Vaccination : les infirmières toujours réticentes

La méfiance des infirmières envers la vaccination est « extrêmement préoccupante », estime le professeur Joël Gaudelus, chef de service hospitalier à l’hôpital Jean-Verdier de Bondy (AP-HP), interrogé dans le cadre d’un colloque sur la vaccination, organisé vendredi 10 décembre à Paris. « Dans mon service, en pédiatrie, le médecin du travail et moi avions organisé une réunion pour expliquer les risques de la grippe en fonction des âges, pour les infirmières et pour les enfants qui sont confiés à leurs soins. Le médecin du travail proposait des vaccinations à la fin de la séance, mais plus des deux tiers ont refusé », raconte-t-il.

Mêmes arguments de défiance que la population générale
« Pourtant, le taux d’hospitalisation pour grippe est supérieur chez les enfants de moins d’un an à celui observé chez les plus de 65 ans », note Joël Gaudelus. « Lorsque nous les interrogions, elles donnaient comme première raison la “non gravité” de la grippe, puis l’incertitude quant aux effets secondaires. C’est exactement le même schéma que dans l’opinion générale », ajoute-t-il.

Plusieurs participants au colloque ont insisté sur les carences de l’enseignement dispensé dans les Instituts de formation aux soins infirmiers (Ifsi) à propos de la grippe et sur le manque d’intérêt des étudiants infirmiers pour les réunions d’information organisées dans les Ifsi, comme à Annecy ou à Chambéry. Tous les services hospitaliers ne sont cependant pas égaux devant la vaccination des soignants. Il semble ainsi que les infirmières acceptent plus volontiers de se faire vacciner en réanimation, « par solidarité » pour les patients.

« Il faut prendre le temps de faire réfléchir les personnes concernées sur une analyse bénéfice/risque, estime Omar Brixi, épidémiologiste et enseignant en santé publique. Nous sommes dans une période marquée par l’incertitude et par des situations de crise. »

Un quart de soignants vaccinés en 2009

En 2009, en période pandémique, 43% du personnel médical de l’AP-HP et seulement 25% du personnel soignant s’étaient fait vacciner contre la grippe. Demandée en 2005 par les sénateurs, la vaccination obligatoire des soignants contre la grippe saisonnière dans les Ehpad n’a finalement pas été retenue, rappelle Christophe Trivalle, gériatre à l’hôpital Paul-Brousse (AP-HP).

La campagne de vaccination 2010, la première depuis la pandémie de grippe A/H1N1, rencontre aussi des difficultés auprès de la population globale : mi-décembre, la couverture vaccinale était inférieure d’au moins 15% par rapport aux années précédentes.

Plus de 300 personnes en soins intensifs au Royaume-Uni

Dans son dernier bulletin d'information, portant sur la semaine du 13 au 19 décembre, le Grog (Groupes régionaux d'observation de la grippe), fait pourtant part d'une intensification de l'activité grippale en France qui se traduit par une « hausse régulière depuis le début du mois » de la fréquence des infections respiratoires aiguës en médecine générale et en pédiatrie, laquelle hausse se trouve être « plus nette dans les régions de la moitié nord de la France », est-il précisé. « Ile-de-France, Haute-Normandie, Franche-Comté, Picardie, Nord-Pas-de-Calais et Pays-de-la-Loire » sont ainsi « sur le seuil d'alerte épidémique défini par le Réseau des Grog ». Or l'épidémie de grippe est déclarée lorsque le seuil épidémique est franchi durant deux semaines consécutives.

Par ailleurs, la circulation du virus respiratoire syncytial, responsable de la bronchiolite du nourrisson, s’intensifie. Ces données épidémiologiques conduisent le Grog à estimer que « les personnes à risque ne doivent vraiment plus traîner pour se faire vacciner contre la grippe ».

Pendant ce temps, de l'autre côté de la Manche, au Royaume-Uni, plus de 300 personnes sont hospitalisées en soins intensifs à cause de la grippe, a annoncé le 22 décembre le ministère de la Santé britannique.

Adrien Le Gal
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