Menée auprès d’infirmiers psychiatriques et de psychiatres de nombreux pays, l’étude du laboratoire Janssen s’est intéressée à la non observance du traitement chez les patients schizophrènes, à ses causes et à ses conséquences.
La schizophrénie est une maladie grave et plus courante qu’on ne le croit : l’association américaine des psychiatres estime que sur l’ensemble de la population mondiale, un individu sur cent sera atteint de schizophrénie à l’âge de 45 ans.
Non guérissables par définition, les symptômes de la schizophrénie se traitent néanmoins de mieux en mieux : depuis le milieu des années 1950, les médicaments antipsychotiques se sont nettement améliorés. Mais le progrès pharmaceutique n’est rien sans une « réelle implication du patient, une adhésion au traitement », a insisté lundi Pierre Michel Llorca, chef du service de psychiatrie au centre médico-psychologique (CMP) du CHU de Clermont-Ferrand, dans le cadre du congrès du Collège européen de neuropsychopharmacologie (1). Médecins, infirmiers et soignants sont en effet quotidiennement confrontés au défi de l’observance des traitements.
Les traitements injectables au long cours plébiscités
Les résultats de l’étude EMEA (pour Europe, Middle East, Africa) confirment cette difficulté. Cette étude a été menée en 2010 et 2011 auprès de 4 722 psychiatres dans 36 pays et de 4 120 infirmiers psychiatriques dans 29 pays. Il en ressort que 53% des patients sont non ou partiellement adhérents au traitement. Or, ceux qui arrêtent leur traitement médicamenteux ont cinq fois plus de risques de rechute. Rechute qui entraîne hospitalisation et après laquelle il peut s’écouler un an avant que le patient recouvre son état antérieur. De plus, la succession de rechutes peut entrainer une résistance au traitement et isoler davantage le malade. Pour 36 % des patients, la non adhésion au traitement découle du manque de conscience de sa maladie. Pour 26 %, elle est liée aux moments de répit, où le patient se sent mieux et pense que le traitement n’est plus nécessaire. Dans cette optique, l’éducation thérapeutique du patient et de son entourage est fondamentale.
D’autre part, la prise quotidienne de médicaments oraux est souvent mal respectée. En regard de ce résultat, le psychiatre met l’accent sur un autre résultat : 93 % des infirmiers travaillant en psychiatrie et 62% des psychiatres estiment que l’administration d’antipsychotiques à durée prolongée sous forme injectable (Long Acting Injectable (LAI) antipsychotics) génère des bénéfices plus importants. Il s’agit d’injections réalisées toutes les deux à quatre semaines, qui peuvent être faites à l’hôpital, mais aussi par des infirmiers libéraux spécialisés en psychiatrie. « Une étude récente sur une cohorte de 2 000 patients a montré que les LAI réduisent fortement le taux de ré-hospitalisation. En France, quelque 20 à 25% des traitements sont des LAI, c’est assez peu, mais en même temps cela nous place parmi les pays à la pointe en Europe », a souligné Pierre-Michel Llorca, qui s’inscrit en faux contre l’idée que cela restreindrait la liberté du patient : « L’utilité des médicaments se juge à l’aune de leur capacité à diminuer les hallucinations, l’agitation, la confusion, les épisodes psychotiques… Dans cet objectif, les formes longues ont une action plutôt bénéfique. »
Sarah Elkaïm
1 - Le congrès du CENP se tenait au Palais des Congrès de Paris du 3 au 7 septembre.