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Le ministre de la Santé a reçu le 8 juin du Dr Jean-Christophe Masseron, président de SOS Médecins France et de Nathalie Nion, cadre supérieure de santé à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), leur rapport sur les violences à l’encontre des professionnels de santé. Six axes déclinés en une quarantaine de propositions, visent à agir pour des soins en sécurité. Sont-elles suffisamment ambitieuses ?
Ce rapport est tristement d’actualité après le décès, fin mai, de Carène Mezino, infirmière de 38 ans, poignardée par un patient sur son lieu de travail ou encore l’agression d’une infirmière libérale de Rochefort, battue à la tête et aux jambes mi-juin, par l’un de ses patients alors qu’elle intervenait à son domicile. Les données de l’Observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS) mettent en avant depuis plusieurs années près de 20 000 signalements de violences par an (atteintes aux personnes et aux biens). Face à cette réalité, le gouvernement a décidé d’agir en confiant une mission au Dr Masseron et à Nathalie Nion, dont les conclusions devraient servir de base au futur plan de lutte contre les violences. Le document entend proposer des mesures sur deux échelles de temps : des solutions prioritaires pouvant être mises en œuvre rapidement pour répondre aux situations urgentes et des propositions s’inscrivant dans la durée pour lutter contre les violences
Un état des lieux avant toutSix axes ont été identifiés pour mieux appréhender les violences envers les soignants, mieux les prévenir et protéger les victimes : agir sur les déterminants des violences ; acculturer les professionnels ; mieux objectiver les faits de violences internes et externes ; accompagner et soutenir les victimes ; préparer les futurs professionnels ; et communiquer auprès de tous les acteurs. « Je trouve qu’avec ce rapport, nous avons une description de l’existant, un état des lieux de la situation, mais pas vraiment de mesures nouvelles », observe Véronique Péchey, vice-présidente de l’Ordre national des infirmiers (ONI). Les 44 propositions déclinées dans chaque axe restent timides. « Il est vrai que la tâche n’est pas aisée, reconnaît Véronique Péchey. Le point positif, c’est que le rapport propose des mesures de protection et de prévention. Cependant, il est difficile d’élaborer des propositions très précises car sur le terrain, il appartient au chef d’établissement de trouver les plus adéquates et adaptées pour la protection des soignants. » A titre d’exemple, certains services d’urgence disposent de vigiles en poste en permanence.
Absence de mesures dédiées aux libérauxLa vice-présidente de l’ONI ne cache pas non plus sa déception concernant le « trop peu de mesures concernant les infirmiers libéraux ». « Elles sont uniquement présentes par petites touches et parmi elles, certaines ne risquent pas de réellement produire des effets dans la lutte contre les violences », regrette-t-elle. C’est le cas notamment de la proposition sur la revalorisation tarifaire des libéraux, « qui certes peut agir sur l’attractivité du métier mais pas sur les violences », pointe la vice-présidente ordinale. De même que si elle se félicite de la proposition de financement des dispositifs de protection et d’alerte, elle s’interroge sur leur prise en charge financière.
Lorsqu’elle était présidente du Conseil départemental de l’Ordre des infirmiers (CDOI) de Meurthe-et-Moselle, elle avait demandé la mise en place d’une ligne directe avec la police. « Cela n’avait pas été possible car les infirmiers ne déclarant pas suffisamment les agressions dont ils sont victimes, nous ne disposons pas assez de données mettant en évidence les besoins », rappelle-t-elle. Et d’ajouter : « Nous avons donc lancé l’Observatoire de la sécurité des infirmiers, afin de leur donner la possibilité de déclarer eux-mêmes les faits de violences qu’ils subissent. Dès lors que nous aurons une base statistique suffisante, nous pourrons travailler avec le ministère. »
Enrichir la formationLe rapport entend déployer des mesures dans domaine de la formation. Là aussi, quelques maladresses notamment au sein de la proposition 7 concernant « le financement du déploiement d’expertises complémentaires dans les structures les plus à risques », et dans laquelle il est suggéré d’accélérer la formation des infirmières en pratique avancée (IPA). « Accélérer une formation sous-entend la délester, j’espère qu’ils se sont simplement mal exprimés », souligne-t-elle. Plus globalement, pour la formation, « j’aurais aimé qu’ils aillent plus loin », ajoute-t-elle. Les formations sur les comportements violents font déjà partie de la formation initiale. « Il faudrait une unité de formation sur la violence en générale puis la décliner, et proposer des programmes similaires en formation continue », propose-t-elle. Elle espère que les mesures retenues au sein du plan gouvernemental seront plus concrètes. Dans tous les cas, « il faut communiquer, libérer la parole, et la création de spots de communication nationaux, tels que prévus par le rapport, permet d’informer les soignants en difficulté, que nous sommes là pour eux », conclut Véronique Péchey.
Pour lire l’intégralité du rapport : https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_securite_des_professionnels_de_sante.pdf