30/11/2009

Trois décennies plus tard, l’IVG reste un combat

Les 20 et 21 novembre, l’Association nationale des centres d’interruption de grossesse et de contraception (Ancic) fêtait son 30e anniversaire autour d’un colloque·(1) qui a mis en lumière des actions et luttes restant à mener.

Une menace sérieuse a notamment été soulignée : celle de l’intégration des unités d’IVG dans les services de maternités. La tendance est déjà lancée – rappelons à Paris les fermetures récentes des centres de Tenon et Broussais – et risque d’être maintenue sous la houlette des futures agences régionales de santé (ARS) pour des raisons économiques. « On peut craindre une dégradation des conditions d’accueil, avec la disparition des IVG sous anesthésie locale – qui nécessitent un accompagnement spécifique –, des délais d’attente prolongés, une non-prise en compte des problèmes sociaux des femmes », a souligné Martine Hatchuel, gynécologue-obstétricienne à Paris.

Effets pervers
Cette praticienne préconise le maintien des centres autonomes existants et la création de structures dédiées à la contraception et à l’IVG (médicamenteuse ou sous anesthésie locale), fonctionnant en convention avec un établissement public de soins. « Bien-sûr, l’IVG médicamenteuse est un formidable progrès et nous avons soutenu sa diffusion, a poursuivi Marie-Laure Brival, présidente de l’Ancic. Mais elle présente aussi désormais des effets pervers. »

L’intervention, moins coûteuse pour l’établissement qu’un avortement chirurgical, risque en effet d’être privilégiée dans des établissements, alors qu’elle ne correspond pas à toutes les femmes et toutes les situations. « En région Centre, des services de gynécologie-obstétrique se déchargent déjà de cet acte sur les sages-femmes, en leur déléguant l’IVG médicamenteuse, a-t-il été précisé dans la salle. Mais celle-ci ne pouvant être réalisée au-delà de 12 semaines d’aménorrhée, il n’y a pas de prise en charge pour les patientes entre 12 et 14 SA. »

La méthode médicamenteuse est, certes, accessible en cabinet de ville, mais la répartition territoriale de ceux qui ont signé convention avec un établissement public pour réaliser cet acte est très inégale. « En outre, cela suppose de la part de la patiente qu’elle puisse faire l’avance de frais, précise Marie-Maure Brival. 191 euros de forfait, ce n’est pas négligeable. » 

Fœtus dans le flou
Enfin, Dominique Thouvenin, professeur de droit à l’université de Paris 7, est revenue sur le concept de personnalité juridique du fœtus. En effet, l’Ancic a intenté un recours gracieux auprès du ministère de la santé contre les décrets du 20 août 2008 relatifs à l’établissement d’actes « d’enfants sans vie ». Les textes imposent la rédaction d’un certificat d’accouchement et entretiennent, selon l’association, un flou autour du statut accordé au fœtus.

La juriste a montré qu’à ce jour, même si la menace existe depuis toujours, la loi ne fonde aucun statut semblable. « La loi Veil reconnaît le respect de la vie humaine tout en posant l’IVG comme une exception à ce principe. » Les lois de bioéthique évoquent quant à elles l’embryon, sur lequel est interdite l’expérimentation, sans pour autant lui attribuer un statut. « Enfin, les textes concernant les actes d’enfants sans vie créent des droits pour le couple parental, non pour l’enfant. »

Reste à convaincre l’ensemble des juristes. Quant aux militants anti-avortement, ils considèrent les décrets en question comme une avancée de leur cause. « Sur tous ces points, il faudra nous mobiliser, a conclu Maya Surduts, coordinatrice de la Cadac (Coordination des associations pour le droit à l’avortement et à la contraception). Et le temps qu’il reste est court. Il faut demander des rendez-vous aux futurs directeurs d’ARS, se mettre en mouvement partout où existe une menace, et continuer à signer notre pétition pour la défense des structures d’IVG. »

Sandra Mignot

1- Les 18es Journées de l'Ancic se sont déroulées à Paris.

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