Retraites: les infirmières se manifestent

08/09/2010

Retraites: les infirmières se manifestent

Mardi, entre 1,1 et 2,7 millions de Français ont protesté contre la réforme des retraites. Dans la rue, des infirmières disaient leur inquiétude.

Au moins 40 000 à Bordeaux, 32 000 à Toulouse, 27 000 à Marseille, et bien plus d'après les syndicats (1)… partout en France, les manifestations du 7 septembre ont fait le plein. A Paris, entre 80 000 et 270 000 personnes ont défilé. En tête de cortège, les infirmières anesthésistes battaient le pavé aux côtés de médecins anesthésistes-réanimateurs, d'urgentistes, de psychiatres et de pédiatres. Un peu partout, des IDE (plutôt discrètes) disaient leur inquiétude face à la réforme défendue par Eric Woerth à l'Assemblée. Elles se montraient très incertaines quant au «droit d'option» entre catégories A et B qui devrait être mis en œuvre ce mois-ci – chaque IDE hospitalière aura jusqu'en mars pour faire son choix (lire notre article).

Danièle, la quarantaine, exerce dans un service de pédopsychiatrie de Seine-Saint-Denis. « Je n'irai pas jusqu'à 60 ans, assure-t-elle. A cet âge-là, je ne me vois pas faire des activités en portant des sacs à dos, ou accompagner les enfants à la patinoire… »  Elle pense donc, faute de mieux, quitter la profession à 57 ans, une fois tous ses trimestres acquis. Si elle reste en catégorie B, elle pourra toucher sa pension dès cet âge. Même si elle préférerait « partir à 55 ans », comme le fera certainement Marie-France, qui marche à ses côtés. « Si je suis venue manifester, c'est plutôt pour les collègues, dit-elle. Je m'en vais dans un an ou deux, donc je reste où je suis. » Toutes deux témoignent d'une pénibilité liée au bruit des enfants, « sept heures d'affilée ». Et les suppressions de poste n'arrangent pas les conditions de travail…

Manque d'information
Un peu plus loin, Sandrine, infirmière à Villejuif (94), syndiquée chez Sud santé-sociaux, déplore l'allongement de la durée de cotisation : « J'ai commencé à 25 ans, donc j'en ai au minimum jusqu'à 67 ans [pour partir avec le taux plein]. Je ne pourrai pas m'arrêter à 57 ans car je n'aurai pas mon quota.»  Elle préfère attendre avant de choisir entre les deux catégories. «Pour le moment, toutes les informations que l'on a viennent des syndicats», observe-t-elle. Le décret mettant en œuvre le protocole du 2 février n'est pas encore paru, et les directions restent muettes. « Au bureau du personnel, ils sont incapables de nous expliquer ce que l'on va gagner et ce que l'on va perdre dans cette réforme. »

Même constat pour Marianne, la vingtaine, IDE en réanimation à Paris, à l'autre bout du cortège: «On ne connaît pas encore tous les tenants et aboutissants de cette réforme.» Elle se méfie tout de même de l'option "B", craignant un futur report de l'âge de départ: «Je ne crois pas vraiment qu'on pourra partir plus tôt, au final.» «Mieux vaut se faire payer davantage tout de suite», opine son amie Gwenaëlle. Elle a repéré «un peu de monde» de son hôpital dans la manifestation, mais trouve les autres infirmières «un peu défaitistes». «On est mal barrés, nous les jeunes!», s'inquiète-t-elle. De son côté, Marianne assure que « tous les pays européens ne mènent pas la réforme de façon aussi extrémiste que la France. En Allemagne, la retraite est à 65 ans [bientôt 67, ndlr], mais avec 35 ans de cotisation, pas 41.»

A quelques pas, Laure, trentenaire, exerçant en HAD, aimerait voir se profiler des postes adaptés aux fins de carrière. Imagine-t-elle travailler jusqu'à 60 ans, comme le veut l'option "A"? «Si on me met dans un bureau à partir de 50 ans, pourquoi pas. Mais pas en courant huit heures d'affilée, en soulevant des patients... » Près d'elle, Valérie, syndiquée depuis peu à la CGT, ajoute que «tout le monde n'a pas forcément envie de se présenter à l'école des cadres». Malgré les augmentations proposées, toutes deux craignent de se retrouver dans une catégorie « A moins », avec des salaires plus bas que ceux des enseignants, par exemple. Le "cadeau" a donc un goût amer : «On a voulu une reconnaissance de notre formation au niveau licence, pointe Valérie, mais ça a été un peu un prétexte pour faire passer d'autres choses…»

Texte et photo:
Nicolas Cochard

1- Selon les syndicats: 200 000 à Marseille, 100 000 à Bordeaux, 35 000 à Lyon.

 



En bref…
Grévistes en hausse. Dans la fonction publique hospitalière, le taux de participation à la grève a été de 17,08%, selon le ministère de la Santé, cité par l'APM.  C'est davantage que lors de la journée d'action du 24 juin (12,5%) .
Quelques concessions? François Fillon a promis face aux députés UMP des «ouvertures en fin de semaine», notamment sur les emplois pénibles. Il a néanmoins appelé les parlementaires à «tenir la ligne» sur le report des limites d'âge.
Bis repetita. Une nouvelle journée de mobilisation aura lieu le 23 septembre prochain.

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