Xavier Bertrand offre une dernière chance à l’Ordre des infirmiers

19/05/2011

Xavier Bertrand offre une dernière chance à l’Ordre des infirmiers

Le ministre de la Santé a motivé son hostilité à un texte qui rendrait l’adhésion à l’Ordre facultative pour les infirmières salariées, préférant tenter de « sauver » un dossier qui lui « tient à cœur ».

Déposé dans le cadre de l’examen d’un texte portant réforme de la loi HPST, l’amendement n°227 du député UMP du Bas-Rhin Yves Bur, visant à rendre l’adhésion à l’Ordre national des infirmiers (Oni) facultative pour les infirmières salariées, a été rejeté dans la nuit de mercredi à jeudi. Les arguments d’Yves Bur n’ont pas convaincu la majorité des députés présents, pas plus que la commission des Affaires sociales de l’Assemblée Nationale qui, par la voix de sa rapporteure, a émis un avis défavorable.

Invité par ses collègues ainsi que par le ministre de la Santé Xavier Bertrand, à retirer son amendement, Yves Bur s’y est refusé, estimant que cela ne servirait qu’à entretenir « l’illusion ». « Les parlementaires peuvent se tromper », a-t-il plaidé, en allusion à l’origine parlementaire de la loi de 2006 portant création de l’Oni. « On a pu croire qu’il y avait une véritable attente de la création de cet Ordre » au sein de la profession infirmière, a-t-il dit, mais il s’agissait en fait d’un « véritable malentendu entre le Parlement et les infirmières et les infirmiers ». « Les infirmières salariées ne comprennent pas qu’on puisse les obliger à adhérer à un ordre qu’elles n’ont jamais souhaité », a-t-il insisté, ajoutant qu’il ne croyait pas en l’applicabilité d’une « cotisation symbolique » pour faire fonctionner, même « a minima », un ordre qui regrouperait quelque 500 000 professionnels.

« Il fallait respecter l’esprit de la loi »
Etant donné le peu d’adhérents et la situation de l’Oni « en grande difficulté financière avec un découvert financier de plusieurs millions d’euros », dont on peut se demander « qui va payer ce passif », Yves Bur a énoncé les deux options possibles à ses yeux : « Soit nous rendre à l’évidence que les infirmières et infirmiers ne souhaitent pas cet Ordre et à ce moment-là, il faut peut-être que nous en tirions les conséquences, soit nous nous en remettons aux créanciers qui se chargeront peut-être de faire un sort définitif à cet ordre. »

Après avoir exprimé son avis défavorable, la rapporteure de la commission des Affaires sociales a sollicité l’avis du ministre. « Si c’était un sujet facile, ça se saurait », a commencé Xavier Bertrand, qui avait défendu en 2006 la loi portant création de l’ordre. « J’ai cru à cet ordre infirmier, j’aurais juste aimé que ce qui était demandé à l’époque ait été respecté », a-t-il déclaré en allusion à une « cotisation symbolique » qui aurait été de nature à empêcher « que les syndicats pensent que l’ordre était fait contre eux ». « Il fallait respecter l’esprit de la loi tout simplement ; ça n’a pas été fait, maintenant le vin est tiré, il faut le boire », a-t-il poursuivi.

Une cotisation annuelle à 15 euros ?
Répondant au député Bur, Xavier Bertrand, a estimé que le Haut conseil des professions paramédicales ne pouvait pas se substituer à l’Ordre infirmier. « Je crois que c’est une profession spécifique et qu’il faut l’entendre », a-t-il dit. « Au-delà de la cotisation, c’est une profession qui a droit aussi, dans toute sa reconnaissance, au rôle spécifique que peut jouer un ordre. » Or, a ajouté le ministre, « si on passe en facultatif, ce n’est plus du tout la même chose ».

Le ministre ne s’est pas privé de dénoncer les « maladresses » commises : « On ne bâtit pas un budget en fonction de sa vision et de ses prévisions ; on bâtit un budget en fonction de ce qu’on a et de ce qu’on reçoit », a-t-il martelé. Pour autant, Xavier Bertrand souhaite « donner une chance, une autre », à l’Oni. En effet, « soit on a de la visibilité et des perspectives, soit le gouvernement donnera un avis favorable à l’amendement Bur, voilà ce que j’ai dit », a-t-il rappelé. « Or aujourd’hui il me semble que les efforts sont entrepris », a-t-il argumenté, citant « des contacts réguliers avec la présidente » de l’Odre Dominique Le Bœuf, les discussions engagées entre l’Oni et sa banque  « pour  ne pas être mis en cessation de paiement » et la prochaine tenue d’un conseil national extraordinaire le 31 mai, au cours duquel une autre baisse de cotisation pourrait être mise au vote (le montant de 15 euros est évoqué). « Si je dis oui a votre amendement, ça ne sert à rien qu’on ait discuté avec eux, c’est juste une question de respect à leur égard », s’est défendu le ministre s’adressant au député Bur, non sans ajouter, on ne peut plus clair : « S’ils ne font pas ce qu’ils ont dit, je donnerai un avis favorable à votre amendement.»

Ne pas créer un précédent
Plusieurs autres députés de la majorité ont emboîté le pas au ministre, multipliant les arguments pour défendre le maintien de l’Oni et le rejet de l’amendement Bur. « Si on fait une différence entre salariés et libéraux, pourquoi ne pas le faire dans les autres ordres nationaux, les ordres des médecins, des vétérinaires, des pharmaciens, des dentistes, des notaires, et autres ? », s'est ainsi interrogé le député UMP du Loiret Jean-Pierre Door, estimant que l’adoption de l’amendement Bur ouvrirait la porte « à la renégociation des ordres professionnels » auxquels, a-t-il rappelé, "la majorité est favorable". Pour le député Nouveau Centre de Vendée Jean-Luc Préel, « si on ne maintient pas ensemble libéraux et salariés, l’Ordre n’a plus aucun sens » et dans ce cas, autant le « supprimer carrément ». Pour lui, l’argument selon lequel les infirmières hospitalières devraient être exonérées de l’obligation d’adhérer à l’ordre ne tient pas la comparaison avec les praticiens ou pharmaciens hospitaliers qui obéissent à la même hiérarchie hospitalière que les infirmières, mais dont personne ne remet en cause l’appartenance à un Ordre. Une évidence qui n’en est plus vraiment une pour la députée de Haute-Garonne Catherine Lemorton (Socialiste, radical, citoyen et divers gauche ) pour qui l’heure est venue de mettre le sujet sur la table: « Est-ce qu’il y a pertinence aujourd’hui des ordres professionnels ? (…) Posons le débat des ordres avant les présidentielles et on verra ! », a-t-elle lancé, bravache. Le député UMP des Bouches-du-Rhône Richard Mallié a de son côté défendu la pertinence des missions ordinales, au premier rang desquelles « tenir le tableau », afin de s’assurer que toutes les infirmières en exercice soient effectivement titulaires du DE. Le Conseil national de l’Oni « a compris » dans quelle situation périlleuse il s’était mis et « on va se tourner vers une cotisation annuelle qui serait plus conforme à ce que nous avions dit lors des débats de 2006 », a-t-il prophétisé, estimant que l’amendement Bur intervenanit « trop tôt ». « Cela fait à peine deux ans que l’Oni est installé », a-t-il rappelé. « Il faut attendre et dans les semaines qui viennent, les choses vont se dénouer. » A suivre…

Cécile Almendros


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