Lors d'un colloque, travailleurs sociaux et soignants se sont interrogés sur les nouvelles pratiques d’accompagnement des patients.
Il est loin le temps où l’on cachait à la vue de tous les personnes en souffrance psychique! Après l'effacement du consept d’asile, celui d’hospitalisation est en recomposition. La plupart des patients étant désormais suivis «dans la cité » (1), il faut réinventer l’accompagnement, en travaillant en équipe, pluridisciplinaires. Dès lors, pour les soignants, les proches, les employeurs… se pose cette question : comment agir sur plusieurs leviers pour aider le malade à « refaire société » ? Un enjeu soulevé lors d'un récent colloque de L’Œuvre Falret (2).
« Une famille sur quatre est concernée par un problème de santé mentale, relève Annick Hennion, directrice générale de cette association. Avec la montée de la précarité, les troubles augmentent. Il y a une véritable urgence sociale à améliorer les pratiques. Il faut créer de nouvelles passerelles entre les secteurs pour mieux aider les malades à intégrer la société civile. »
« Il est vrai qu’il y a une certaine frilosité des soignants à aller dans le social », concède le Dr Alain Mercuel, responsable du réseau psychiatrie précarité à l’hôpital Sainte-Anne. « On pense que cela ne nous regarde pas, on ne veut pas faire dans le sentimentalisme. Pourtant, le patient gagnerait à une meilleure articulation du travail des secteurs éducatifs, médico-sociaux, sociaux et sanitaires. » Mais où trouver le temps et les lieux qui permettraient à des équipes pluridisciplinaires d’échanger sur chaque patient plutôt que de succomber à une standardisation des soins ? Ces lieux et ces pratiques, si certains existent déjà, sont encore rares.
Logement, emploi, formation : des modèles à inventer
« En matière d’architecture, qu’il s’agisse de lieux de soin ou de vie, il est nécessaire de créer des structures qui fassent tomber les barrières », estime le Dr Denis Maquet, chef de service à l’hôpital de Maison-Blanche, à Paris. De nouveaux bâtiments, comme la résidence du Docteur-Arnaud (3), citée comme exemple dans le colloque, ouvre alors des perspectives. « Avoir un trouble mental, c’est précisément ne pas trouver sa place », souligne l’un des psychologues de la résidence. « Il est donc primordial d’aider le patient à investir un lieu, à avoir un chez-soi ».
Côté formation, il y a aussi à faire. Pour les infirmiers, l’idée d’une spécialisation psychiatrie en master, annoncée l’année dernière, est toujours dans les cartons, explique le sénateur Alain Milon (4). Y restera-t-elle ? Nul ne le sait. Idem pour l’autorisation donnée aux infirmières d’exercer la psychiatrie en libérale, toujours en suspens. Et quid de la formation du malade pour retrouver un emploi ? Là aussi, le chantier est vaste.
Claire Angot
1- Ces cinquante dernières années, le nombre de séjours en hôpital pour raison de santé mentale est passé de 120 000 à 60 000 lits, et leur durée a été divisée par sept (300 jours contre 40 jours), a rappelé Serge Kannas, directeur de la Mission nationale d’appui en santé mentale (MNASM), citant des chiffres de la Drees.
2- Créée il y a près de 170 ans par le Dr Jean-Pierre Falret, L’Œuvre Falret a pour mission d’aider les personnes touchées par la maladie mentale ou en situation de difficultés psycho-sociales. Elle s’occupe de plus de 2 000 personnes au sein de 23 établissements et services. Le colloque s'est déroulé le 11 mars au conseil régional d'Île-de-France.
3- La Maison d’accueil spécialisée (MAS) du Docteur-Arnaud héberge 54 adultes handicapés psychiques. Elle est située dans Paris.
4- Auteur en 2009 d'un rapport sur la prise en charge psychiatrique, l'élu UMP en prépare un nouveau, portant sur l'accueil et l'accompagnement des malades.
Photo: Claire Angot.