Un tribunal d’exception pour les libéraux ?

24/02/2012

Un tribunal d’exception pour les libéraux ?

 Le Centre national des professions libérales de santé s’insurge contre un projet de décret, fixant les modalités de contrôle de l’insuffisance professionnelle, élaboré “en catimini”.

« Aujourd’hui, il existe déjà tout un arsenal de procédures pour mettre sur la touche un professionnel de santé qui manquerait à ses devoirs. Alors, quel besoin pour le gouvernement de nous en imposer d’autres, en catimini ? » Le président du Centre national des professions libérales de santé (CNPS), Michel Chassang, s’insurge contre un projet de décret visant à confier aux ordres de sept professions de santé (1), les pleins pouvoirs en matière de vérification de l’aptitude professionnelle des praticiens. Un projet de décret, pourtant déjà présenté en juin 2010 devant la section sociale du Conseil d’État, en toute discrétion...   « On ne réagit que maintenant, car nous n’en avons pas eu connaissance plus tôt : il vient de sortir du cabinet du ministre, et aucune instance syndicale représentative n’a été associée au projet », explique Michel Chassang. Dans un communiqué diffusé fin janvier, l’intersyndicale dénonce les ambitions de ce projet de décret, en application de la loi HPST de juillet 2009, derrière lesquelles se profile, pour son président, « la pression des ordres professionnels ».

Pour une concertation
Si l’intersyndicale mesure la nécessité de garantir la qualité des soins, notamment dans le cadre d’une obligation de moyens, via le développement professionnel continu (DPC), son président s’oppose à la publication d’un texte non discuté, qui instaurerait ce qu’il qualifie de « tribunal d’exception » pour les libéraux. « Même sans le dire, ce texte vise les libéraux qui, sans autorisation d’exercer, même temporairement, perdent tout. C’est un pouvoir exorbitant qui est donné à l’ordre. Je ne dis pas que les ordres feront forcément n’importe quoi. Mais qu’on en parle avant, au moins ! »
Le CNPS estime que le projet de décret, tel qu’il est rédigé,  ajoute la notion de compétence aux « conditions nécessaires de moralité et d’indépendance », déjà examinées normalement par les ordres lors de l’inscription d’un professionnel au tableau. Le conseil départemental concerné serait alors en mesure d’ordonner une expertise, « en cas de doute sérieux sur la compétence professionnelle du demandeur », au terme de laquelle il pourrait refuser l’inscription au tableau, si elle met en évidence « une insuffisance professionnelle rendant dangereux l’exercice de la profession », sans davantage de précision. Ce projet de décret entraînerait pour les praticiens en exercice la « suspension temporaire », totale ou partielle, du droit d’exercer. Avant de pouvoir reprendre son activité, le professionnel devra justifier auprès de l’Ordre d’un complément de formation correspondant à l’insuffisance reprochée.

Candice Moors

1 - Les professions concernées : médecins, chirurgiens-dentistes, pharmaciens d’officine, sages-femmes, infirmiers, kinésithérapeutes, et pédicures-podologues.

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