Une étude du Gérontopôle de Toulouse a analysé les mouvements des personnes âgées entre les Ehpad et l’extérieur. Elle souligne la vulnérabilité des résidents passant par l’hôpital, notamment ceux atteints de la maladie d’Alzheimer.
Si la gérontologie est loin d’être un domaine vedette de la recherche clinique, celui des Ehpad fait presque figure de terre inconnue. «Seulement 2% des travaux de recherche sur les personnes âgées concernent des résidents en institutions», déplorait le Pr Yves Rolland ce mercredi, lors de la présentation d’une étude pionnière en son domaine. Menée par le Gérontopôle de Toulouse, structure créée en avril 2007, Pleiad (1) porte sur les flux de patients entre les Ehpad et l’extérieur: domicile, hôpitaux et autres institutions. Elle confirme l’idée que ces maisons de retraite médicalisées sont tout sauf des lieux figés : en trois mois, 25% des résidents inclus dans l’étude (2) ont été admis ou sont sortis de leur Ehpad (6% sont décédés).
Dans ces transferts, l’hôpital occupe une place centrale: 70% des personnes âgées sortant d’Ehpad sont hospitalisées, et 70% des entrants dans ces institutions viennent de l’hôpital : soit lors d’une première admission, soit lors d’une réadmission (contre seulement 24% pour le domicile).
Cet état des lieux inquiète par plusieurs aspects. Du côté des entrées, il souligne la fréquence des admissions en institution après, par exemple, une chute. «Il ne faut pas attendre le dernier moment pour placer un résident en Ehpad», commente le Pr Bruno Vellas, directeur du Gérontopôle. «Les modalités d’entrée dans l’institution sont souvent délétères», renchérit le Pr Rolland, d’autant que «l’hospitalisation renforce la dépendance».
L’étude montre en tout cas une franche corrélation entre le passage par l’hôpital et une plus grande vulnérabilité à divers facteurs de risques: polymédication, surconsommation de psychotropes, chutes, contention, perte de poids… Un phénomène nettement majoré s’agissant des patients atteints de la maladie d’Alzheimer (qui présentent aussi davantage de troubles du comportement après hospitalisation).
Infirmières de nuit dans 15% des Ehpad
Si les hospitalisations ont lieu le plus souvent en urgence le jour (65% des situations), la décision est tout de même prise avec le médecin référent «dans la grande majorité des cas», indique l’étude (contre 13% via le Samu). Mais les conditions d’accueil à l’hôpital ne semblent pas optimales. D’une part, le séjour dure plus longtemps que la moyenne française générale : 12,9 jours contre 5,8. D’autre part, 60% des hospitalisés passent par les urgences, puis rejoignent un autre service dans 90% des cas. Mais seulement 21% sont soignés en gériatrie: «Ils se retrouvent dans un service où il y a de la place», résume le Pr Françoise Forette, directrice de la Fondation national de gérontologie.
Elle livre un commentaire nuancé des résultats. «Ces hospitalisations sont bel et bien légitimes, car le motif est toujours une pathologie grave, note-t-elle. Que voulez-vous faire dans un Ehpad où il n’y a pas d’infirmière de nuit [seuls 15% y ont recours, montre l’enquête] et que vous assistez à une décompensation de troubles du comportement ?» Tout en estimant qu’ «on ne peut pas faire de l’Ehpad un mini-hôpital», elle juge qu’ «il faut renforcer les liens entre les deux, établir des réseaux», saluant l’installation par le Gérontopôle d’«équipes mobiles de gériatrie» qui interviennent dans les institutions.
Elle pointe aussi, le fait que «près d’un Ehpad sur deux dispose désormais d’une unité Alzheimer». Depuis une première étude (Rehpa) menée en Midi-Pyrénées par le Gérontopôle en 2007, cette proportion est passée de 28 à 44%. Une preuve, s'il en était besoin, que la recherche en gériatrie est aussi porteuse de bonnes nouvelles.
Nicolas Cochard
1- Pleiad : étude éPidémioLogique dEscriptIve en EhpAD, réalisée avec le soutien des laboratoires Lundbeck. Ehpad : établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.
2- En tout, dans 300 établissements de plus de 50 lits de toute la France, 2231 patients ont été inclus, dont 1005 touchés par la maladie d’Alzheimer.