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Le Premier ministre, Michel Barnier, l’a annoncé début octobre : la santé mentale sera la Grande cause nationale 2025. Qu’en attendent les professionnels ? Le point avec Mirela Vlasie, infirmière en pratique avancée (IPA) mention psychiatrie santé mentale (PSM) et secrétaire de l’Association nationale française des IPA (Anfipa) et Aude Sibert, IPA PSM et référente du collège psychiatrie et santé mentale de l’Anfipa.
L’ANFIPA EST MEMBRE DU COLLECTIF SANTÉ MENTALE 2025, QUI RASSEMBLE PLUS DE 3000 ORGANISATIONS DU CHAMP DE LA SANTÉ MENTALE. QUELLE EST SA FINALITÉ ?
Mirela Vlasie : Ce collectif s’est créé il y a un an et demi justement pour faire en sorte que la santé mentale soit déclarée comme Grande cause nationale 2025. L’Anfipa a décidé de le rejoindre car ses actions s’inscrivent dans nos objectifs de vouloir informer, prévenir, travailler sur la prévention et déstigmatiser la santé mentale.
Aude Sibert : Nous avons appris l’existence du collectif par nos partenaires, notamment l’Association des jeunes psychiatres et des jeunes addictologues (AJPJA), qui ont sollicité le collège psychiatrie et santé mentale de l’Anfipa pour que nous y prenions part. Nous avons alors rencontré les membres fondateurs du collectif à savoir Santé mentale France et Alliance pour la santé mentale. Des actions sont en train d’être élaborées pour promouvoir la Grande cause nationale via ce collectif, innovant puisqu’il a pour originalité de rassembler à la fois des professionnels et des patients.
EN TANT QUE PROFESSIONNELLES DE SANTÉ, QUELLES SONT VOS ATTENTES PAR RAPPORT À CETTE GRANDE CAUSE NATIONALE ?
Aude Sibert : Concernant la pratique avancée, nos attentes concernent principalement la concrétisation de la loi Rist adoptée en mai 2023, qui acte l’accès direct aux IPA. Aujourd’hui les décrets d’application ne sont toujours pas parus. Dans le champ de la santé mentale notamment, cet accès direct permettrait un meilleur repérage, dépistage et suivi des patients. Les IPA, toutes mentions confondues, pourraient contribuer à cette grande cause en effectuant du dépistage précoce. Mais actuellement, si on prend l’exemple des IPA PSM, 90 % d’entre nous exerçons en structure hospitalière en raison de notre modèle de fonctionnement, qui n’est pas favorable à un exercice en ville.
Mirela Vlasie : Nous avons aussi un rôle à remplir dans la prévention et nous aimerions pouvoir nous en saisir. C’est d’ailleurs l’un des axes de la Grande cause. Cette possibilité n’est pas encore d’actualité.
CONCERNANT LA QUALITÉ DES SOINS, QUELS SONT LES GRANDS AXES SUR LESQUELS TRAVAILLER ?
Mirela Vlasie : Il faut déstigmatiser la santé mentale, parler davantage des troubles du neurodéveloppement. Chez les plus jeunes par exemple, l’accompagnement à l’école est assez dommageable tout comme l’inclusion des enfants. Depuis la rentrée, les aménagements sont compliqués face à l’explosion des demandes. En l’absence d’infirmières et de médecins scolaires, les enfants ne sont pas détectés à temps. Toute la chaîne est défaillante. Nous espérons que des mesures concrètes vont être mises en place et qu’elles vont s’inscrire dans la durée et non uniquement pour l’année 2025.
Aude Sibert : Des IPA assurent les premiers secours en santé mentale. Elles se déplacent dans les entreprises. Ce mouvement de déstigmatisation, d’aller vers, doit se poursuivre afin de donner aux personnes les moyens d’identifier les signes d’alerte et d’agir. Il faudrait également renforcer le rôle des infirmiers en soins généraux car notre profession est au premier rang et redéfinir le parcours d’accès aux soins en fonction des compétences des professionnels. Le déploiement d’une offre graduée permettrait une meilleure réponse aux besoins de la population.
Mirela Vlasie : Plus nous serons nombreux à effectuer du dépistage, plus nous pourrons graduer la prise en charge. Aujourd’hui, les délais d’attente pour consulter un professionnel de la psychiatrie varient de six mois à deux ans.
QU’EN EST-IL DES SEMAINES D’INFORMATION SUR LA SANTÉ MENTALE (SIMS) QUI ONT LIEU CHAQUE ANNÉE EN OCTOBRE ?
Mirela Vlasie : Elles existent depuis longtemps (en 2024 a eu lieu la 35e édition). Il s’agit du moment de l’année où l’on parle de la santé mentale dans la sphère publique, avec de nombreuses actions mises en place dans les établissements et dans les villes afin de promouvoir et d’informer le grand public.
Aude Sibert : L’objectif des SIMS est de déstigmatiser la santé mentale, d’informer, de permettre aux personnes de savoir réagir face à une situation problématique. Mais nous nous rendons compte que malgré toutes ces années de communication, il est toujours difficile de parler de santé mentale. Il faut s’interroger sur cet enjeu et faire en sorte qu’il perdure dans le temps.
Propos recueillis par Laure Martin