Syndicats de médecins et ministère de la Santé se sont mis d’accord la semaine dernière sur la délicate question des RTT accumulées depuis 10 ans. Un accord qui fait grincer quelques dents côté infirmier, pour lesquelles rien n’est toujours acté.
« Les médecins ont signé un accord qui résout le problème des quelque 2,1 millions de jours de RTT qu’ils avaient accumulés sur leurs comptes épargne temps (CET). Tant mieux pour eux. Mais il ne faudrait pas que le gouvernement oublie les autres ! Les infirmières, les cadres de santé… l’ensemble du personnel hospitalier, lui aussi concerné par l’accumulation de RTT. » Commentant l’accord-cadre conclu la semaine dernière entre intersyndicales de praticiens hospitaliers et ministère de la Santé, Fernand Brun, représentant FO Santé, résumait bien le sentiment général des soignants. Car si les médecins ont vu leur dossier avancer, les agents hospitaliers attendent toujours, eux, une reprise des négociations.
Grâce à l’accord-cadre relatif à l’exercice médical à l’hôpital, signé le 23 janvier dernier avec le ministre de la Santé Xavier Bertrand, les médecins ont obtenu le choix entre trois options pour solder leurs CET : prendre effectivement des jours de congés, se faire payer les RTT accumulées (à hauteur de 300 euros par jour, et dans la limite de 80 jours), ou les convertir en points de retraite complémentaire.
Sachant que les 41 000 praticiens hospitaliers ont accumulé 2,1 millions de journées de RTT - soit en moyenne 47 jours, et jusqu'à 150 ou 200 pour certains - la facture risque de s’avérer salée pour les 1200 hôpitaux qui vont devoir régler la note. Selon les syndicats de médecins, le montant global des jours de RTT accumulés par les praticiens représenterait en effet près de 600 millions d’euros, or les hôpitaux n’ont provisionné que 30% à 45% de cette somme.
Réactions contrastées
Les syndicats de médecins ayant paraphé cet accord-cadre, au premier rang desquels la CMH (1), l’un de principaux syndicats de praticiens hospitaliers, estiment avoir signé « un bon accord ». Mais, au sein même de la communauté médicale, les réactions sont loin d’être unanimes. Les négociations n’ont d’ailleurs été menées qu’avec des interlocuteurs choisis. Ainsi, ni Avenir hospitalier, ni l’Amuf (2), ni la CGT n’ont été conviés au ministère de la Santé. Vice-président de l'Amuf, Christophe Prudhomme dénonce ainsi un accord « électoraliste », destiné avant tout à caresser les médecins dans le sens du poil. « C’est un marché de dupes ! Car cet accord ne concerne pas seulement l'épineux dossier des RTT : il instaure aussi le temps de travail annualisé, les contrats d’objectifs, et même l’intéressement. On est dans la logique de l'hôpital-entreprise », tempête-t-il. Sans compter, rajoute-t-il, « que, pendant que les médecins sont cajolés, les personnels soignants, qui accumulent aussi des millions de jours de RTT, sont, eux, oubliés. »
Fernand Brun opine. Et rappelle que les négociations concernant les RTT des agents hospitaliers sont au point mort depuis le 30 novembre 2011, date de la dernière réunion de concertation sur le sujet entre syndicats et DGOS. « Ce jour-là, rappelle-t-il, le ministère s’est engagé à publier, à priori en avril prochain, un nouveau décret régissant les CET… Mais depuis, nous n’avons plus de nouvelles. » Qui plus est, « le texte que l’on nous avait présenté était pour nous inacceptable en l’état », précise-t-il. Le projet ministériel prévoyait en effet de calquer dorénavant les CET des agents hospitaliers sur ceux de la fonction publique d’Etat : le nombre de jours maximum versés sur un CET serait limité à 10 par an (contre 22 actuellement), et à 60 au total (contre 200). Les syndicats sauront-ils faire entendre leur voix ? Leur marge de négociation s’annonce mince, « mais nous n’avons pas l’intention de laisser tomber le dossier », prévient Fernand Brun.
Emmanuelle Debelleix
1 - CMH : Coordination médicale hospitalière.
2 – Amuf : Association des médecins urgentistes de France