L'infirmière libérale magazine n° 171 du 01/05/2002

 

RÉNOVATION DU SYSTÈME CONVENTIONNEL

Bruits de couloirs

Serait-ce la fin de la logique comptable qui accompagne les ordonnances Juppé de 1996 ? C'est en tout cas l'ambition de la loi portant rénovation des rapports conventionnels votée lors de la dernière législature. Vaste chantier qui débute à peine...

La rénovation des relations conventionnelles entre les professionnels de santé libéraux et l'Assurance maladie est en marche !

Rencontre

En application de la loi du 6 mars 2002, les responsables des trois caisses (Cnamts, MSA des agriculteurs et Canam des indépendants) ont rencontré le 12 avril dernier dans un hôtel parisien les membres du bureau du Centre national des professions de santé (CNPS), appuyés par les représentants syndicaux des différentes professions. Soit près de 80 personnes réunies pour la grand-messe inaugurale que le président de la Cnam a eu tôt fait de tourner en opération de relations publiques. « Tout le monde était présent et tout le monde a accepté de jouer le jeu de la nouvelle architecture », s'est réjoui Jean-Marie Spaeth... en faisant l'impasse sur le boycott de la FNI. Pour peu que l'on mette également de côté les mouvements de grogne des médecins (qui se poursuivent), le cataclysme des élections présidentielles, l'incertitude liée aux législatives, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Début des travaux

C'est de façon très progressive que se sont engagés les travaux. Premier rendez-vous, premier objectif : arrêter un calendrier et convenir d'une méthodologie pour élaborer le cadre interprofessionnel, socle de la future architecture à trois étages*. Trois grands axes ont d'emblée été définis : qualité et coordination des soins, partenariat conventionnel et échange d'information, enfin l'environnement conventionnel (soit la protection sociale des professionnels, la télétransmission, le tiers payant...).

Structure légère

Un comité de pilotage composé de responsables du CNPS et des caisses a été désigné. Lors de sa première réunion opérationnelle qui a eu lieu dès le 16 avril, il a été décidé que trois équipes fonctionnant en tandem (un responsable du CNPS, un responsable de caisse) prendraient chacune un dossier en charge.

Le comité de pilotage devra encore préparer les rencontres prévues dans les régions au sein des Unions régionales des caisses d'assurance maladie (Urcam). La réforme semble d'autant mieux enclenchée que les caisses ont ouvert parallèlement des négociations autour des revendications catégorielles censées être traitées par la deuxième partie du futur dispositif conventionnel (il s'agit des conventions spécifiques à chaque profession). Pour Jean-Marie Spaeth, cette double négociation doit « permettre de dégager, fin juin, ce qui relève du socle inter-professionnel et ce qui relève des conventions ». Une méthode pour délimiter les espaces de travail et ménager les susceptibilités des syndicats en pleine fronde. Le terrain tranche avec l'état d'esprit des « états majors » qui affichent un moral au beau fixe. « Il existe une véritable envie de changer (...), de remplacer la logique des institutions par une logique centrée sur le parcours du malade (...) et de tordre le cou à la logique budgétaire », s'est félicité le président du CNPS, Jacques Reignault. Cela suffira-t-il ? Rendez-vous au prochain épisode...

*Voir Comment ça marche, page 26.

Boycott de la FNI

CAUSES ET CONSÉQUENCES

La FNI a choisi de ne pas participer à la réunion du coup d'envoi du 12 avril.

Première raison invoquée : l'annonce tardive de la réunion qui n'a pas permis à la fédération de consulter son Assemblée des départements afin de débattre pleinement du mandat donné au Conseil fédéral. Une impossibilité technique qui recouvre un message pourtant clair : la FNI n'est pas au garde-à-vous !

Seconde motivation : « la convention temporaire signée le 21 janvier dernier n'apporte aucune réponse aux problèmes qui ont motivé la résiliation de la précédente convention en décembre dernier. » Autre façon pour la FNI de faire savoir aux caisses qu'elle ne se sent pas prise en tenailles par le ralliement de Convergence infirmière. En choisissant de camper sur ses positions et de pratiquer la politique de la chaise vide, la FNI renvoie sur Convergence l'entière responsabilité de la défense de la profession dans les discussions qui s'amorcent, quand la nature et l'instauration d'un comité de pilotage dissolvent l'influence que pourrait avoir la profession infirmière.

LES MÉDECINS VIGILANTS

Le Dr Michel Combier, président de l'Unof, principal syndicat contestataire des médecins généralistes, a participé à la réunion du 12. Point de vue.

Comment percevez-vous la réforme conventionnelle ?

