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Le 15 septembre, tous les professionnels de santé devaient être inscrits dans un schéma vaccinal et avoir reçu au moins une dose du vaccin contre la Covid-19. Si la très grande majorité d’entre eux ont rempli cette obligation fixée par la loi du 5 août 2021, quelques Idels ne répondent toujours pas à l’appel, quitte à perdre leur agrément.
Leur nombre exact ne sera connu qu’à partir du 15 octobre prochain, mais les premières estimations tendent à montrer que les Idels n’étant pas inscrits à ce jour dans un schéma vaccinal seraient bien moins nombreuses que le craignaient les autorités. Ainsi, dans les Hauts-de-France, au 16 septembre, ils étaient 316, soit 3,4 % des Idels que compte le département(1). Avec près de 97 % de taux de vaccination chez les professionnels de santé libéraux, la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui couvre douze départements, ne compterait pour sa part que 600 Idels non vaccinés(2). « On est sur une vraie minorité, confirme Philippe Rey, président de l’Union régionale des professionnels de santé (URPS) Infirmiers libéraux Auvergne-Rhône-Alpes. Et, pour le moment, nous n’avons eu aucun retour de sanctions pour les professionnels libéraux. » Si sanctions il y a, celles-ci ne devraient en effet pas être appliquées avant le 15 octobre, date à laquelle toutes les CPAM locales devront avoir transmis la liste des non-vaccinés aux ARS qui, elles-mêmes, en informeront l’Ordre national infirmier. Charge ensuite à ce dernier de déclencher une procédure disciplinaire envers les soignants concernés. « Ce sont des cas isolés qu’il faudra considérer, mais, à ce stade, nous ne savons pas quelles seront les sanctions », prévient l’Ordre par voie de presse.
Continuité des soinsEn attendant, sur le terrain, les premières répercussions se font ressentir. C’est notamment le cas en Occitanie, où le syndicat Convergences fait état d’un petit groupe d’infirmiers ayant cessé définitivement leur activité libérale. Et ce, dès la réception de la première lettre de l’ARS leur demandant de se mettre en conformité. « Et il ne s’agit pas uniquement d’antivax !, tient à préciser sa présidente, Ghislaine Sicre. Certains Idels présentent de véritables contre-indications à la vaccination et ne souhaitent pas prendre le risque de s’exposer à de très gros problèmes de santé. Pour d’autres, proches de la retraite ou sur le point de se reconvertir, cette nouvelle menace sur la profession a simplement accéléré leur décision. » À trois ans de prendre sa retraite, Géraldine (nom d’emprunt) a aussi longuement hésité à prendre la poudre d’escampette avant de renoncer, faute de pouvoir être remplacée. « J’ai reçu un courrier personnalisé de l’ARS peu avant le 15 septembre m’informant que si je n’avais pas reçu la double injection mi-octobre, ma carte professionnelle serait désactivée. Or, sans cette carte, impossible de me faire remplacer et donc de percevoir une rétrocession d’honoraires ; ce qui, pour moi qui suis seule, signifie la fermeture de mon cabinet », dépeint l’infirmière libérale marseillaise. De leur côté, les Idels associés n’ont pas tant à se soucier de la fermeture de leur cabinet que de prendre les mesures nécessaires pour assurer la continuité des soins. Aussi, pour se plier à cette disposition prévue dans la loi du 5 août dernier, certains n’hésitent pas à solliciter l’aide de leurs confrères. Un arrangement qui, du point de vue de la présidente de l’Onsil (Organisation nationale des syndicats d’infirmiers libéraux), Antoinette Tranchida, pose cependant question : « Ce n’est pas aux patients d’assumer les conséquences des choix personnels des professionnels de santé qui ne souhaitent pas se faire vacciner. Nous ne sommes pas à l’hôpital où il est possible de déplacer des lits ou de dispatcher les patients dans plusieurs services. À domicile, on ne peut pas dire aux gens du jour au lendemain qu’on ne peut pas venir ou les balader d’un cabinet à un autre. »
DérogationD’où l’intention de l’organisation syndicale basée à Toulouse de proposer au gouvernement qu’il envisage une dérogation qui autoriserait les Idels à faire travailler leur remplaçant à leur place, quitte à ce que celui-ci prenne définitivement sa place. « Nos avocats sont en train d’étudier cette possibilité, mais d’ici là, nous ne pouvons pas faire grand-chose d’autre à part prévenir nos adhérents des risques auxquels ils s’exposent », poursuit Antoinette Tranchida. La présidente de Convergences souhaiterait, quant à elle, que les professionnels de santé qui refusent la vaccination pour raison médicale soit reçus par un médecin du travail. « Pour le moment, les contre-indications sont trop restrictives, déplore-t-elle. L’idéal serait qu’on traite les personnes au cas par cas avec un interrogatoire santé en bonne et due forme. Et pour ceux dont les risques seraient trop contraignants, leur permettre de continuer à exercer avec les gestes barrière et des tests réguliers. » Reste que, au vu du nombre de professionnels concernés, la probabilité de faire infléchir le gouvernement est, selon le responsable de l’URPS Infirmiers, minime. « Passe encore si le refus de vaccination avait concerné 20 à 30 % des soignants. Peut-être aurions-nous pu alors espérer que les autorités soient plus conciliantes. Mais maintenant que le seuil de vaccination a atteint des records, j’ai bien peur que les quelques brebis égarées ne puissent pas échapper à la sanction. »
Éléonore de Vaumas
1. Chiffres Agence régionale de santé Hauts-de-France.
2. Chiffres CPAM Auvergne-Rhône-Alpes.