Un ticket d’entrée pour l’Aide médicale d’Etat…

07/02/2011

Un ticket d’entrée pour l’Aide médicale d’Etat…

Un rapport déconseillant fermement l’instauration d’un droit d’entrée de 30 euros pour bénéficier de l’Aide médicale d’Etat a été totalement ignoré. Il mettait en garde contre les effets délétères d’une telle disposition et révélait que la forte augmentation des dépenses de l’AME constatée en 2009 est liée à la tarification appliquée.

Dans un rapport rendu le 24 novembre dernier aux ministres de la Santé et du Budget, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l’Inspection générale des Finances (IGF) déconseillaient la mise en place d’un droit d’entrée à l’Aide médicale d’Etat (AME) (1), jugeant le dispositif « financièrement inadapté, administrativement complexe et porteur de risques sanitaires ». Une réforme pourtant mise en place le 30 décembre dernier, alors que le rapport est resté confidentiel jusqu’au 31 décembre. Le gouvernement l’avait commandé le 23 juillet 2010 pour déterminer les causes de la forte hausse des dépenses de l’AME constatée en 2009 (+ 13,3 %) et examiner les modalités d’application d’une contribution forfaitaire annuelle au dispositif.

Le rapport n’a fait que corroborer les risques évoqués par médecins et associations de soins aux personnes sans papiers, qui avaient combattu la réforme finalement votée le 25 novembre dernier : augmentation du recours aux soins d’urgence et aux soins hospitaliers, accroissement des créances non recouvrables, propagation des maladies transmissibles etc.

Fraude limitée
Même si les inspecteurs soulignent la difficulté de révéler des tendances statistiques fiables en l’état actuel des données, l’analyse poussée réalisée sur les consommations de soins des bénéficiaires de l’AME montre que « les potentialités de fraude restent limitées et [que] la population concernée est en très grande majorité en situation de grande précarité ». Environ 80 % d’entre eux sont des hommes seuls, isolés et présentant un état de santé déjà dégradé. Ces patients sont par ailleurs soumis aux mêmes modes de contrôles que l’ensemble des bénéficiaires de l’assurance maladie ou de la Couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C). Et si certains sont effectivement d’importants consommateurs de soins, la réalité de leurs besoins de santé ne peut être mise en cause.

Enfin, la mission révèle un problème de tarification : 70 % des dépenses de l’AME ainsi que les trois quarts de leur augmentation en 2009 sont imputables aux dépenses hospitalières publiques. Or, ces dépenses sont généralement facturées au tarif journalier de prestation (TJP), un tarif élaboré par chaque établissement « selon des règles qui ne semblent pas toujours relever d’une exacte comptabilité analytique », notent sobrement l’Igas et l’IGF. A titre d’exemple, une séance de dialyse est facturée en GHS (groupement homogène de soins, dans le régime général) à 349 €. L’AP-HP, elle, la fixe à 990 € en TJP et l’AP-HM, à 1815 €… Même en ajoutant les dépenses liées à des complications ou à la prise en charge sociale du patient, il est difficilement imaginable que le coût global puisse être multiplié par cinq !

"Dissimulation scandaleuse"
Près d’un quart des dépenses budgétaires de l’Etat au titre de l’AME seraient donc indues au regard de ce que paierait pour la même prestation l’assurance maladie… Une manière de limiter les dégâts pour des institutions hospitalières en grande difficulté actuellement ? Un argument en tout cas pour que les associations telles que l’Observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE), le Collectif interassociatif sur la santé (le CISS) ou Médecins du Monde réclament l’intégration de l’AME dans un régime de droit commun.

Depuis la publication du rapport, elles ont également exigé la suspension immédiate de la réforme de l’AME et attendent en outre des explications de la part du gouvernement à propos de « cette dissimulation scandaleuse privilégiant les enjeux électoralistes au détriment de la santé des personnes ». Deux demandes qui n’ont, à ce jour, pas abouti.

Sandra Mignot 

1 – L’AME permet l’accès aux soins des personnes étrangères présentes sur le territoire français depuis plus de trois mois, mais en situation irrégulière. Elle a bénéficié à quelque 200.000 personnes en 2010.

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