Coucher le récit professionnel sur le papier ? En dépit de la richesse des expériences de soins, peu d’infirmières passent à l’acte. Manque de temps, réticences à se mettre en avant, peur des représailles hiérarchiques… Lorsque Anne Perrault-Soliveres publie, en 2001,
Le Savoir de la nuit, qui donne la parole aux infirmières de nuit, elle a subi une pression importante de la part de l’établissement. «
Mais comme j’ai résisté, j’ai fini par avoir l’estime de la hiérarchie », se souvient-elle.
Le risque de l’infirmière-écrivain : devenir une bête noire dans le service en suscitant la méfiance des collègues. «
Je leur ai demandé leur accord pour les citer, et j’ai changé les noms des patients et leurs caractéristiques physiques, insiste Nicole Benevise, auteur du Journal d’une infirmière, en 1993
. J’en ai bavé. Pour écrire, il faut se faire violence, comme pour exercer. »
Aïssa Lacheb-Boukachache, qui a publié en 2006 «
Mon cahier d’Henry Crotter », fait aussi état de réactions « essentiellement négatives » de ses collègues, en dépit de la forme romanesque qu’il a choisie. Il n’a en revanche pas eu de difficultés à trouver un créneau éditorial ; La Mort apaisée, chroniques d’une infirmière en soins palliatifs, a eu plus de mal. «
Ce ne sont pas des histoires que les gens aiment lire avant de s’endormir », constate Michaëlle Gagnet, journaliste et co-auteur du livre avec l’infirmière Élise Gagnet.
Les blogs, eux permettent parfois de balayer les complexes. Pas besoin d’être experte en informatique pour témoigner : lorsque Anne Perrault-Soliveres s’y est mise, elle n’y connaissait rien. «
C’est le journal “Libération”
qui gère le blog. Moi, je lance des pavés dans la mare, je lis les commentaires. Il y a souvent des fautes d’orthographe, mais le contenu est stupéfiant. Ces commentaires, c’est peut-être un viver de futurs écrivants. »
A.L.G.Mardi 16 octobre 2007 : « Blogs, chroniques, carnets intimes… Écrire pour témoigner », Alain Tronchot, rédacteur en chef de l’Infirmière magazine.