Une infirmière libérale en grève de la faim

26/05/2011

Une infirmière libérale en grève de la faim

Pour protester contre ses problèmes d’installation en zone sous-dotée, Anne-Marine Ginet s'est mise en grève de la faim. Trois semaines que cela dure…

Boulogne-sur-Gesse, petit bourg de Haute-Garonne, est en émoi. Le 9 mai dernier, Anne-Marine Ginet, infirmière libérale, a entamé une grève de la faim. Depuis son installation, en février, son téléphone ne sonne pas et elle n’a pratiquement pas de patients… « Je veux par cette action alerter l’opinion publique sur le problème des zones sous-dotées. Car si je me suis installée ici, c’est que la Cpam du département m’a indiqué ce canton », argumente l’Idel remontée.

D’après les chiffres fournis par la Caisse primaire d’assurance-maladie, onze infirmières exercent sur l’ensemble du canton de Boulogne-sur-Gesse, qui compte 24 communes pour 5 200 habitants. La zone demeure toutefois en zone "très sous-dotée".  « Avec la population vivant dans les communes limitrophes, cela représente un bassin d’environ 10 000 personnes », précise Pierre Médevielle, le maire de la commune. « C’est vrai que j’ai dit à cette personne qu’elle n’aurait sans doute pas de mal à se faire une clientèle, mais je pense qu’elle n’a pas fait le maximum pour faciliter son arrivée », se défend l’édile.

Déjà trois installations ratées
De fait, en deux ans, le canton a quasiment vu doubler le nombre d’infirmières : trois installations en 2009, deux en 2010. Et Mme Ginet en 2011. Or, dix de ces infirmières sont installées dans le village même, quasiment dans la même rue. Comment la dernière installée en est-elle arrivée à une action aussi désespérée ? « A mon arrivée, j’ai rencontré les médecins, le maire. Celui-ci m’a fait comprendre que mes collègues étaient débordées… » Diplômée de l’Ifsi de Coutances (Manche), Mme Ginet est infirmière depuis vingt-cinq ans, dont treize en libéral. Elle n’en est pas à sa première installation, mais a apparemment accumulé les déboires. Une expérience à Creil (60) et deux autres en Guyane, où, dit-elle, « sur 120 infirmières », elle était « la seule à ne pas travailler », se sont mal terminées. Que ce soit en ville ou à la campagne, elle a toujours choisi des zones sous-dotées. « A chaque fois, cela s’est terminé par un échec », déplore l’infirmière, élevée au grade de chevalier de la Légion d’honneur en 2008.

Boycott ou défaut de communication ?
Interviewée par téléphone sur cette nouvelle expérience, elle évoque « l’ambiance délétère autour d’elle, les commérages et le clientélisme ». Cependant, quand on lui demande pourquoi son cabinet n’apparaît ni dans l’annuaire ni sur la page des professionnels de la santé du site internet de Boulogne-sur-Gesse, elle répond qu’elle pensait « trouver assez de patients à travers le CCAS et le Ssiad ». « Mais je ne sais pourquoi, les listes d’attente ont disparu du jour au lendemain… on me boycotte », ajoute-t-elle.

Se fait-on une clientèle en trois mois, sans connaître le terrain et sans jamais avoir fait de remplacement ? « Cette personne n’est jamais venue nous voir », réagit Martine Castelos, infirmière installée depuis 30 ans à Boulogne-sur-Gesse. « J’ai appris son existence à la télévision, quand elle a commencé sa grève de la faim ! Je trouve ses propos dans la presse diffamatoires. Peut-être s’imaginait-elle que nous pourrions lui céder des patients ? Nous ne savons rien de ses pratiques, de ses qualités», objecte Mme Castelos.

La grève de la faim d’Anne-Marine Ginet dure depuis près de trois semaines, dans une sorte d’indifférence générale. Son action ressemble à un appel au secours. « Un geste qui pourrait la marginaliser un peu plus », déplore le maire… Affaire à suivre.

Jean-Michel Delage

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