Un an avec un ange libéral

Le déclic, Olivier Ducray l’a eu en rencontrant Françoise, un véritable « personnage ». Une Idel de 57 ans qui parcourt en trottinette les rues du IIIe arrondissement de Lyon. « Un véritable caméléon, à l’aise partout, qui passe du tutoiement au vouvoiement d’un appartement à l’autre », s’étonne encore le réalisateur.

De ce milieu infirmier, il ne connaissait, à dire vrai, pas grand chose. C’est en apprenant qu’il cherche un décor « d’époque » pour un court-métrage (1) sur la solitude des personnes âgées que sa mère l’oriente vers une infirmière « épatante », croisée chez une amie. L’Idel accepte avec facilité de l’emmener en tournée pour qu’il trouve son bonheur parmi les intérieurs à papier peint fleuri. « Etre accueilli par tous ces gens qu’on croise sans les voir, pénétrer dans des appartements où, à part des vendeurs d’encyclopédie, plus personne n’entre, c’était une expérience de privilégié que j’ai eu envie de partager. Je ne cherchais plus un décor, je venais de trouver le fil rouge d’un documentaire. »

Le temps de voir vieillir

Un projet au long cours qu’il imagine très vite mener sur une année complète. « J’ai commencé les premières images au passage vers l’année 2013, on finira avec l’entrée en 2014. » Oubliez les reportages éclair; ici, on prendra le temps, en 90 mn, de découvrir le quotidien des tournées et, surtout, le temps de voir vieillir. « Parce que j’ai compris que le temps qui passe est une valeur essentielle dans la relation infirmière/patient. »

Olivier Ducray ne vient pas avec des idées toute faites. « Bien sûr, ne serait-ce que pour lever des financements, j’ai rédigé une note d’intention et un pilote (1). Mais, je n’ai pas écrit ce qui va se passer : une chute, une hospitalisation, et la vie des 4 ou 5 patients sur lesquels nous centrons le suivi peut changer du tout au tout... » Des patients auxquels il s’attache. « Cet été, lorsque Françoise posera ses congés annuels en août, on sait que ça occasionnera pas mal de stress chez les patients. Alors on continuera à leur rendre visite. »

Hommage aux « anges anonymes »

A visionner les premières images, on croit déjà entendre bourdonner quelques remarques contre les aiguilles usagées que Françoise range dans des bouteilles en plastique au cabinet, le non-port de gants, etc. Vieille histoire que celle de la paille et la poutre. Rassurez-vous, le documentaire ne vise pas à présenter le quotidien de toutes les Idel. « Françoise est de la vieille école, elle a toujours bossé 7 jours sur 7, même en élevant ses cinq enfants, elle ne porte pas de gants, etc. Mais, elle n’est pas représentative des 80 000 infirmières libérales et, évidemment, certaines de ses pratiques pourront être critiquées. Si le documentaire est amené à servir de support de discussion pour la profession, pourquoi pas, mais l’objectif visé est plus large : rendre hommage à ces anges anonymes qui nous aident à être heureux quand on est vieux, malade, ou les deux. »

Trois jours de tournage par mois, en équipe réduite au réalisateur et chef opérateur, avec du matériel léger, « pour ne pas donner l’impression d’envahir l’espace de vie de ceux qui nous ouvrent la porte ». Les chaines de télévision qui ont été approchées pour un préfinancement n’ayant pas encore donné suite, une campagne de levée de fonds via le site TousCoprod (2) est lancée. De quoi faire de vous aussi des anges anonymes. En attendant la sortie en salle, L'Infirmière libérale magazine vous propose de retrouver chaque mois les grands moments du projet dans la rubrique baptisée pour l’occasion « carnet de tournage ». Le clap de fin n’est pas pour tout de suite.

Candice Moors
 

1- Le court-métrage Champagne est visionnable sur le site consacré au documentaire "Les Anges anonymes". Vous y trouverez aussi le pilote du documentaire (16 mn).

2- Simple et efficace, la plateforme permet de soutenir financièrement le projet, même à partir d’un euro.