La ministre de la Santé vient d’annoncer le lancement d’un plan de désengorgement des urgences, reposant sur la création d’un dispositif de gestion prévisionnelle de lits d’aval. La mesure ne fait pas l’unanimité.
En visite au groupe hospitalier Saint-Joseph (Paris), vendredi 27 avril, Marisol Touraine, ministre de la Santé, a annoncé qu’elle lançait « un plan de création de services de gestion de lits d’aval » dans 150 hôpitaux. Objectif : désengorger les urgences et améliorer la qualité des soins et d’accueil des patients. « La situation dans les services d’urgences n’est pas satisfaisante. Nous voyons tous trop souvent des brancards dans les couloirs et du personnel débordé », a-t-elle déclaré.
Cette visite intervient dans un climat tendu. En mars, le Samu-Urgences de France a appelé les urgentistes à cesser de chercher des lits d'aval pour les patients présents dans leur service, à compter du 15 octobre. Il n’est pas rare, en effet, que des médecins passent plus de temps à chercher un lit de libre qu’à soigner un patient. Même si, selon la ministre, « les urgences les plus graves sont prises en charge dans des délais satisfaisants dans notre pays ».
Aiguiller les patients
D’ici à trois semaines, les agences régionales de santé devront avoir identifié les établissements dans lesquels il paraît prioritaire d’engager la mise en place de ce type d’unité, pour un déploiement du programme dans six à huit semaines. Ce premier volet « sera achevé dans les 18 mois au plus tard », selon la ministre. A terme, et après évaluation, le dispositif pourrait être généralisé. Les établissements retenus recevront l’aide de l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap).
Ce fut déjà la cas à Saint-Joseph, où l’expérimentation a été lancée en 2012. Depuis, la cellule de gestion de lits a une vision d’ensemble des lits disponibles ou non, au jour J, sur l’ensemble de l’établissement. En amont, les gestionnaires de lits, ou bed managers, travaillent sur les hospitalisations programmées et ont pour mission de faire en sorte que ces patients sortent le matin afin de garder des lits libres pour les patients des urgences. Les urgentistes n’ont, ainsi, plus à passer des heures au téléphone pour tenter de « caser » leur patient. Ils s’adressent à la cellule et c’est elle qui va aiguiller le malade en fonction des disponibilités de l’établissement et des règles qui ont été définies préalablement, comme ne pas mettre dans une même chambre un homme et une femme et, si possible, accueillir les patients dans des unités de soins en rapport avec leur pathologie.
« L'hôpital ne se gère pas à flux tendu comme une entreprise »
Un dispositif qui semble satisfaire le Dr Olivier Ganansia, chef du service des urgences. « La gestion prévisionnelle des lits d’aval a aussi permis de réduire les transferts, de l’ordre de 1 % aujourd’hui », relève-t-il. A Saint-Joseph, les quatre « bed managers » sont tous d’anciens secrétaires médicaux de l’hôpital. Marisol Touraine n’a, d’ailleurs, pas annoncé de création de poste, mais a laissé entendre que les situations seraient étudiées au cas par cas.
De son côté, l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf) ne décolère pas. Dans un communiqué publié ce lundi 29 avril, elle enjoint la ministre à comprendre « que l'hôpital ne se gère pas à flux tendu comme une entreprise avec la recherche d'un taux d'occupation des lits de 100 %. Des études internationales montrent qu'au-delà d'un taux d'occupation de 85 %, un hôpital dysfonctionne car l'activité des urgences ne se programme pas. » Le lit guérit tout, dit le proverbe. Rien n’est moins sûr…
Françoise Vlaemÿnck