06/04/2009

Un master pour accéder aux pratiques avancées, propose le rapport Bressand

Des IDE titulaires d’une licence académique ouvrant droit à une formation universitaire de type master pour exercer de nouvelles fonctions dans le cadre de pratiques avancées, mais seulement après trois années minimum d’expérience professionnelle en équipe pluridisciplinaire, c’est ce que propose un rapport intitulé « Réflexion autour des partages de compétences entre professionnels de santé », que www.espaceinfirmier.com s’est procuré.


Ce document de 71 pages est le fruit d’une quarantaine d’entretiens réalisés par les membres de la mission confiée à Michelle Bressand, ancienne coordinatrice générale des soins de l’AP-HP et actuelle conseillère générale des établissements de santé auprès de la ministre de la Santé.

13 professions paramédicales
Commandé par Roselyne Bachelot en septembre 2008, ce rapport synthétise en 13 fiches les problématiques professionnelles, les priorités et les perspectives d’évolution en termes de formation et de pratiques professionnelles de 13 métiers paramédicaux dont les infirmières. Les autres professions étudiées sont les audioprothésistes, les diététiciens, les ergothérapeutes, les manipulateurs en électroradiologie médicale, les masseurs-kinésithérapeutes, les opticiens, les professionnels de l’appareillage des personnes handicapées, les orthophonistes, les orthoptistes, les pédicures podologues, les psychomotriciens et les techniciens d’analyse biomédicale.


C’est la première fois qu’un travail de réflexion de ce type est confié exclusivement à des professionnels paramédicaux, soulignent les auteurs en introduction. « Fruit de l’écoute du vécu par les professionnels », ce rapport livre des « conclusions visant à faire évoluer les missions, les compétences et le niveau de formation des professionnels de santé de demain ».

Simplifier les procédures de modification des textes
Dans un contexte de pénurie médicale, « il se développe, en marge d’un système officiellement très réglementé, des habitudes de fonctionnement qui peuvent comporter des risques pour les malades, pour les professionnels et pour les institutions », constatent les auteurs en préambule. Or « la longueur et la complexité des procédures de modification » des textes réglementaires qui régissent chaque profession « peut conduire à des situations préjudiciables à la prise en charge des malades car les professionnels s’organisent de façon isolée », peu propice au contrôle et à l’évaluation régulière. C’est pourquoi « la mission préconise de simplifier les procédures de modification des textes », ce qui nécessite d’en ajuster l’architecture juridique et réglementaire « pour accélérer les mises à jour indispensables au fonctionnement du système de santé », eu égard au rythme des avancées technologiques, mais aussi à l’évolution des compétences acquises par l’expérience professionnelle et les formations complémentaires.


En amont de ce vaste chantier juridique, la mission se propose d’acter l’existant en identifiant les actes paramédicaux qui sont dès aujourd’hui réalisés hors de la réglementation existante. Elle en comptabilise trois sortes : les compétences, actes ou activités partagées entre plusieurs professions paramédicales (exemple entre masseur-kinésithérapeute et IDE, l’aide à la marche, l’aide à l’alimentation ou le premier lever des opérés) ; les actes ou activités relevant de la compétence des médecins, mais cependant couramment pratiqués par des paramédicaux (ex. : infirmiers libéraux adaptant les prescriptions d’anticoagulants) ; et enfin les actes ou activités, de la compétence médicale, confiés à un professionnel paramédical identifié, formé par le médecin qui l’autorise seul à effectuer tout ou partie de l’acte médical (ex. : sutures, pose de cathéters centraux).

Reflexion pluriprofessionnelle
Partant de là, « tous s’accordent sur le fait que le cadre juridique doit évoluer », notent les auteurs, mais dans le respect d’une « véritable réflexion pluriprofessionnelle », « chaque profession définissant les domaines ou actes à déléguer ». Pour les infirmiers, « il semble judicieux de permettre à l’Ordre national infirmier de participer aux travaux sur les modifications du cadre juridique de la profession », note le rapport. En effet, la synthèse des travaux de la mission Bressand ayant été réclamée par le ministère de la Santé pour le 1er novembre 2008, l’ordre infirmier n’a pas pu figurer parmi les institutions auditionnées puisque son conseil national n’a été élu que le 25 novembre… Les IDE sont pourtant, en nombre, les professionnels les plus concernés par ce rapport et les pistes de réflexion qu’il dégage.

