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La Société française de santé digitale (SFSD) vient de publier un Livre blanc pour accompagner les professionnels de santé dans la mise en œuvre du télésoin. Elle a tenu récemment un webinaire permettant de mieux saisir les enjeux à venir du soin à distance.
La télésanté prend toute son ampleur. Après la télémédecine, reconnue en 2010, le télésoin fait son entrée officielle. Le décret et l’arrêté publiés le 3 juin 2021 font entrer le télésoin dans une forme pérenne, pour 18 professions de santé. Ces dispositifs réglementaires autorisent ces soignants à avoir recours à des soins à distance, si leur présence physique auprès du patient n’est pas nécessaire et si celui-ci dispose de l’équipement nécessaire. Le professionnel de santé détermine lui-même l’éligibilité du télésoin, en concertation avec la personne prise en charge. Autre avancée réglementaire des textes publiés il y a un mois : la possibilité de recourir à la télexpertise d’un professionnel médical (médecin, sage-femme ou chirurgien-dentiste). Des décisions restent à prendre pour ce recours. Comme l’a souligné Lina Williatte, professeure de droit et experte juridique de la SFSD lors du webinaire consacré à cette avancée juridique : « Il s’agit de s’inscrire dans un parcours de soins classique. Faudra-t-il passer par le médecin traitant pour solliciter l’avis d’un médecin expert ? La pratique nous le dira, ce sont des questions qui devront être gérées, notamment par notre société savante. »
Le Livre blanc que vient de publier la société savante s’appuie sur les retours d’expériences menées depuis le début de la pandémie par des professionnels de santé. Une infirmière libérale et une infirmière stomatérapeute en établissement y détaillent comment elles ont mis en place un parcours de soin alterné. On y trouve également les conseils cliniques et pratiques d’un masseur kinésithérapeute, d’une orthophoniste, d’une erogthérapeute et d’une pharmacienne qui a réalisé des bilans de médication à distance avec ses patients. En regard de ces témoignages, le document émet dix préconisations allant de la définition de l’objectif de soin à son évaluation, en passant par l’élaboration d’une décision partagée avec le patient.
Des préconisations pour la qualité des soins et des retours de terrain
Les textes qui viennent d’être publiés donnent peu d’indications sur les actes concernés. La Haute Autorité de santé (HAS) a publié, dès l’automne dernier, un document donnant des informations plus précises sur la qualité et la sécurité du télésoin. Le Livre blanc que vient de publier la SFSD apporte des éléments complémentaires à ceux fournis par la HAS, grâce à des retours d’expériences menées dans les débuts de la pandémie.
« Tout ce qui est éducation thérapeutique, entretien motivationnel, accompagnement des patients à la compliance au traitement sont, bien sûr, des indications privilégiées qui peuvent se mettre rapidement en place, témoigne pour sa part Lydie Canipel, vice-présidente de la SFSD, qui a accompagné dès le début des années 2010 des équipes soignantes dans un parcours coordonné alternant télémédecine et télésoin, dans le cadre de la délégation de tâches. Il y a également l’accompagnement des patients souffrant de sclérose en plaque, tout ce qui relève du domaine de la psychiatrie, avec l’importance des entretiens motivationnels. Et cela fonctionne vraiment… Quand nous avons débuté, il n’y avait pas de cadre réglementaire. Nous avons réalisé des études cliniques. On obtient des résultats extrêmement étonnants, avec des professionnels de santé au départ frileux. Je pense à une étude portant sur des patients âgés de 75-80 ans qui avaient au moins deux pathologies chroniques et qui ne suivaient plus leurs traitements. Après le premier entretien motivationnel, à distance, ils reprenaient leur traitement. »
Une commission nouvelles technologies à l’ordre infirmier
Selon Patrick Chamboredon, président de l’Ordre nationale des infirmiers (Oni), l’avancée que représente le télésoin renforce la nécessité d’une refonte du décret infirmier de 2004. « Le parcours alterné va permettre de développer des actes infirmiers qui s’adaptent aux besoins du patient et aux orientations de santé publique. L’éducation thérapeutique, l’adhésion du patient, la surveillance vont se développer. Il va falloir répondre de manière plus efficace à une logique de mission. »
Pour accompagner la mise en place du télésoin, l’Oni vient d’ailleurs de créer une commission dédiée aux nouvelles technologies. Elle permettra de mieux baliser le recours au télésoin, d’aider les professionnels à se l’approprier et de veiller à un usage protégeant les données personnelles de santé des patients. La fracture numérique reste un souci important. Certains patients ne disposent pas des équipements nécessaires ou ne maîtrisent pas leur usage. Aujourd’hui, une infirmière ou un pharmacien peuvent accompagner des patients lors d’une téléconsultation. La SFSD travaille avec la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) et les associations sur un projet visant à réduire cette fracture, dans la perspective de la mise en place d’un espace numérique de santé pour tous les Français, à l’horizon 2022. Il est notamment envisagé de mettre en place des espaces numériques sécurisés et confidentiels au sein des mairies pour permettre à des personnes ne disposant pas de l’équipement nécessaire d’avoir recours au télésoin. Les pharmacies pourraient également proposer de tels services.
Notons, enfin, que des négociations commencent à se tenir entre les syndicats concernés et la Caisse nationale de l’Assurance maladie afin de déterminer les périmètres et les tarifs du télésoin. Les infirmières en pratique avancée et les orthophonistes ont déjà achevé ces négociations.
Marie-Capucine Diss