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Insatisfaction au travail, usure, fatique… les résultats du baromètre MNH-Odoxa, qui sonde les hospitaliers sur l’impact des conditions d’exercice sur leur santé, sont sans surprise. Il a interrogé aussi les soignants sur les solutions à mettre en œuvre pour rendre plus attractif les métiers du soin.
Seuls 52% des infirmières s’estiment satisfaites de leur travail. C’est l’un des résultats de l’Observatoire MNH "État de santé des soignants et des personnels hospitaliers”. Si on élargit la focale à l’ensemble des professionnels exerçant à l’hôpital, 54 % disent l’être (-10 points par rapport à 2017). À l’inverse, 77% des autres actifs français, interrogés en miroir dans cette enquête Odoxa*, seraient satisfaits (+ 5 points par rapport à 2018).
Un exercice usantUne insatisfaction, selon le sondage, liée à l’âpreté de l’exercice. Les professionnels de santé travailleraient plus qu’ils ne devraient, 40 h par semaine (3 heures de plus que le temps contractuel) et davantage que les autres actifs (38 h). Un quart d’entre eux travaillent plus de 45 heures hebdo. Ils auraient plus de contraintes - par exemple 58 % font des heures supplémentaires (+12 points), 76% travaillent le week-end (+ 20 points).
Ils seraient plus souvent sujets à des sources de stress communes (surcharge, paperasse, etc), mais aussi spécifiques : confrontation à la souffrance morale (76%), physique (68%), aux incivilités (43%), à l’agressivité (37%) des patients.
Résultat : alors que 27% des Français jugent leur métier “fatiguant”, les professionnels de santé sont 72%, les infirmières 79% et les aides-soignants 87 % à le penser. En écho à l’enquête sur l’impact des conditions de formation sur les ESI, il ressort que les personnels hospitaliers, dont les infirmières, sont usés. Comme leurs cadets, leur santé trinque.
Leur santé ébranlée66% des soignants (+16 points par rapport aux Français) déclarent par exemple avoir, au cours des 4 semaines précédant l’enquête, éprouvé des douleurs physiques les limitant dans leur travail ou activité domestique ; 63% avoir accompli moins que souhaité en raison de leur état physique (+19 points).
64% rapportent avoir, au moins une fois par semaine, des soucis pour dormir (+17 points) et pour 82% (vs 59% des actifs), c’est lié au travail. Conséquence : 31% (vs 23% des Français) consomment somnifères, tranquillisants. Quant aux arrêts, ils sont dans 25% des cas liés à un stress professionnel, contre 14% pour les autres actifs.
Globalement, 24% des soignants hospitaliers - dont 24% d’infirmières - jugent être en mauvaise santé (vs 15% des Français). C’est plus que les 16% de l’enquête de 2018, note Gaël Sliman, président d’Odoxa, pour qui, “le Covid a changé la donne”.
Quelles solutions ?Les soignants mettent en avant des leviers d’attractivité : organisation du travail, personnel, temps de travail, reconnaissance. Et plébiscitent des axes de réforme : revalorisation du diplôme (92%), de la rémunération (91%), refonte de la gouvernance via l’ouverture aux soignants, notamment aux paramédicaux (90%), autonomisation des services...
De quoi redonner un peu d’air, à l’instar de ce qui a pu se passer lors de la période dure du Covid ? Médéric Monestier, directeur général de la MNH, relaie que certaines équipes ont alors pu “faire autrement”, mais que depuis, “le soufflé est retombé”. 69% des hospitaliers - dont 74% d’infirmières - estiment que leur employeur ne se préoccupe pas de les maintenir en bonne santé (vs 64% des salariés).
Or, rappelle le Dr Yann Bourgueil, de la Chaire santé de Sciences Po, la ressource humaine est “une condition de la qualité des soins et de la performance d’un système de santé”. C’est aussi une clé, interpelle Mathilde Padilla, présidente de la Fnesi, pour que les étudiants ne se détournent pas du métier à cause d’encadrants en souffrance.
Pauline Machard
*Enquête Odoxa pour la Mutuelle nationale des hospitaliers (MNH) et Le Figaro Santé, avec le concours de la Chaire Santé de Sciences-Po, auprès de deux échantillons interrogés début septembre 2022 par Internet : un représentatif de 1 005 Français de 18 ans et + ; un de 1 325 professionnels de santé (703 infirmiers, 233 aide-soignantes, 137 médecins, 252 cadres de santé et personnels administratifs.
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- Martin L. «Crise sanitaire : la surcharge de travail touche tous les professionnels soignants», Espaceinfirmier.fr, le 14/07/2022
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- Favier A.-L., « La souffrance des soignants secoue l’éthique », Objectif Soins & Management, n° 287, juin-juillet 2022.
- Flamand-Roze C., Dupont S., « Prévention de l’épuisement professionnel des soignants », Objectif Soins & Management, n° 287, juin-juillet 2022.