L’épisode de la pandémie A(H1N1) n’a pas amélioré la perception des vaccins par les Français, soulignait un récent colloque. Loin de là.
« Le chèque en blanc d’hier est aujourd’hui soumis à conditions. » Omar Brixi, épidémiologiste et enseignant en santé publique, n’a pu que tirer un bilan mitigé de la gestion de la pandémie A(H1N1), lors d’un colloque consacré à la vaccination, en décembre à Paris (1) : « L’État a géré la crise malgré les incertitudes, le traumatisme de l’hépatite B, les pressions… Mais il a tout pris sur lui, n’a pas su partager les risques, notamment avec les assureurs, n’a pas su ajuster ni faire confiance. »
Autre critique, cette fois adressée aux Nations unies : « L’OMS n'a posé aucune condition d’accès aux brevets, alors que le dispositif existait, avec l’antécédent des antirétroviraux… Si la menace était à l’échelle mondiale, il aurait fallu empêcher une OPA de quelques États sur la majorité de la production. » L’histoire des vaccins, note-t-il, n’est pas une success story, loin s’en faut.
Confiance à restaurer
« Lorsque la couverture vaccinale augmente, mécaniquement, le nombre absolu de victimes d’effets secondaires augmente aussi, d’où une perte de confiance, qui peut aboutir à une reprise de l’épidémie », note Joël Gaudelus, professeur de pédiatrie et chef de service hospitalier à l’hôpital Jean-Verdier de Bondy (AP-HP). La controverse la plus connue est celle du vaccin contre la rougeole-oreillons-rubéole (ROR), accusé en Grande-Bretagne, en 1998 par le Dr Wakefield, dans la revue The Lancet, de favoriser l’autisme. En cinq ans, le taux de vaccination chute de 91 à 79%, alors que le lien n’a jamais été démontré, et que le Dr Wakefield a été, en 2004, accusé d’avoir touché des fonds d’associations hostiles au vaccin.
Conclusion, pour le professeur Gaudelus, il est important de communiquer sur le risque, mais aussi sur l’absence de risque établi, en gardant à l’esprit que « l’audimat ne doit pas être l’outil de mesure du risque vaccinal ». « Dans les laboratoires, environ 70 % du temps de production est dédié au contrôle qualité et une personne sur quatre se consacre à ce travail », souligne-t-il. L’accent, selon lui, doit être mis sur la communication, pour éviter les emballements médiatiques antivaccins et la propagation des rumeurs.
Adrien Le Gal
Photo: Valeriy Lebedev - Fotolia.com
1- Le colloque était organisé, le 10 décembre, par le Centre de liaison, d’études et de formation (Clef), en partenariat avec plusieurs laboratoires comme GSK, Pfizer et Baxter.
Chez les soignants aussi
Parmi les infirmières, la couverture vaccinale antigrippale est généralement inférieure à 20%. À quoi est due cette méfiance ? Le Dr Christophe Trivalle, de l’hôpital Paul-Brousse, à Villejuif, relève que le taux de couverture varie souvent selon le nombre d’années d’études, l’âge et le sexe. « Le nombre de femmes en âge de procréer parmi les infirmières peut expliquer ce chiffre, parce que certaines ont des craintes par rapport aux effets secondaires. Chez les aides-soignantes, le taux de couverture est encore plus faible. »
En 2006, la vaccination aurait pu être rendue obligatoire dans les établissements de santé, notamment ceux hébergeant des personnes âgées dépendantes, comme le souhaitaient les sénateurs, mais le Conseil supérieur d’hygiène publique a estimé, le 19 mai de la même année, qu’en période de grippe saisonnière interpandémique, l’obligation vaccinale ne pouvait être décrétée que pour protéger le soignant lui-même, et non le patient.
Or, rien ne permet de prouver que le soignant est davantage exposé à la grippe que le reste de la population. Aux États-Unis, en revanche, des groupes de maisons de retraite et d’hôpitaux ont réussi à obliger les soignants à porter un masque s’ils refusaient de se faire vacciner. Le taux de couverture a alors atteint 95 % dans certains établissements.
A. L. G.