Alors que des pays comme la Suisse ont poussé la construction d’une filière infirmière jusqu’au doctorat, d’autre pays, dont la France, sont au début du processus. Illustration au récent congrès du Sidiief.
À l’occasion du 13e sommet de la francophonie, qui avait lieu du 22 au 24 octobre en Suisse, le Secrétariat international des infirmières et infirmiers de l’espace francophone (Sidiief) a organisé un séminaire sur les évolutions de la formation infirmière en Suisse, en France, au Québec et en Afrique. L’occasion de comparer les pratiques avec celles des pays anglophones. Cet après-midi de réflexion correspondait également au dixième anniversaire du Sidiief, organisation non gouvernementale dont le siège est à Montréal. Les conférences étaient données à l’Institut et la Haute Ecole de la Santé La Source, l’un des deux établissements à former les étudiants infirmiers à Lausanne.
Rares sont les pays qui dépassent la licence
«En Europe, les modèles de formation infirmière sont encore très hétérogènes.» C’est Jacinthe Pepin, directrice du Centre d’innovation en formation infirmière (Cifi) de l’université de Montréal, qui dresse ce constat. Le Québec permet encore d’exercer sans diplôme universitaire, mais a mis en place une filière de type licence-master-doctorat (LMD) en 2005. La région est pionnière, puisque l’université de Montréal a été la première au monde à lancer un doctorat en sciences infirmières, dès 1993. La Belgique, elle, offre bachelor (licence) et master, mais pas encore de doctorat. Quant aux pays d’Afrique, la plupart ont tout juste un bachelor. La France, qui vient à peine de commencer sa réforme LMD chez les infirmières, avec l’octroi d’un grade de licence mais pas un diplôme universitaire, n’est donc pas la seule retardataire dans la construction d’une vraie filière.
Sur vingt pays étudiés, le Cifi compte 27 cursus différents, dont seulement cinq ont un deuxième cycle et trois ont un troisième cycle. Cette disparité se retrouve aussi au niveau des programmes, dont tous n’ont pas les mêmes matières, le même nombre d’heures de stage ou les mêmes critères d’admission. «Il faut absolument valoriser les infirmières, déclare Gyslaine Desrosiers, présidente fondatrice du Sidiief et présidente de l’ordre infirmier québécois. La profession présente de nouveaux défis, car les soins demandent plus de technicité et d’interdisciplinarité. Les patients, eux, requièrent plus de soutien psychologique. C’est pourquoi la formation des infirmières doit évoluer afin de s’adapter à ces nouveaux rôles. »
La Suisse, élève modèle
Au sein de cette cartographie plurielle, la Suisse fait figure de modèle. Tandis que du côté alémanique, le système est encore mixte (deux filières cohabitent), les cantons romands ont unifié leur formation et créé un bachelor en 2006. «Depuis cette date, nos effectifs d’élèves ont augmenté de plus de 39%. Dans un contexte de pénurie de personnel, c’est une performance, affirme Jacques Chappuis, directeur de la Haute Ecole de santé La Source, qui accueillait le séminaire. Non seulement le bachelor est très attractif, mais les élèves savent aussi qu’ils peuvent accéder au master et au doctorat. Pour le moment, ils sont seulement 1% à se lancer dans la recherche. Mais le chiffre va augmenter.» Selon lui, réhausser la formation initiale ne sera pas une initiative viable sans l’expertise d’enseignants et de chercheurs aux compétences pointues. «La science infirmière doit devenir une vraie discipline», indique-t-il.
Afin de stimuler les vocations, La Source enseigne une initiation à la recherche à ses étudiants de bachelor. Raphaëlle Subilia, qui vient d’obtenir son diplôme, a ainsi fait une revue de littérature scientifique sur la manière dont les parents vivent l’hospitalisation de leur enfant en soins intensifs. « J’ai trouvé cela passionnant, dit-elle. Les articles donnent un angle de vue plus large que ce que l’on vit dans la pratique clinique. Pour moi, la recherche aide à définir le rôle infirmier. Et à le valoriser. »
Marie Maurisse (à Lausanne)
Objectif : des troisièmes cycles partout
Le prochain congrès mondial du Sidiief aura lieu du 20 au 24 mai 2012 à Genève, en Suisse. L’ONG devrait y publier sa Déclaration de Genève, un plan d’action en faveur de l’universitarisation de l’enseignement infirmier. Son but ? Que tous les pays francophones offrent un accès aux 1er, 2e et 3e cycles de formation. Selon Suzanne Kerouac, ex-doyenne de la faculté des sciences infirmières de l’université de Montréal, «l’OCDE elle-même soutient la création de statuts d’infirmiers à large spectre de responsabilité» (lire ici). Pour le bien des soignants, mais surtout pour améliorer la prise en charge des patients.