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02/04/2024

Troubles autistiques : « Les soignants doivent davantage se former »

Dans le cadre de la journée mondiale de la sensibilisation à l'autisme du 2 avril, Danièle Langloys, présidente d’Autisme France, insiste sur la nécessité pour les soignants de se former à la spécificité que requiert la prise en charge des personnes présentant des troubles du spectre autistique.

 

Cette année, pour la journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, votre association entend mettre l’accent sur la prise en charge des adultes. Pourquoi ce choix ?

La France essuie un immense retard dans le champ de l’autisme, du diagnostic à la mise en œuvre d’interventions nécessaires pour une prise en charge optimale. A titre d’exemple, de nombreux enfants autistes ne sont toujours pas scolarisés. Pour autant, cette année, nous avons décidé d’effectuer un focus sur les adultes car de plan en plan, et de stratégie en stratégie, ils sont ceux qui restent toujours sur le carreau et encore plus lorsqu’ils présentent des troubles sévères. Aucune solution ne leur est proposée. Les familles sont donc dans l’obligation de garder, à domicile, de grands handicapés, ce qui peut être difficile à vivre. Car 30 à 40 % des adultes atteints de troubles du spectre autistique présentent également des troubles neurodéveloppementaux associés. Nombre d’entre eux affichent des difficultés d’interactions sociales et de gestion des émotions, 60 % d’entre eux ont des troubles anxieux. Ils peuvent être violents et certains restent dépendants concernant les soins d’hygiène.

Aujourd’hui, le modèle des Foyers d’accueil médicalisés (FAM) ou des Maisons d’accueil spécialisées (MAS) n’est pas l’idéal, mais nous n’avons rien d’autre administrativement. Or, les listes d’attente pour intégrer ces structures sont de 10 à 15 ans. On nous parle du milieu ordinaire, de l’inclusion. Les concepts en soi, personne n’est contre, mais qu’en est-il des financements ? Si nous voulons créer des petites unités de vie dans les quartiers, il va falloir s’en donner les moyens : investir, trouver du foncier, inventer un modèle de plateau technique. Tout est à construire et cela a un coût. Rien n’est pensé en termes de service public. L’iniquité est un problème majeur car certains services sont exemplaires, et dans d’autres territoires, il n’y a rien.

Qu’en est-il de l’accès aux soins ?

Il s’agit, là aussi, d’un problème majeur, notamment pour les personnes ayant les troubles les plus sévères. Les professionnels de santé ne sont pas spécifiquement formés à leur prise en charge. C’est le cas notamment des infirmiers. Dans les Instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi), on nous remonte que les cours ne sont pas adaptés, surtout concernant les troubles du neurodéveloppement. Pourtant, avec un taux de prévalence de l’autisme qui avoisine les 2 %, ce devrait être un enjeu majeur car les professionnels de santé vont nécessairement, au cours de leur carrière, être amenés à rencontrer et à prendre en charge une personne atteinte d’autisme et idéalement, devoir s’adapter à sa particularité.  Certains services spécialisés dédiés à la prise en charge de personnes atteintes d’autisme se créent. On nous reproche alors de ne pas viser le droit commun. Mais lorsque le droit commun n’assure pas le droit au soin, la logique est de trouver d’autres solutions. Depuis un décret de 2023, il devrait y avoir un référent handicap dans chaque établissement sanitaire. Où sont-ils ? Et comment sont-ils formés ?

Quelles sont les clefs pour une prise en charge idéale ?

La prise en soin reste complexe. Pour autant, les professionnels de santé doivent s’appuyer sur l’entourage des patients atteints d’autisme lorsqu’il est présent. La personne référente va pouvoir expliquer la situation au soignant, l’approche à adopter et il est nécessaire d’en tenir compte pour que les soins se déroulent du mieux possible. Il est également impératif de bien expliquer, en amont, les soins qui vont avoir lieu et leur déroulement. Certains centres proposent des simulations permettant à un patient de venir en amont d’une intervention pour observer le déroulement des soins. Cette démarche est très satisfaisante et permet à des personnes très lourdement handicapées d’accepter des soins. Mais souvent, il faut envisager une anesthésie générale.

Qu’en est-il des liens avec les infirmières libérales ?

Les personnes atteintes d’autismes peuvent, comme tout un chacun, nécessiter des soins somatiques à domicile : prise d’un traitement, réalisation de pansements, etc. Les infirmières libérales sont donc amenées à intervenir. Mais la problématique que nous rencontrons est la même qu’en institution : le manque de formation et donc d’adaptation. Si le soignant s’est intéressé et renseigné sur l’autisme, la prise en charge peut bien se dérouler. Sinon, des erreurs vont être commises. En libéral, généralement, les soignants de la jeune génération s’adaptent beaucoup mieux, peut-être parce qu’ils ont cette habitude normalisée de penser qu’ils doivent s’accommoder aux particularités de chacun. Le problème, c’est que cela relève encore trop d’initiatives personnelles. Une formation de base simplifierait la vie de tous et permettrait de ne pas se retrouver en difficulté pour un soin.

Propos recueillis par Laure Martin

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