Soins sans consentement : entre théorie et pratiques

09/02/2012

Soins sans consentement : entre théorie et pratiques

Le 2 février dernier, les modalités de mise en œuvre de la loi relative aux soins sans  consentement en  psychiatrie étaient au menu de la 1ère journée annuelle « actualités et enjeux de la psychiatrie et de la santé mentale », organisée par la Fédération hospitalière de France.

Six mois après son entrée en vigueur, quel regard les professionnels concernés portent-il sur la loi du 5 juillet dernier, relative aux soins sans consentement en psychiatrie ? Le 2 février dernier, certains d’entre eux, psychiatres et juristes, réunis en table ronde lors de la 1ère journée annuelle « actualités et enjeux de la psychiatrie et de la santé mentale » organisée par la Fédération hospitalière de France, ont émis un premier constat. « Nous voulions une réforme, a commencé par rappeler le président de l’association des établissements gérant des secteurs de santé mentale (ADESM), Joseph Halos. Nous voulions l’intervention du juge, et avions même un groupe de travail sur cette question. Mais de là à mettre en application la loi quatre semaines après sa promulgation, j’étais persuadé que nous allions dans le mur. »
Des problèmes il y en a eu, et il en subsiste, ont constaté tous les intervenants de la table ronde. Le non déplacement du juge dans les établissements hospitaliers, comme c’est le cas par exemple en Lorraine, en Ile-de-France ou dans le Nord-pas-de-Calais, en est un. D’après une enquête de l’ADESM, seuls 25 % des juges des libertés et de la détention (JLD) se déplacent, 68 % reçoivent les audiences exclusivement au tribunal, et 7 % utilisent la visioconférence. « Il faut donc organiser un transport, et détacher des soignants qui ne sont pas remplacés dans le service pendant ce temps », note Joseph Halos, également directeur de l’EPSM Lille-Métropole. Qui plus est, dans certains tribunaux, les audiences sont mixtes : les patients n’ont pas de salle d’attente spécifique, ils sont au contact de délinquants, sous la garde des forces de l’ordre. « Et l’audience est publique, a rajouté Joseph Halos. Le droit du patient au secret médical, au respect de la vie privée, voire à la dignité, est alors dénié. »
 
« L’entrée du droit à l’hôpital psychiatrique »
Pour autant, Joseph Halos souligne la qualité et l’attention apportée globalement par les magistrats à ces nouvelles procédures. « Nous nous apprivoisons progressivement, a reconnu Isabelle Rome, JLD à Pontoise. Mais il était normal que le droit entre enfin à l’hôpital psychiatrique. » Dans sa juridiction, où une centaine de décisions sont rendues chaque mois, les deux JLD se déplacent dans six hôpitaux. Dans chacun, une salle est dédiée et aménagée pour l’audience, et, grâce au prêt d’un ordinateur, les décisions sont enregistrées et notifiées sur place. « Les juristes ont vraiment un grand souci du malade et des risques qu’il encourt », a estimé Jean-Louis Senon, psychiatre à l’hôpital Henri Laborit à Poitiers. Isabelle Rome a d’ailleurs rappelé que le magistrat dispose de l’avis conjoint de deux psychiatres (dont l’un, non traitant). « Il ne s’agit pas de décrire une pathologie, mais bien d’évaluer l’évolution de l’état du patient, et de voir en quoi son maintien en hospitalisation reste, ou non, nécessaire », a-t-elle résumé.
 
Un manque de moyens
« Ce nouveau dispositif législatif nous oblige aussi à informer davantage le patient, a ajouté Jean-Louis Senon. Déjà, la loi Kouchner, qui donne au patient l’accès à son dossier, nous avait obligé à concevoir autrement la rédaction du dossier et le dialogue avec le patient. » Il faut désormais également le préparer à l’audience, l’informer très tôt au cours de l’hospitalisation de sa survenue prochaine et de son utilité, etc. « C’est une autre conception du rapport au patient, beaucoup moins paternaliste », a-t-il conclu.
Mais plusieurs points restent à améliorer… notamment celui du manque de moyens. Un constat fait et par les magistrats et par les psychiatres. Isabelle Rome a ainsi déploré l’absence de moyens alloués à cette nouvelle mission. Et Joseph Helos a souhaité que des crédits spécifiques puissent être alloués au dispositif, que ce soit pour l’organisation des déplacements, ou pour l’aménagements de locaux. Il faudrait aussi, a-t-il souligné, que la publicité des audiences soit limitée, que des salles d’attentes spécifiques soient installées, et que le transport des patients soit clairement encadré. « Je pense aussi qu’il conviendrait qu’une évaluation nationale et régionale des dispositifs soit mis en place », a-t-il rajouté.
 
Sandra Mignot  

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