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10/11/2022

Santé et mouvements sectaires : les liaisons dangereuses

Dans son rapport d’activité, la Miviludes estime que le domaine de la santé est une de ses préoccupations majeures, et alerte sur la multiplication des « dérapeutes », qui rejettent la médecine conventionnelle au profit de pratiques dangereuses.

Le domaine de la santé est un terrain d’influence pour les organisations sectaires. C’est l’un des enseignements du rapport d’activité 2021 de la mission interministérielle de vigilance et de luttes contre les dérives sectaires (Miviludes), publié le 3 novembre. « La crise sanitaire, inédite par son ampleur, a favorisé l’émergence de nouvelles mouvances et d’individus souhaitant tirer profit des personnes isolées, malades ou en perte de repères. En témoigne l’augmentation préoccupante du nombre de saisines reçues par la Miviludes en 2021, dans la continuité de celles enregistrées en 2020 », s’alarme Hanène Romdhane, cheffe de la mission, dans l’introduction du document.

En 2021, la Miviludes a été saisie 4020 fois, soit une augmentation de 86 % par rapport à 2015. Parmi ces saisines, 1011 ont été adressées au pôle Santé. Sur les 744 que les agents ont traitées, 70 % concernaient des pratiques de soins non conventionnelles. 148 autres saisines sont également liées au complotisme et au mouvement antivaccin.

Ventouses et karma

Le texte met, par exemple, en lumière la « hijama humide », une pratique apparentée à la médecine orientale qui consiste à pratiquer des incisions épidermiques superficielles en des points précis du corps et à y appliquer des ventouses pour en extraire le « mauvais sang ». « Le Cnom rappelle que l’effraction cutanée est réservée aux seuls médecins », soulignent les auteurs.

Parmi les mouvements qui éveillent la vigilance de la Miviludes, l’Église de scientologie estime que la psychiatrie est une imposture, et a mené ces dernières années des campagnes de dénigrement contre des hôpitaux français. « L’organisme, en mettant en avant sa lutte pour la dignité des patients internés et son soutien aux proches, chercherait surtout à recruter de nouveaux adeptes », estime le texte.

Dans l’approche anthroposophique, développée par Rudolf Steiner et ses adeptes, la maladie résulte d’une « destinée karmique », liée aux erreurs du patient dans ses vies précédentes : le karma doit alors être mis au centre du processus de guérison. Cette conception peut « conduire à des traitements dangereux pour les patients ou même à des refus de traitement afin de laisser le « karma » s’exprimer », avertissent encore les rapporteurs.

Affaiblir les corps et les esprits

Si la Miviludes rappelle que « toute dérive thérapeutique ou toute pratique non conventionnelle n’est pas sectaire », elle souligne que « la multiplication des pseudo-guérisseurs » est un problème de santé publique. Et de mentionner, notamment, la nouvelle médecine germanique du Dr Hamer (aujourd’hui décédé, mais dont l’influence persiste), qui considère que les cancers sont causés par un choc psychologique et rejette les thérapies conventionnelles au profit d’une approche exclusivement psychothérapeutique.

Le jeûne thérapeutique présente lui aussi des risques sérieux de dérive : « En privant l’individu d’aliments, celui-ci peut se retrouver particulièrement vulnérable en raison de l’affaiblissement de son corps et donc de son esprit », remarque le rapport. Plus largement, la Miviludes avertit sur les stratégies des « dérapeutes », qui affaiblissent leurs victimes par le rejet de la médecine conventionnelle.

La mission explique développer des partenariats, sous forme de conventions, avec les ordres professionnels et les organismes reconnus de lutte contre le cancer, afin de renforcer la vigilance générale sur ces dérives potentielles. « La désertification médicale des campagnes françaises n’est pas étrangère à ce phénomène (de thérapies non conventionnelles) qui prend des proportions inquiétantes et contribue à créer une insécurité sanitaire », estiment toutefois les auteurs du rapport.

Lisette Gries

Consulter le rapport d’activité 2021 de la mission interministérielle de vigilance et de luttes contre les dérives sectaires (Miviludes)

À LIRE ÉGALEMENT

Favier A.-L.,  « Dérives sectaires : quand la menace pèse sur la santé » dans L'infirmièr.e n° 022 du 01/07/2022

Renaud A., « Quand sectes et santé font bon ménage », dans L'infirmièr.e n° 9 du 01/06/2021

Martin L., « Gare aux "gourous thérapeutiques" », sur espaceinfirmier.fr le 23/12/2016

De Montalembert L., « Les infirmières face aux dérives sectaires », sur espaceinfirmier.fr le 30/09/2015

Colau  H., « Médecines alternatives, une mode dangereuse ?  », dans L'infirmière Magazine n° 394 du 01/06/2018

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