Craintes de délégations fluctuantes
D’après les auteurs du rapport, un consensus semble se dessiner autour d’un cadrage juridique en trois étapes : missions, exercice professionnel et actes. Pour mémoire, rappellent-ils, l’architecture envisagée par la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (Dhos) et explicitée dans un document de travail datant de 2008, prévoit pour chaque profession paramédicale de définir les missions dans la loi, de déterminer les conditions d’exercice par décret et de fixer la liste des actes par arrêté. Or, « si les missions, sous réserve d’être repensées, peuvent faire l’objet d’une loi, de l’avis de nos interlocuteurs, la fixation des actes autorisés sous forme d’arrêtés est récusée », préviennent les auteurs du rapport Bressand.


Et c’est bien là qu’est le nœud du problème. « Tous nos interlocuteurs paramédicaux ont émis un avis très favorable au développement des coopérations », assurent les auteurs, mais dans le même temps, « ils émettent des doutes sur leur mise en œuvre ». Les salariés, et plus spécifiquement les IDE, craignent ainsi « de se voir confier des délégations fluctuantes en fonction de l’activité ou de la présence d’autres professionnels de santé ». Au hasard, « entre le vendredi 18h et le lundi 9h, ou après 20h », a ironisé un des soignants auditionnés dont les propos sont cités dans le rapport…

Projet de loi HPST
Le rapport décrypte par ailleurs longuement l’article 17 du projet de loi Hôpital, patients, santé, territoires (HPST), consacré aux coopérations entre professionnels de santé. Cet article prévoit que les professionnels de santé, à leur initiative, soumettent à la future agence régionale de santé (ARS qui remplacera l’ARH au 1er janvier 2010) des « protocoles de coopération » qui doivent préciser l’objet et la nature de la coopération, notamment les disciplines ou les pathologies, le lieu et le champ d’intervention des professionnels de santé concernés. L’ARS sélectionne les protocoles « qui répondent à un besoin de santé au niveau régional » et les soumet à la Haute Autorité de santé (HAS) pour avis conforme. Une fois cet avis obtenu, le directeur de l’ARS autorise par arrêté la mise en œuvre des protocoles. Le projet de loi prévoit que la HAS puisse étendre un protocole à tout le territoire national.


A cet égard, le rapport Bressand recommande que la HAS « intègre parmi ses experts des professionnels paramédicaux en exercice (les auteurs insistent sur ce point) qui participeront à cette démarche plurimétiers ». Il se prononce également en faveur d’une forme de décentralisation de la HAS en préconisant que celle-ci développe dans chaque région des comités chargés d’émettre l’avis pluriprofessionel sur les protocoles proposés.

Master et nouvelles responsabilités
La réussite de la protocolisation telle que décrite ci-dessus « tient à la qualité et aux compétences des professionnels qui s’y engageront » et « tous ne seront pas intéressés ou en capacité de s’inclure dans ces nouveaux modes d’exercice », anticipe le rapport. Néanmoins, « la mission recommande de développer sur tout le territoire les mêmes obligations pour tous les professionnels paramédicaux » qui s’engageront dans des « pratiques avancées ».

Trois conditions sont listées : une expérience professionnelle de trois années minimum dans le domaine ou la spécialité médicale, un dossier d’inscription comportant les expériences professionnelles, évaluations professionnelles et formations ainsi que les avis des supérieurs hiérarchiques, et une formation spécifique pour le domaine, l’acte ou l’activité. Cette formation complémentaire, de l’avis de la mission Bressand, devrait être encadrée par une UFR de médecine et faire l’objet d’une validation en master 1 ou 2 « en fonction des nouvelles responsabilités des futurs professionnels ». D’où la nécessité, insistent les auteurs, « que tous les professionnels paramédicaux puissent avoir accès au niveau master », ce qui implique « la reconnaissance de leur diplôme initial au niveau licence académique ».

Valorisation financière « indispensable »
Si la valorisation financière des actes pratiqués dans le cadre de pratiques avancées n’était pas de la compétence de la mission, celle-ci estime cependant qu’il sera «indispensable de traduire leurs nouvelles responsabilités» dans le salaire des salariés.


En conclusion, les auteurs du rapport se félicitent d’avoir constaté une réelle « volonté des professionnels de participer à ces évolutions », même s’il existe des « craintes face à ces changements». L’engagement des médecins, «profession indispensable à tout l’édifice», sera «déterminant», soulignent-ils.

Cécile Almendros

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