Dans Tout doit disparaître, le psychiatre Michel Debout propose des ressources pour aider les salariés frappés par la violence psychologique.
Du harcèlement moral à la mise en concurrence des salariés pour casser les solidarités, en passant par les pressions et les menaces : tout y est. En une vingtaine de pages, la bande dessinée Tout doit disparaître (1) illustre les ressorts d’un très mal nommé « plan de sauvegarde de l’emploi » et toute la palette des souffrances qu’il charrie.
Actes crapuleux
L’action se situe chez Elsa Dor, entreprise de textile fictive, sacrifiée sur l’autel des quotas de production et de la rentabilité en bourse du groupe auquel elle appartient. Un salarié handicapé tente de se suicider, un autre – notoirement alcoolique – se tue en voiture, un troisième songe à se défenestrer avant d’être extirpé in extremis, par un médecin de santé au travail, du marasme dans lequel sombre l’entreprise. Nul n’échappe à la série d’actes crapuleux qui aboutit à la fermeture du site industriel : mensonge, manipulation, nomination d’un incompétent à la tête des négociations pour mieux garantir leur échec, pression sur un témoin de harcèlement pour empêcher une procédure d’aboutir et vol nocturne de l’outil de production.
Le Pr Michel Debout, président de l’Union nationale pour la prévention du suicide et coordinateur de la BD, n’a attendu ni la crise ni les suicides à France Télécom pour s’intéresser à la souffrance psychique au travail. Auteur d’un rapport sur le harcèlement moral au travail, il fut aussi coauteur, en 2004 du livre Violences au travail : agressions, harcèlements, plans sociaux (éd. de L’Atelier). « Nous englobions déjà les plans sociaux dans les violences faites aux travailleurs », note l’expert, attentif à leurs « effets sur la santé des personnes, en tant que médecin et psychiatre ».
Réponses préventives
Cet album doit aider à faire prendre conscience que « certains modes de gestion des personnes entraînent des souffrances psychiques susceptibles de dégénérer en authentiques maladies ». Destiné aux soignants et aux potentielles victimes de violences au travail, il trouve naturellement sa place dans le bureau de l’infirmière de santé au travail. Après les traditionnelles planches bullées, dix-neuf pages élaborées par Michel Debout décortiquent les processus psychiques impliqués lors d’un plan social, proposent des réponses préventives, rappellent le périmètre juridique du harcèlement moral…
Un encadré en forme de plaidoyer pour une médecine des chômeurs clôt l’album. « Quand on perd son travail, on perd la médecine qui va avec », déplore l’auteur, pour qui l’ancien salarié devrait être suivi « au moins deux ans » par le médecin de santé au travail, apte à détecter d’éventuelles dérives dépressives ou addictives.
Cécile Almendros
1- Collectif, Boulogne, éd. Narratives, 2009, 11 euros.
Cet article est extrait du numéro 255 de L'Infirmière magazine, à paraître début décembre. S'abonner.