« Rien n'était facile, mais nous avons sauvé des vies »

24/08/2012

« Rien n'était facile, mais nous avons sauvé des vies »

L’Australien Brian Moller, infirmier anesthésiste, a assuré durant six semaines la coordination générale d’un hôpital clandestin installé en Syrie par Médecins sans frontières (MSF).

De retour à Paris, il témoigne.

Espaceinfirmier.com : Pouvez-vous nous décrire votre environnement de travail ?

Brian Moller : C’est un hôpital de douze lits, installé dans une maison particulière du nord de la Syrie, dans une zone contrôlée par l’Armée syrienne libre, très proche des combats. Chaque jour, nous entendions des tirs d’obus à moins de 10 km, même si nous n’avons jamais été ciblés.

Nous pouvions recevoir 30 patients simultanément, avec un bloc, une salle de réanimation, une salle de déchoquage, et tous les services liés (stérilisation, blanchisserie, laboratoire, banque de sang…). C’est un endroit très animé, ouvert 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Nos lits étaient parfois remplis à 170 %. Ce qui a nécessité d’ajouter des matelas au sol, puis sur la terrasse… Nous recevions autant de civils que de combattants, avec des polytraumatismes, des blessures par balle ou éclats d’obus. Un peu moins de femmes que d’hommes.

L’équipe est composée de sept expatriés : un chirurgien, un anesthésiste, un urgentiste, deux infirmières (une pour le bloc et l’autre pour la salle), un logisticien et un coordinateur. Et, bien sûr, le staff national, d’une cinquantaine de personnes : médecins, infirmières, techniciens de stérilisation, agents de service, gardiens, chauffeurs, etc.

 

A-t-il été facile de recruter des professionnels de santé sur place?

Nous étions dans une petite localité rurale, donc ça n’a pas été facile, même si nous avons reçu beaucoup de propositions. Les gens sont très solidaires, ils veulent aider. Mais, parfois, en médecine, si l’on n’est pas spécifiquement formé, on peut faire plus de mal que de bien. Nous avons donc refusé des offres de collaboration de médecins qui n’avaient pas l’expérience du polytraumatisme ou de la chirurgie de guerre. Nous aurions perdu trop de temps et d’énergie à les former. Mais, il n’a pas été compliqué de réunir l’équipe médicale.

Pour les infirmières, c’était différent. Beaucoup ont été recrutées parmi les personnes déplacées par les combats. Il y a, en Syrie, trois types d’infirmières : les registered nurses (ndlr : équivalent des IDE en France), formées en trois ans ; les military trained nurses, formées en deux ans mais très compétentes sur le terrain ; et les auxiliary nurses, formées en un an, qui ne peuvent pas poser d’intraveineuses ou calculer des doses. Il nous a donc fallu beaucoup les former et, en fonction de leur cursus initial, limiter les responsabilités dans les tâches.

 

Vous êtes infirmier anesthésiste de formation, quel était votre rôle dans cette mission ?

J’étais le coordinateur général, celui qui fait en sorte que tout fonctionne : les fournitures d’équipements, le recrutement, la formation, la représentation auprès des autorités locales, le management des équipes… Il m’est arrivé de faire du soin en réanimation ou de stabiliser un patient aux urgences, quand l’équipe était surchargée. Il faut rester polyvalent dans ce type de mission !

 

Quel bilan dressez-vous de cette action ?

Nous avons pris en charge 350 patients et opéré 150 d’entre eux. Toutes ces interventions ont sauvé des vies. Et pourtant, rien n’était facile : le transport des blessés, comme du matériel, l’accès à l’électricité, à l’eau, le repos des équipes… Ouverts 24 heures sur 24, nous ne dormions parfois que quelques minutes entre deux interventions. On prenait le temps là où on le trouvait. C’est un exercice très exigeant pour les professionnels, c’est d’ailleurs pourquoi les missions sont relativement courtes. Mais, c’est ce que fait MSF.

Propos recueillis par Sandra Mignot.

 

Pour en savoir plus.

Les dernières réactions

  • 06/03/2015 à 14:46
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