C'est vendredi 7 décembre que le rapport du Comité de prévention de la torture (CPT) du conseil de l'Europe, a été rendu au gouvernement. Pendant un an, le comité a visité les prisons françaises. Il alerte le gouvernement sur les conditions de soins, surtout les soins psychiatriques, de la population carcérale. Ce rapport a été publié lundi 10 décembre.
Il arrive bien, ce rapport, juste au moment où le gouvernement prépare un projet de loi pénitentiaire portant notamment sur l'amélioration des conditions de soins en prison. Une fois de plus, les prisons françaises sont montrées du doigt.
Le rapport dresse un bilan très alarmant. Il montre une dégradation des soins, surtout des soins psychiatriques, mais aussi et surtout de la prise en charge et de la dignité humaine.
« Le comité en appelle aux autorités
françaises afin qu'elles revoient l'ensemble des conditions dans
lesquelles les soins sont prodigués aux détenus pendant les extractions
médicales pour que les détenus puissent être soignés dans le respect de
leur dignité », est-il indiqué.
En psychiatrie, le gouvernement devrait « revoir intégralement » les conditions de soins. Le rapport tire la sonnette d'alarme sur « l'état dramatique dans lequel se trouve la psychiatrie pénitentiaire en France ».
Dans ce rapport, le CPT alerte notamment le gouvernement sur les soins médicaux des détenus particulièrement surveillés (DPS) dans deux chambres sécurisées de l'hôpital de Moulins (Allier). « Les détenus sont systématiquement fixés à leur lit sans interruption, le plus souvent avec des entraves aux chevilles et mains menottées au cadre du lit », note-t-il.
Le CPT souligne que la présence permanente de policiers enlève aux patients « le droit le plus élémentaire à la confidentialité et à l'intimité », ne permettant pas au personnel médical de donner des soins « en respectant la dignité humaine ».
En conséquence, « le traitement médical se trouve perverti et devient dégradant ».
Par exemple, l'abus de placement à l'isolement est monnaie courante, et pour des pathologies lourdes, graves, cet isolement n'est pas la solution. L'isolement devient rapidement un lieu de rejet de détenus difficiles.
En réponse, le gouvernement indique que la création des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) permettra de corriger « les difficultés » évoquées par le Comité de prévention de la torture (CPT) du conseil de l'Europe.
Le gouvernement, dans une réponse détaillée aux recommandations du rapport, mise également en ligne sur le site du CPT, estime que ces « termes sont bien excessifs au regard de la réalité ».
Pendant un an, le CPT a visité les prisons françaises, et avant cela, on savait déjà l'état lamentable dans lequel elles se trouvaient. Les soins aux prisonniers représentent un véritable défi de santé publique, les associations ne cessent de le clamer, les personnels soignants pénitentiaires aussi.
Le gouvernement rappelle que le parlement français vient de créer un « contrôleur général des lieux de privation de liberté », en application du protocole facultatif à la convention des Nations unies contre la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants, preuve de « la volonté des autorités françaises d'oeuvrer encore davantage en vue de faire respecter les droits fondamentaux des personnes privées de liberté ».
Toutefois, le gouvernement reconnaît que « l'on ne peut nier que la demande de soins psychiatriques est en forte augmentation depuis quelques années en milieu pénitentiaire, que les ressources humaines sont parfois insuffisantes, notamment dans les zones géographiques réputées peu attractives pour les personnels de santé et qu'il convient de s'attendre globalement à une tension plus forte sur la démographie des psychiatres dans les dix prochaines années ».
Le CPT a également interpellé le gouvernement sur la « nécessité de mesures d'urgences » au SMPR de Fresnes (Val-de-Marne) afin de combler les « déficiences relevées en personnel médical et infirmier » et de garantir « un accès en tous temps du personnel médical et soignant aux patients, de jour comme de nuit ».
Il a par ailleurs recommandé des mesures pour y « enforcer la protection du secret médical » alors que certains « détenus au SMPR ne pouvaient pas demander une consultation psychiatrique de manière confidentielle » et étaient entendus par un psychiatre en présence d'un surveillant.
Réponse du loup à la bergère : le gouvernement ne partage pas le point de vue du CPT « selon lequel le SMPR de Fresnes connaît des déficiences en personnel médical et infirmier ».
Le gouvernement rappelle par ailleurs que « le secret médical doit être respecté en toutes circonstances » et appelle à une vigilance particulière en milieu pénitentiaire.
Affaire à suivre...
(Rapport au gouvernement de la République française relatif à la visite effectuée en France par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants du 27 septembre au 9 octobre 2006, 115 pages, http://www.cpt.coe.int/documents/fra/2007-12-10-fra.htm)
L.K. (Avec APM)