15/01/2009

Services d’urgences saturés : l’urgentiste Patrick Pelloux dénonce le dysfonctionnement de la chaîne d’alerte

Face à la situation catastrophique des services d’urgence hospitalière ces 15 derniers jours, l’Association des médecins urgentistes de France réclame une commission d’enquête indépendante pour comprendre pourquoi les signalements de tension extrême sur le terrain ne remontent pas jusqu’aux autorités de tutelle et ne se traduisent par aucune mesure adaptée.

Exemples et chiffres à l’appui, le président de l’Amuf Patrick Pelloux a dénoncé une fois de plus une situation «  complétement catastrophique », « assez exceptionnelle à cette époque de l’année ». « On rame dans tous les services d’urgence pour trouver des lits d’hospitalisation », a-t-il constaté jeudi, craignant que la situation n’empire encore avec le pic de l’épidémie de grippe annoncé ces jours-ci.

Commission d’enquête indépendante

Constatant l’inefficacité et l’échec des différents observatoires et réseaux d’alerte qui «n’ont rien vu venir», Patrick Pelloux a réclamé la constitution d’une commission d’enquête indépendante pour savoir pourquoi le système d’alerte et d’anticipation dysfonctionne à ce point. En fait, le président de l’Amuf soupçonne l’administration de s’opposer au déclenchement de plans blancs réclamés par certains directeurs d’établissements «pour ne pas faire de bruit». « J’insiste et je suis scandalisé que le ministère de la Santé demande à ce que l’on ne fasse pas trop de bruit lorsque les services sont surchargés », a dénoncé Patrick Pelloux. «ça fait 10 ans que je répète la même chose et on n’a jamais senti un tel mépris de la part d’un ministère de la Santé», a-t-il ajouté. Selon lui, seule une petite vingtaine de plans blancs ont été déclenchés alors qu’il en faudrait beaucoup plus. Après un appel à témoignages sur les dysfonctionnements amont-aval dans l'hôpital lancé le 9 décembre par l’Union des familles laïques (Ufal), l’association d’assurés sociaux reçoit une centaine de témoignages par jour, selon Bernard Teper co-responsable du secteur Santé - Protection sociale de l'UFAL.

Pénurie de lits et de personnels

«Le président de la République se trompe», a affirmé Patrick Pelloux mercredi lors d’une conférence de presse organisée conjointement avec l’Ufal. «Il y a bel et bien des problèmes de moyens, c’est la réalité du terrain», a-t-il dit en allusion au discours de Nicolas Sarkozy lors de ses vœux aux personnels de santé le 9 janvier.

Bernard Teper ne dit pas autre chose. Pour en avoir le cœur net, l’Ufal s’est livrée à une petite expérience deux week-ends de suite pendant les vacances de Noël (entre Noël et le jour de l’An et la semaine suivante). «Nous sommes restés quelques heures dans les services d’urgence de plusieurs hôpitaux parisiens», a raconté Bernard Teper. «Qu’avons-nous vu ? Nous avons vu des médecins urgentistes passer des heures à chercher des lits d’aval, c’est bien qu’il y a un déficit de lits ouverts, non ? En réalité, les lits existent physiquement, mais on ne les ouvre que s’il y a du personnel médical et paramédical autour, on n’en revient donc au déficit de personnel», a-t-il conclu.

Moratoire sur la réforme de l’hôpital et Grenelle de la santé

C’est pourquoi l’Ufal a lancé le 9 janvier un appel aux assurés sociaux qu’elle représente et au ministère de la Santé, dans lequel l’association réclame trois choses. D’abord, un plan d'urgence pour «ouvrir des lits supplémentaires en aval des urgences», ce qui passe «par la création de postes médicaux et paramédicaux dans les hôpitaux». Ensuite, un «moratoire sur les réformes» et notamment sur le projet de loi «Hôpital, patients, santé, territoires» qui doit être examiné par le Parlement en février et que Bernard Teper a rebaptisé «plan Renault, Peugeot, clients, transports, territoires» pour mieux affirmer que «l’hôpital n’est pas une entreprise comme les autres» et que «les critères de rentabilité ne peuvent pas être les critères principaux» à l’heure de présider à l’organisation des soins.

Et enfin, l’ouverture d’un « Grenelle de la santé » de manière à «vraiment ouvrir la démocratie sanitaire» avec l’ensemble des 102 associations d’assurés sociaux agrées par le ministère de la Santé et dont l’Ufal fait partie.

Déficit utile

Pour M. Teper, la tarification à l’activité (T2A) n’est pas pour rien dans la pénurie de lits. «On pousse l’hôpital à fonctionner comme une entreprise et à remplir tous les lits. Lorsqu’il y a 20% de lits vides, on les ferme car avec la T2A, la sécu ne paye pas pour les 20% de lits vides et donc ça crée un déficit», a-t-il expliqué. «Mais nous, nous considérons que ce déficit est utile et nécessaire. En cas d’épidémie, ça sert de soupape de sécurité. C’est un bienfait pour l’humanité qu’il y ait des lits vides dans les hôpitaux», a-t-il résumé.

C. A.

 

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