L'infirmière libérale magazine n° 171 du 01/05/2002

 

Juridique

Il arrive que certains individus, pour le moins indélicats, profitent de la vulnérabilité d'une personne pour lui faire souscrire des engagements inadaptés à ses besoins ou à ses moyens. La loi se montre alors sévère face à de tels comportements.

Conformément à l'article 313-4 du Code pénal, à chaque fois qu'un professionnel fait de la vulnérabilité d'autrui son fonds de commerce, il y a abus de faiblesse.

L'abus de faiblesse : un délit

Le délit d'abus de faiblesse est constitué lorsqu'un professionnel essaie d'obtenir un engagement d'achat de la part d'une personne qui n'était pas en mesure d'apprécier totalement ce qui lui est proposé du fait :

-> soit de son âge : les personnes âgées naturellement vulnérables représentent bien souvent des proies toutes trouvées et sont les victimes les plus courantes de ce type de délit ;

-> soit de son degré d'instruction : l'abus peut avoir été commis à l'encontre de personnes disposant de tous leurs moyens physiques et intellectuels, mais d'un degré d'instruction très bas ou, pour des personnes étrangères, méconnaissant la langue française ;

-> soit de son handicap, de son état de santé, etc. ;

-> soit de l'urgence ou de la position captive dans laquelle elle se trouve : un dépannage sur autoroute, par exemple, suite à une panne d'automobile ;

-> soit enfin des ruses ou des manoeuvres déployées de la part du démarcheur. L'inutilité de la commande fait généralement présumer l'abus de faiblesse. Par exemple, l'acquisition d'un système d'alarme par une personne vivant dans une maison dépourvue de tout confort en prétextant une hausse des cambriolages dans la région a été jugée constitutive d'abus de faiblesse.

L'abus de faiblesse est sanctionné par des peines d'amende et/ou d'emprisonnement prévues par l'article L. 122-8 du Code de la consommation, à savoir un emprisonnement de un à cinq ans et une amende de 9 000 euros maximum. Les infractions seront alors constatées et poursuivies par la Direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DDCCRF).

Attention ! L'âge seul ne suffit pas pour faire présumer un état de faiblesse ou d'ignorance. Ainsi, l'abus de faiblesse ne saurait devenir un argument permettant au consommateur de revenir sur un achat superflu ou inconsidéré. En revanche, l'âge de la personne étant invoqué avec d'autres éléments (handicap, état de santé, inaptitude à l'écriture), les juges peuvent considérer que l'état de faiblesse est constitué. En a jugé ainsi récemment un tribunal dans le cas d'un démarchage au domicile d'un homme âgé de 72 ans se relevant d'une opération chirurgicale qui l'avait physiquement amoindri.

Bien souvent, ce sont les ruses et les artifices qui sont à l'origine de l'abus de faiblesse. Dans ce cas, les juges n'hésitent pas à considérer que seul le caractère anormal de l'engagement pris suffit à laisser présumer le délit d'abus de faiblesse. Ainsi en avaient décidé des magistrats en condamnant une société commerciale de démarchage qui avait réussi à convaincre une personne âgée vivant seule d'acheter pas moins de 200 kilos de légumes ! Dans le même sens, a pu être condamné un vendeur d'automobiles qui avait convaincu une personne âgée invalide et sans permis de conduire d'acquérir une automobile de forte cylindrée.

Pas seulement au domicile

Il y a abus de faiblesse chaque fois que le professionnel fait de la vulnérabilité d'autrui son fonds de commerce et plus spécialement à l'occasion de l'une des circonstances suivantes (articles 122-8 à 122-10 du Code de la consommation) :

-> à l'occasion d'un démarchage au domicile du consommateur : 90 % des délits de faiblesse sont constitués au domicile des plaignants ;

-> à la suite d'un démarchage téléphonique ou par télécopie, ou à la suite d'une sollicitation par courrier à venir se rendre sur un lieu de vente ;

-> à l'occasion de réunions ou d'excursions organisées par le professionnel : c'est le cas des ventes réalisées au cours de réunions privées organisées par des amis ou des voisins, donnant lieu aux démonstrations bien connues ;

-> à l'extérieur du domicile, dans des situations (dépannage sur autoroute, par exemple), des lieux (foires et salons) ou des secteurs d'activités généralement propices à cette infraction. Il en va ainsi de l'invitation assortie d'un cadeau ou d'un avantage particulier à se rendre sur un lieu de vente comme, par exemple, des offres de week-ends gratuits en résidences de loisirs où est proposé l'achat de périodes de vacances à temps partagé (time-share), ou d'excursions organisées par le vendeur ou à son profit.

Protection du consommateur

Des règles protectrices du consommateur s'appliquent au démarchage à domicile ou sur le lieu de travail, ainsi qu'à l'organisation de réunions ou d'excursions par le vendeur ou à son profit. Les ventes conclues dans ce cadre doivent faire l'objet, sous peine de nullité :

-> d'un contrat, dont un exemplaire est remis au client ;

-> pour le client, d'une faculté de renonciation pendant sept jours (jours fériés compris), à compter de la commande ou de l'engagement d'achat. Le contrat ou le bon de commande doit comporter un formulaire détachable de renonciation, à retourner au vendeur par lettre recommandée avec AR. En outre, avant l'expiration de ce délai de réflexion, le vendeur ne peut exiger du client le versement d'une quelconque somme d'argent, sous quelque forme que ce soit.

CE QUE PRÉVOIT LA LOI

Article L. 122-8 du Code de la consommation

« Quiconque aura abusé de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne pour lui faire souscrire, par le moyen de visites à domicile, des engagements au comptant ou à crédit sous quelque forme que ce soit, sera puni d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 9 000 € ou de l'une de ces deux peines seulement, lorsque les circonstances montrent que cette personne n'était pas en mesure d'apprécier la portée des engagements qu'elle prenait ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la convaincre à y souscrire, ou font apparaître qu'elle a été soumise à une contrainte. »

Article L. 313-4 du Code pénal

« L'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse soit d'un mineur, soit d'une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur, pour obliger ce mineur ou cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 375 000 €. »

NOTRE EXPERT VOUS RÉPOND

Auprès de qui obtenir des renseignements, voire de l'aide ?

Les associations de consommateurs sont évidemment en première ligne pour combattre les pratiques d'abus de faiblesse et peuvent apporter leur assistance dans ce type de litige. La Direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DDCCRF), quant à elle, est compétente pour renseigner les consommateurs sur leurs droits.

Que faire lorsqu'on a été victime d'abus de faiblesse ?

La victime peut demander à la société incriminée, par lettre recommandée avec AR, l'annulation de la vente pour abus de faiblesse. En l'absence d'arrangement amiable, il convient alors de porter plainte auprès du procureur de la République (par lettre recommandée avec AR) du Tribunal de grande instance de son lieu de résidence. En se constituant partie civile, la victime pourra d'autre part obtenir des dommages et intérêts, si elle a subi des préjudices qu'elle devra évidemment démontrer. Dans tous les cas, la victime devra, devant le juge, apporter la preuve qu'elle s'est trouvée soumise à une contrainte ou qu'elle n'a pas été en mesure de déceler les ruses ou les artifices déployés pour la convaincre.