Nous sommes méfiants parce que la loi n'est pas bonne. Nous mettons particulièrement en cause le 3e niveau qui prévoit la possibilité pour le professionnel de santé d'adhérer à la convention à titre individuel. Par ailleurs, nous souhaitons une convention unique pour les médecins, car nous estimons que la médecine générale est en train de devenir une spécialité.

Quels seraient les effets dommageables ?

Nous allons aboutir à un mode de conventionnement sélectif. J'espère que ce n'est pas un moyen de court-circuiter les syndicats qui doivent rester un relais d'opinion. Même s'ils n'ont pas toujours raison sur tout, ils traduisent et médiatisent l'envie de la base... Regardez le résultat des élections : on laisse la place aux extrêmes.

Vous avez d'autres craintes ?

Le problème des relations conventionnelles est ancien. Nous avons l'impression qu'on cherche à le régler à la va-vite. L'organisation est assez technocratique. Soit, mais nous craignons un déficit de discussion. Ça, c'est pour la méthode ; quant au calendrier... Est-ce la bonne période ? La volonté d'aboutir doit prendre le temps pour des discussions de qualité et des décisions les plus consensuelles possible. C'est pourquoi nous restons opposés aux accords minoritaires comme celui du 24 janvier.

Le point de vue de l'Onsil :

UN CHANTIER, DES MANOEUVRES

Quelle est la position de l'Onsil face au chantier qui s'engage ?

Régina Godart (secrétaire générale de l'Onsil) : La nouvelle architecture prévoit trois niveaux. Nous pensons qu'il n'y en aura que deux : l'accord cadre et les conventions spécifiques. Le troisième nous paraît en effet irréaliste. Le CNPS porte le projet d'un socle commun depuis longtemps. En tant que membres alors représentatifs, nous nous sommes réjouis qu'Élisabeth Guigou ait pris les mesures pour le mettre en place. C'est une vraie reconnaissance pour les professionnels qui présentent aujourd'hui un projet qui est le leur.

L'Onsil se veut donc résolument optimiste ?

R. G. : L'Onsil a perdu son statut d'organisation syndicale représentative. Si ce n'est pas le résultat d'une manoeuvre, cela y ressemble. Le fait est grave. Représentons-nous un courant d'opposition trop fort pour la Cnam et le gouvernement ? Admettre cette hypothèse revient à dire qu'en retirant la représentativité à l'Onsil, nos tutelles exercent une censure qui leur donne sans doute l'illusion de reprendre les rennes. Mais se couper de la base est en réalité toujours un danger pour celui qui est aux commandes. Une certitude, la profession infirmière s'en trouve affaiblie.

Comment cela ?

R. G. : Désormais, seuls deux syndicats peuvent potentiellement siéger au CNPS. Deux syndicats qui s'accommodent d'une politique comptable de la santé. Rien ne pourra donc sortir qui dénonce les seuils d'efficience. Aussi, nous redoutons que les propositions du CNPS (sur le plan infirmier) ne soient celles d'un mouton de Panurge...

CONVERGENCE SUR LE QUI-VIVE

Quel est pour vous le sens de la partie qui s'engage ?

Marcel Affergan (vice-président de CI) : CI souscrit pleinement à l'idée d'un socle commun. D'autant que certaines revendications négociées lors de l'avenant seront reportées dans le cadre conventionnel. Je parlerai ici de l'augmentation des indemnités de déplacement, du moins de la mise en place d'une méthode de calcul équitable pour tous. Conforme à cet objectif d'harmonisation, la protection sociale des infirmières sera revue, et la coordination entre les différents professionnels de santé améliorée.

Ne craignez-vous pas que la profession infirmière soit diluée dans « la masse » ?

M. A. : Le CNPS est devenu grâce à cette loi une véritable institution représentative. Son Conseil d'administration vient d'être renouvelé et nous regrettons de ne pas avoir été invités... En effet, bien que nous ne soyons pas encore adhérents, nous avons été reconnus représentatifs. Il eut été plus logique de nous inscrire dès le départ de ce nouveau processus. Il y a donc un réajustement nécessaire dont conviennent les responsables du CNPS. Nous pensons être bientôt en mesure d'annoncer notre adhésion.

Comment imposerez-vous la profession au sein de l'inter-professionnalité ?

M. A. : Je suis intervenu très fermement pour qu'aucune décision ne soit prise par le Comité de pilotage et j'en ai reçu l'assurance. Par ailleurs, j'ai affirmé que nous ne lâcherions pas nos prérogatives pour cette instance supra-syndicale sans avoir de contrôle. De plus, en l'absence de la FNI, nous devrons assumer nos responsabilités pour l'ensemble des infirmières. Aussi, nous mettrons tout notre poids dans les discussions. Dans ce but, j'aspire à faire partie du comité de pilotage pour maîtriser la chaîne des décisions et assurer la présence des infirmières.

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