Un projet de loi sur la psychiatrie est attendu pour le printemps. Porté par la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, il devrait prendre pour base le rapport Couty, rendu public fin janvier, mais également s'articuler avec la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) et réformer la loi de 1990 sur l'hospitalisation sous contrainte.
Inquiets de cette perspective, les syndicats appellent les psychiatres à différer toute transmission d'informations et à ne se consacrer désormais qu'à leurs activités soignantes, délaissant les réunions auxquelles ils sont habituellement convoqués, exception faite néanmoins des commissions médicales d'établissements et autres conseils exécutifs. Des actions communes avec les professions paramédicales sont par ailleurs en cours de préparation.
C'est le rapport d'Edouard Couty qui a mis le feu aux poudres*. "Nous avons le sentiment douloureux d'avoir été trompés", rapporte ainsi Pierre Faraggi, président du Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH). Selon lui, alors que les professionnels du secteur s'étaient associés "avec confiance" aux travaux de la commission Couty, ils ont le sentiment qu'au final, le rapport rendu à l'Elysée "découpe la psychiatrie", la "banalise" et veut la "faire rentrer dans le moule HPST". D'ailleurs, dit-il, "le rapport n'a pas été validé par le groupe" et cela, parce qu'il "met en pièces le modèle qu'il prétend défendre". Pour Pierre Faraggi, distinguer la prise en charge ambulatoire de la prise en charge hospitalière compromet la continuité des soins psychiatriques, jusqu'ici efficiente.
Pour sa part, Norbert Skurnik, président de l'intersyndicale de défense de la psychiatrie publique (Idepp) dénonce la démarche sécuritaire du chef de l'Etat. En décembre dernier, Nicolas Sarkozy avait dessiné les contours de la future loi de Roselyne Bachelot, lors d'un déplacement à Antony, annonçant un plan de sécurisation des hôpitaux psychiatriques, assorti de la création d'unités fermées dans les établissements qui le nécessitent et de l'aménagement de chambres d'isolement. Evoquant une époque de "vent mauvais", le Dr. Skurnik parle d'une volonté de récupération des médecins pour le maintien de l'ordre social et craint l'utilisation des services psychiatriques "en substitut de la prison". En même temps, dit-il, il devient de plus en plus difficile de permettre aux patients de sortir des établissements psychiatriques, les préfets devenant particulièrement sourcilleux quand il s'agit d'accorder des droits de sortie.
Au cours de la dernière décennie, l'activité du secteur a ainsi augmenté de près de 50%, aux dires des syndicalistes. Aussi demandent-ils à ce que la santé mentale constitue une priorité nationale, dotée d'une allocation budgétaire propre. Ils insistent sur l'importance qu'il y aura à ne pas disloquer leur discipline, et ce faisant, la prise en charge de leurs patients, au travers notamment des communautés hospitalières de territoire, telles que prévues dans la loi HPST.
Sandra Serrepuy
* cf « Remous autour du rapport d'Edouard Couty sur la psychiatrie et la santé mentale », mis en ligne le 13 février sur www.espaceinfirmier.com.