Quatre agents du CHRU de Lille se sont suicidés depuis le 8 janvier dernier. Une première enquête interne a conclu à l'absence de causes professionnelles concernant l'un d'entre eux.
L'enquête administrative menée par le CHRU de Lille, dont quatre agents se sont suicidés depuis le 8 janvier dernier (1), a écarté tout « lien direct » entre le troisième cas de suicide et les conditions de travail dans l’établissement.
Vendredi dernier, Stéphane Jacob et Martine Moura, respectivement DRH et coordinatrice des soins du CHRU, ont rendu publics les résultats de cette enquête, consacrée au décès d'une aide-soignante du secteur de neuro-chirurgie, intervenu le 17 janvier à son domicile. A la différence des autres passages à l'acte, celui-ci a en effet eu lieu juste après que cette professionnelle ait quitté son travail, avant l'heure, et à la suite d'un entretien avec sa cadre.
Vingt-trois personnes interrogées
A la suite d'une série d'entretiens avec 23 personnes (infirmières, aides-soignants, ASH, cadres et médecins), François Jacob et Martine Moura ont estimé que le passage à l'acte de cette professionnelle n'était pas lié à des éléments professionnels. Alors que, quelques jours auparavant, les représentants syndicaux avaient mis en cause la dégradation des conditions de travail dans les quatre décès survenus, l’enquête interne a conclu à des conditions de travail correctes dans le secteur : effectifs satisfaisants durant les deux semaines précédentes, absentéisme pour maladie réduit, dispositif de remplacement des absences de courte durée, bonnes relations entre professionnels...
Les deux auteurs du rapport ont cependant souligné deux difficultés évoquées par les personnes qu’ils ont interrogées : la difficulté de concilier activités programmées et urgences, et le fait que les prescriptions médiales soient encore trop souvent orales.
Au final, les deux rapporteurs n'ont pas considéré le départ précipité de l'aide-soignante, ni l'entretien préalable avec sa cadre, comme des facteurs ayant pu intervenir dans son geste. Il s'agissait d'un entretien d'évaluation classique, selon eux. La chute d'un patient a certes été évoquée durant l’entretien, mais, selon Yvonnick Morice, directeur général du CHRU, si un « rappel des règles de traçabilité » concernant les chutes a bien eu lieu, il n’a jamais été question « de la moindre sanction disciplinaire » à l'encontre de cette aide-soignante. Cette dernière traversait de graves difficultés d'ordre personnel, a aussi observé Stéphane Jacob.
Préconisations et enquête de l’IGAS
Au final, l'enquête aboutit à plusieurs préconisations : mieux informer sur les déprogrammations au bloc chirurgical, favoriser les prescriptions signées, développer des temps d'échanges collectifs formalisés et réguliers, et améliorer le dispositif de détection des professionnels en situation de fragilité. Présentées au CHSCT, ces conclusions n’ont cependant par satisfait Frédéric Herrewyn, le secrétaire général de la CGT au CHRU. Selon lui, l'enquête aurait du reconnaître une part de responsabilité au travail dans les facteurs qui ont conduit l'aide-soignante à mettre fin à ses jours.
Les suicides de deux autres agents, survenus les 8 et 16 janvier, ont par ailleurs été évoqués le 17 janvier en CHSCT. Selon le directeur de l'établissement, qui a estimé que le geste de ces professionnels était lié à leur vie personnelle et non professionnelle, « il n'a pas formulé de préconisations ». Une mission d'enquête du CHSCT a néanmoins commencé vendredi. Et les inspecteurs de l'IGAS (2), diligentés par le ministre de la Santé Xavier Bertrand, ont mené pour leur part leurs premiers entretiens jeudi 26 janvier. Ils devraient rendre leurs conclusions avant la fin mars.
D’ici là, a estimé le directeur de l’établissement, « les personnels ont envie que les choses s'apaisent ». Vendredi 27 janvier, la cellule psychologique avait rencontré une trentaine de personnes.
Géraldine Langlois
1 - Un agent de service hospitalier et une aide-soignante du service de réanimation neuro-chirurgicale ont mis fin à leurs jours les 8 et 16 janvier, une aide-soignante du secteur d'hospitalisation de neuro-chirurgie le 17 janvier, et un aide-soignant de l'hôpital gériatrique Les Bateliers le 23 janvier.
2 – IGAS : Inspection générale des affaires sociales