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Alors qu’elle est infirmière en soins critiques à Agen (Lot-et-Garonne), Jessica Fillol apprend, à 26 ans, être atteinte d’une tumeur vasculaire sur la moëlle épinière. En découlent des douleurs neuropathiques avec lesquelles elle apprend à vivre. De son expérience qu’elle partage avec nous, Jessica, infirmière et patiente, a tiré deux ouvrages.
COMMENT AVEZ-VOUS DÉCOUVERT VOTRE MALADIE ?
Un matin, je me suis levée et je ne sentais plus mon corps, comme si j’étais dans un collant trop serré. À cette période, en 2019, ma maman devait se faire opérer, je n’ai donc pas priorisé un rendez-vous chez le médecin. Mais après quelques jours, le processus a gagné de la surface. J’ai donc consulté et les examens ont révélé un cavernome, c’est-à-dire une tumeur vasculaire sur la moëlle épinière, en raison d’une maladie génétique.
Les médecins ont mis du temps avant de se décider à m’opérer en raison du risque de paralysie. Risque que je courais également sans opération, du fait de la compression opérée par la tumeur sur ma moëlle. J’ai fait le choix de l’opération, mais j’en suis sortie déficitaire car j’ai développé des troubles sensitifs particulièrement importants : j’ai été atteinte de troubles de la proprioception. Je ne savais plus où était mon corps. Mon schéma corporel était détruit. J’ai fait 3 mois de rééducation en centre et 2 ans en libéral. J’ai aussi été suivie par un ergothérapeute et un psychothérapeute. Je suis restée 2 ans chez moi à m’ennuyer, à déprimer en raison des douleurs neuropathiques associées, qui m’ont parfois fait penser au suicide. J’ai vraiment sombré.
VOUS AVEZ ALORS FAIT LE CHOIX DE COMMUNIQUER SUR VOTRE PARCOURS…
Effectivement. Comme je m’ennuyais, j’ai d’abord ressenti le besoin de me former. J’ai alors suivi des Diplômes universitaires (DU) en réanimation et en douleur, ainsi qu’une formation de 40 heures à l’Éducation thérapeutique du patient (ETP). Puis, j’ai souhaité écrire et partager mon expérience en ouvrant un compte Instagram dédié aux douleurs neuropathiques. Elles concernent environ 5 millions de Français mais il n’existe que très peu d’ouvrages sur le sujet. J’ai voulu partager des informations que j’aurais aimé trouver lorsque moi-même, je me questionnais. Mon compte a rapidement rencontré du succès et j’ai vite créé des liens sur les réseaux sociaux. Ceux qui me suivent m’ont encouragée à rédiger un livre.
Le premier – Vivre avec des douleurs neuro – s’adresse principalement à l’entourage des patients. Il est organisé autour de 3 chapitres : comprendre les douleurs neuropathiques, traiter les douleurs neuropathiques et le quotidien avec ce type de douleurs. Mon objectif est de permettre aux proches de comprendre ce que nous vivons.
Mon deuxième livre – Au-delà des douleurs, guide pour les personnes vivant avec des douleurs neuropathiques – est, comme son nom l’indique, un guide pour les patients concernés. Il donne des orientations sur la gestion de la douleur, de la fatigue ou encore sur la façon dont on peut prendre de la distance avec nos douleurs.
COMMENT VIVEZ-VOUS LE FAIT D’ÊTRE À LA FOIS SOIGNANTE ET PATIENTE ?
J’ai repris mon travail à mi-temps, en salle de réveil en soins critiques, car je ressens encore beaucoup de fatigue et de douleurs. Les limites physiques sont importantes. Au sein de la clinique, nous avons mis en place une équipe douleur, dont je fais partie. Lorsque je prends en charge des patients, ils se doutent rapidement, en raison de ma façon de m’adresser à eux, que j’ai traversé les mêmes difficultés. J’ai d’ailleurs dû, à un moment, faire une pause avec ce type de prises en charge, car je n’arrivais plus à mettre de la distance par rapport à mon vécu. Aujourd’hui, cela va mieux.
Exercer mon métier me tient vraiment à cœur, d’autant plus que mes médecins m’avaient encouragée à y renoncer. Je me suis battue pour continuer, même si c’est à mi-temps. Parfois, ce n’est pas évident de recevoir des remarques de la part de certains collègues, qui me voient arriver dans le service avec le sourire. Le fait de ne pas montrer mes douleurs les amène à penser que mon mi-temps est un choix de complaisance personnelle. Ce qu’ils ne savent pas, c’est que ma plus grande peine est de ne pas pouvoir travailler à temps plein sur des postes qui me plaisent. Je sais que ce n’est pas malveillant de leur part mais j’essaye de les sensibiliser. J’interviens d’ailleurs auprès de soignants pour témoigner sur la difficulté de vivre avec des douleurs chroniques. J’insiste sur la nécessité de toujours croire le malade car il ne ment pas sur ses souffrances.
Propos recueillis par Laure Martin
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