévoient un processus de concertation via une commission de pénalité en cas de suspicion de fraude. Mais les dispositions prises par la voie législative en font fi. « Les idels n’ont donc plus les moyens de se défendre correctement, ajoute-t-il. C’est d’autant plus problématique que nous n’avons pas la même définition de la fraude. Pour l’Assurance maladie, une erreur répétée peut être une fraude, alors que ce n’est pas systématiquement le cas. Parfois, certes, il s’agit vraiment de fraudeurs, mais dans d’autres cas, il s’agit d’une erreur d’interprétation de la Nomenclature générale des actes professionnels (NGAP). »

« La tendance lourde est de faire grossir l’appareil répressif aux mains de la Cnam, poursuit Daniel Guillerm. Cela en frise le ridicule. Nous sommes dans une course aux armements avec des mesures législatives ou réglementaires qui aujourd’hui, ont à peine du sens, tant les Cpam peuvent désormais mettre un professionnel de santé à genou. » Et de conclure : « Nous sommes d’accord pour que l’Assurance maladie effectue son travail en termes de gestion des risques, mais cela doit être fait avec discernement. » La FNI conseille aux idel de se tourner vers leur syndicat en cas d’abus d’autorité de la part de leur Cpam pour obtenir du soutien et des actions.

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