Les 20 et 21 novembre, l’Association nationale des centres d’interruption de grossesse et de contraception (Ancic) fêtait son 30e anniversaire autour d’un colloque·(1) qui a mis en lumière des actions et luttes restant à mener.
Une menace sérieuse a notamment été soulignée : celle de l’intégration des unités d’IVG dans les services de maternités. La tendance est déjà lancée – rappelons à Paris les fermetures récentes des centres de Tenon et Broussais – et risque d’être maintenue sous la houlette des futures agences régionales de santé (ARS) pour des raisons économiques. « On peut craindre une dégradation des conditions d’accueil, avec la disparition des IVG sous anesthésie locale – qui nécessitent un accompagnement spécifique –, des délais d’attente prolongés, une non-prise en compte des problèmes sociaux des femmes », a souligné Martine Hatchuel, gynécologue-obstétricienne à Paris.
Effets pervers
Cette praticienne préconise le maintien des centres autonomes existants et la création de structures dédiées à la contraception et à l’IVG (médicamenteuse ou sous anesthésie locale), fonctionnant en convention avec un établissement public de soins. « Bien-sûr, l’IVG médicamenteuse est un formidable progrès et nous avons soutenu sa diffusion, a poursuivi Marie-Laure Brival, présidente de l’Ancic. Mais elle présente aussi désormais des effets pervers. »
L’intervention, moins coûteuse pour l’établissement qu’un avortement chirurgical, risque en effet d’être privilégiée dans des établissements, alors qu’elle ne correspond pas à toutes les femmes et toutes les situations. « En région Centre, des services de gynécologie-obstétrique se déchargent déjà de cet acte sur les sages-femmes, en leur déléguant l’IVG médicamenteuse, a-t-il été précisé dans la salle. Mais celle-ci ne pouvant être réalisée au-delà de 12 semaines d’aménorrhée, il n’y a pas de prise en charge pour les patientes entre 12 et 14 SA. »
La méthode médicamenteuse est, certes, accessible en cabinet de ville, mais la répartition territoriale de ceux qui ont signé convention avec un établissement public pour réaliser cet acte est très inégale. « En outre, cela suppose de la part de la patiente qu’elle puisse faire l’avance de frais, précise Marie-Maure Brival. 191 euros de forfait, ce n’est pas négligeable. »
Fœtus dans le flou
Enfin, Dominique Thouvenin, professeur de droit à l’université de Paris 7, est revenue sur le concept de personnalité juridique du fœtus. En effet, l’Ancic a intenté un recours gracieux auprès du ministère de la santé contre les décrets du 20 août 2008 relatifs à l’établissement d’actes « d’enfants sans vie ». Les textes imposent la rédaction d’un certificat d’accouchement et entretiennent, selon l’association, un flou autour du statut accordé au fœtus.
La juriste a montré qu’à ce jour, même si la menace existe depuis toujours, la loi ne fonde aucun statut semblable. « La loi Veil reconnaît le respect de la vie humaine tout en posant l’IVG comme une exception à ce principe. » Les lois de bioéthique évoquent quant à elles l’embryon, sur lequel est interdite l’expérimentation, sans pour autant lui attribuer un statut. « Enfin, les textes concernant les actes d’enfants sans vie créent des droits pour le couple parental, non pour l’enfant. »
Reste à convaincre l’ensemble des juristes. Quant aux militants anti-avortement, ils considèrent les décrets en question comme une avancée de leur cause. « Sur tous ces points, il faudra nous mobiliser, a conclu Maya Surduts, coordinatrice de la Cadac (Coordination des associations pour le droit à l’avortement et à la contraception). Et le temps qu’il reste est court. Il faut demander des rendez-vous aux futurs directeurs d’ARS, se mettre en mouvement partout où existe une menace, et continuer à signer notre pétition pour la défense des structures d’IVG. »
Sandra Mignot
1- Les 18es Journées de l'Ancic se sont déroulées à Paris.