Un jour, des infirmières libérales au Japon ?

12/07/2013

Un jour, des infirmières libérales au Japon ?

Ce choix fluidifierait la prise en charge des personnes âgées à domicile dans le Japon de l’après-séisme, mais signifierait la fin du lien de subordination aux médecins.

Notre mode d’exercice libéral infirmier, exporté au Japon ? Depuis 1988, le docteur en sociologie Tetsu Harayama compare les mondes hospitaliers français et japonais, en coopération avec l’économiste Philippe Mossé (1), chercheur au CNRS à Aix-en-Provence, et Maryse Boulongne, cadre aujourd’hui à la retraite.

Rupture de la chaîne de soins

Le tsunami de mars 2011 a détruit l’équilibre d’une population vieillissante en emportant le maillage d’hôpitaux et de traditionnels petits établissements privés. « Les personnes âgées font face à une rupture de la chaîne de soins sans avoir les moyens de quitter le domicile », resitue Maryse Boulongne. Au Japon, 2 % de la population infirmière portent le nom de “visiteuses”, un système proche de l’HAD puisque reposant sur le salariat. Qui plus est, comme à l’hôpital, leur turn-over y est important, avec une carrière « de trois à quatre ans », précise le Pr Harayama.

Afin d’en savoir davantage sur la diversité de nos modes d’intervention « hors les murs », le Pr Harayama a séjourné, début juin, en Picardie où il a rencontré des libérales et des équipes d’HAD, notamment à Montdidier. « Cette région présente de fortes similitudes avec le milieu rural japonais. L’autre versant d’étude étant Aix-en-Provence », précise Maryse. La diversité d’intervention des Idel, « pas seulement limitées à l’accompagnement en fin de vie », semble passionner le sociologue japonais.

Le poids de la tradition

Las, si le lancement d’une expérimentation “libérale” était prévu par l’ancien gouvernement, tout semble au point mort depuis l’automne et la nomination d'une nouvelle équipe dirigeante. Les plus grands opposants à un tournant libéral, ce sont les médecins, qui « craignent de perdre leur main-d’oeuvre et leur pouvoir ». L’Association nationale des infirmières japonaises a, elle aussi, fini « par changer d’avis sous la pression des médecins, mais aussi parce qu’elle estime qu’il n’est pas dans les mentalités japonaises de se faire concurrence entre libérales et visiteuses, salariées des cliniques régies par des médecins libéraux, mais aussi entre libérales », détaille Maryse Boulongne. Tradition oblige, aux infirmières japonaises le care, aux médecins le cure. Mais, pour combien de temps encore ?

Difficile, en tout cas, d’élaborer une nomenclature et une cotation des actes dans ce contexte. « En France aussi, cela a pris plusieurs générations, ponctue Maryse. Nous continuons donc l’étude afin de donner du grain à moudre au gouvernement japonais et prouver la complémentarité entre libéral et hôpital. »

Participer à l'étude

Si vous souhaitez participer à l’étude franco-japonaise sur l’exercice infirmier à domicile, envoyez un mail à maryse.boulongne@orange.fr. Elle vous fera parvenir uun questionnaire. L’enquête est réalisée simultanément pendant quelques mois en France et dans l’Est du Japon. Elle vise à mieux comprendre les motivations et le parcours de toutes les infirmières qui interviennent à domicile, afin d'alimenter un argumentaire pour le développement de ce mode de prise en charge au Japon.

Candice Moors

 

 

1- L'équipe a déjà publié "L’hôpital et la profession infirmière, une comparaison France-Japon, les voies de la modernisation, (éd. Seli Arslan, 2008) actualisée dans sa version anglaise "Hospitals and the nursing profession, lessons from franco-japanese comparisons" (éd. John Libbey, 2011).

 

Logolib Article paru dans L'Infirmière libérale magazine n°294, daté de juillet-août.

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