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31/12/2024

RÉSILIENCE SUR LE TOIT DU MONDE

Infirmière en cardiologie au CHU de Montpellier, Fabienne Sicot-Personnic, 40 ans, passionnée d’alpinisme depuis toujours, est la 14e femme et la 7e française à avoir gravi l'Everest (8849 m) dans l'Himalaya et la 1re à l'avoir tenté avec un double handicap, la maladie des os de verre et une spondylarthrite ankylosante.

QU'EST-CE QUI VOUS A POUSSÉE À VOUS ATTAQUER À L'EVEREST, EN 2023, ET AU MANASLU, UN AN APRÈS ?
Un sentiment d'urgence, quand, en décembre 2020, on m'a annoncé une perte d'autonomie importante dans les 5 ans, liée à un problème détecté sur un genou. J'ai voulu profiter de ce temps qui me reste à pouvoir faire les choses, d'autant qu'un rhumatologue m'avait déjà diagnostiqué, tardivement en 2009, le syndrome de Lobstein, une maladie génétique rare (maladie des os de verre) qui ne se soigne pas, puis en 2016, une spondylarthrite ankylosante. J'étais avec des béquilles ou sur un fauteuil roulant depuis plus de 2 ans et au fond, ce diagnostic avait été comme une libération. J'ai choisi de lever les yeux vers les plus hauts sommets, ça a toujours fait partie de moi, comme l'idée d'aller dans la chaîne de l'Himalaya, découvrir quelle vue on a d'aussi haut... Je me suis fixée quelques sommets et j'y vais au feeling, au fur et à mesure. En commençant par l'Everest, montagne impitoyable, pour une expédition de 2 mois et demi en 2023. Nous étions 5 alpinistes en binômes avec des Sherpas népalais. Puis le Manaslu, 6 semaines en septembre 2024, et 14 binômes. Dans ces défis, il y a beaucoup d'inconnues : comment mon corps va tenir l'expédition avec la météo, le froid extrême et des températures à -50°, les tempêtes de neige, des blocs de glace à franchir en rappel, et l'altitude où le moindre mouvement, – mettre ses crampons, marcher, respirer… devient une épreuve… Ces défis sont à la fois mon oxygène, un arrêt temporel sur image, en même temps qu'une bataille intérieure.

D'OÙ VOUS VIENT CETTE PASSION POUR LES SOMMETS ?
Les Alpes ont baigné mon enfance. J'ai été initiée très tôt par mes parents et adolescente, j'étais déjà montée au sommet du Mont Blanc. J'ai raccroché mes crampons le temps de démarrer ma vie professionnelle et familiale. En 2020, le temps était venu de me réaliser en tant que personne et j'ai repris le chemin de l'alpinisme, après un long parcours médical. Je suis retournée sur le Mont Blanc au début de mon projet d'expédition « Le piolet de verre »*, pour m'entraîner. Quand on grimpe, que ce soit le Mont Blanc ou un sommet de l'Himalaya, on se met en symbiose avec la nature, on vit au rythme de la montagne. On ne pense à rien d'autre qu'à se sécuriser au maximum, profiter de l'instant et du cadre, car la vue est incroyable.

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QUE VOUS APPORTENT CES DÉFIS DANS VOTRE QUOTIDIEN DE SOIGNANTE ?
Gravir un sommet comme l'Everest ou le Manaslu répond d'abord à mon besoin d'aller me ressourcer. Le métier d'IDE prend beaucoup d'énergie, et dans mon service, les journées en 12 heures, les samedis, les annonces de diagnostics sont loin d'être faciles. Ces défis m'aident beaucoup, notamment dans la prise en charge des patients soignés pour des pathologies hypoxémiantes (BPCO), des insuffisances respiratoires ou d'une hypertension artérielle diastolique. Pour avoir vécu la sensation d'étouffement dans d'autres conditions, par manque d'oxygène quand je suis au-delà de 7000 m d'altitude, j'ai l'impression de mieux trouver les mots et de mieux accompagner les patients. Les défis sportifs eux, ont enrichi ma relation avec les collègues, dans tous les sens. Ils ont renforcé des liens et un respect supplémentaire s'est ajouté, c'est du moins la sensation que j'ai. Ça n'a pas forcément changé le regard sur mes handicaps, qui sont peu visibles et dont je ne parle pas beaucoup. L'idée est de trouver des leitmotiv grâce auxquels la pathologie prend moins de place. Ils permettent de parler d'autre chose.

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QUEL SERA VOTRE PROCHAIN SOMMET ?
En 2026, je m'attaquerai au Gasherbrum I (8068 m) et II (8035 m), les 11e et 13e plus hauts sommets du monde, au Pakistan. J'envisage de les faire en une seule ascension. Je verrai ensuite si je peux m'attaquer aux autres pics himalayens, au-delà des 8000 m. Nous avons tous des rêves et des moyens différents. Le tout est de parvenir à se dépasser, et ne pas lâcher. Peu importe ce que les autres pensent. C'est ainsi que l'on peut déplacer des montagnes.

Myriem Lahidely

* « Le piolet de verre » est aussi le titre du documentaire d'Amélie Mauro, sur le parcours de Fabienne Sicot, de sa préparation en France à affronter l'Everest, jusqu'aux pentes du Népal. En septembre 2024, le film a obtenu le prix de l'aventure « Atalante », lors du festival What A Trip ! à Montpellier, dédié aux voyages et à l'aventure.

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