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Le Centre national des soins palliatifs et de fin de vie (CNSPFV) créé en 2016 vient d’être prorogé par décret* jusqu’au 31 décembre 2026 avec des missions élargies et deux objectifs majeurs : mieux faire connaître leurs droits aux personnes en fin de vie ainsi que les directives anticipées. Explications avec Sarah Dauchy, présidente du Centre et de la nouvelle commission d’expertise.
La feuille de route du 5e plan national 2021-2024 sur le développement des soins palliatifs et l’accompagnement de la fin de vie est sortie le 26 janvier. Elle fixe trois axes majeurs, à savoir : favoriser l’appropriation des droits en faveur des personnes malades et des personnes en fin de vie ; conforter l’expertise en soins palliatifs en développant la formation et en soutenant la recherche ; définir des parcours de soins gradués et de proximité en développant l’offre de soins palliatifs, en renforçant la coordination avec la médecine de ville et en garantissant l’accès à l’expertise.
« Derrière le changement de nom (lire Savoir plus en fin d’article), ce qui est important c’est que la commission d’expertise s’est ouverte plus largement, souligne sa présidente. Elle intègre davantage les associations de patients, de bénévoles et d’aidants mais aussi de nouveaux représentants comme le Haut Conseil de la santé publique, la plateforme nationale pour la recherche sur la fin de vie, l’Institut national du cancer, la Commission nationale de psychiatrie… »
Une communication repensée autour de la loi Claeys-LeonettiS’agissant de l’appropriation des droits existants, « il existe une carence énorme entre la connaissance de la loi Claeys-Leonetti de 2016 et son utilisation, et on ne peut imaginer utiliser une loi concernant quelque chose d’aussi important que la fin de vie en ne la connaissant pas ou mal », souligne le docteur Sarah Dauchy. En effet, le dernier sondage réalisé en février 2021** par BVA pour le CNSPFV a montré que 70 % des Français ne connaissent pas (52 %) ou mal (18 %) les directives anticipées, que 40 % ne connaissent pas (28 %) ou mal (12 %) la personne de confiance, et que 64 % ne connaissent pas (47 %) ou mal (17 %) la sédation profonde et continue jusqu’au décès. Favoriser l’appropriation des droits en faveur des personnes malades et des personnes en fin de vie est donc un des axes prioritaires de travail pour les années à venir du CNSPFV. « C’est un enjeu majeur que d’arriver à impliquer les patients eux-mêmes, la société civile elle-même dans la construction des messages de communication, poursuit-elle. Nous devons parvenir à un mode de communication impliquant assez les acteurs pour que les messages soient coconstruits avec de véritables relais de proximité. »
Dans les faits, la fin de vie est souvent quelque chose qui est peu anticipé. C’est un sujet difficile, lourd et d’autant plus inquiétant qu’on s’en approche. « Les droits de fin de vie démarrent avec les droits en santé, c’est une culture qui fait qu’un patient va très tôt être impliqué dans la décision thérapeutique qui le concerne, poursuit-elle. Si nous avions l’habitude de faire cela, ce serait beaucoup plus simple. C’est une vraie modification de culture médicale, un changement global de paradigme dans le lequel le CNSPFV va s’impliquer pour la fin de vie. »
Du temps et des moyens pour le recueil des directives anticipéesL’anticipation, c’est l’autre chantier (même s’il n’est pas nouveau) auquel va s’atteler de manière encore plus active le CNSPFV. Elle concerne les patients eux-mêmes mais aussi les organisations. Si le 5e plan national prévoit un volet important de renforcement des équipes de soins palliatifs (financement d’astreintes de soins palliatifs offrant une permanence d’appui aux professionnels du territoire, renforcement des équipes palliatives existantes et financement de structures palliatives complémentaires…), il faut que les organisations en place facilitent cette démarche d’anticipation. « Nous allons œuvrer pour que les dispositifs de recueil des directives anticipées soient lisibles, accessibles et compréhensibles par tous, y compris par les populations précaires et mal communicantes, explique Sarah Dauchy. Il faut aussi des endroits où ranger les directives anticipées et mettre en place des consultations de rédaction de ces directives anticipées. C’est-à-dire avoir un temps prévu et valorisé pour cela, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Il est important qu’il y ait un système pour que l’on arrive à parler des soins palliatifs. Il faut tout faire pour éviter que les patients arrivent en catastrophe sans savoir en quoi cela consiste parce qu’on n’a pas réussi à leur en parler. »
Isabel Soubelet
** L’enquête a été réalisée par téléphone en janvier 2021 auprès d’un échantillon de 902 Français âgés de 50 ans et plus, considéré comme représentatif de cette population.
SAVOIR PLUS
Organisation du CNSPV
Le renouvellement du Centre national des soins palliatifs et de fin de vie (CNSPFV) s’inscrit dans le cadre du 5e Plan national de développement des soins palliatifs et de l’accompagnement de la fin de vie 2021-2024. La mise en œuvre stratégique des missions du Centre est confiée au Dr Sarah Dauchy, présidente du CNSPFV et, de fait, de la nouvelle commission d’expertise. Cette dernière, qui compte 28 membres, outre la présidente, remplace le Conseil d’orientation stratégique. Elle a pour mission de contribuer à la définition du programme de travail annuel du CNSPFV, de suivre sa mise en œuvre et de décider des suites à donner aux travaux réalisés. La mise en œuvre opérationnelle est, elle, confiée à Giovanna Marsico, directrice du CNSPFV depuis le 3 janvier.
Des mesures prioritaires
Outre le renouvellement du CNSPFV, la réalisation de campagnes d’information et la promotion du portail « Parlons fin de vie », le plan soins palliatifs 2021-2024 prévoit parmi les mesures phares le renforcement des structures palliatives (création d’unités de soins palliatifs, d’équipes mobiles, d’équipes régionales ressources…), une offre de formation étoffée au profit des professionnels de santé (entre autres des Ehpad). Il est encore question de financer des « astreintes de soins palliatifs » et de « généraliser le financement d’astreintes des infirmiers de nuit en Ehpad » pour « garantir la mise en place de dispositifs de permanence territoriale assurés par des médecins spécialisés en soins palliatifs ». Au rang des priorités figure encore le renforcement de l’articulation ville-hôpital-médico-social, une meilleure coordination de la prise en charge palliative par le financement d’équipes dédiées, un accès facilité aux pratiques sédatives à visée palliative à domicile et l’accompagnement de la mise à disposition du midazolam en officines de ville.