Hémochromatose : un traitement simplement efficace - L'Infirmière Libérale Magazine n° 180 du 01/03/2003 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 180 du 01/03/2003

 

Initiatives en réseau

Maladie génétique, l'hémochromatose se caractérise par un excès de fer dans le sang. Le traitement est simple mais semble archaïque : la saignée.

Avec pudeur et simplicité, Bruno Camus raconte comment parfois certains destins sont tracés. Tout commence par le mystérieux décès de sa belle-mère. Mystérieux, car malgré son hygiène de vie irréprochable, elle meurt d'une cirrhose à la cinquantaine. Plus tard, installé comme infirmier libéral dans la région de Rennes, Bruno est alerté par un membre de sa famille qui, à l'âge de 40 ans, souffre de gros problèmes articulaires. Puis, parviennent à ses oreilles, les travaux de l'équipe du professeur Brissot. Ceux-ci portent sur les cirrhoses non-éthyliques, dues à un excès de fer. Une enquête familiale effectuée par le centre de dépistage de l'hémochromatose génétique au CHR de Rennes, permet alors de résoudre le mystère du décès de sa belle-mère : elle souffrait d'hémochromatose. Depuis cette révélation, Bruno a pris fait et cause contre cette maladie génétique loin d'être une fatalité. Franc-tireur, il choisit pourtant une démarche structurée en adhèrant à l'association Hémochromatose Ouest (branche régionale de l'association Hémochromatose France). C'est à ce titre qu'il intervient au sénat le 28 octobre dernier dans un congrès intitulé « Hémochromatose : un enjeu de santé publique ».

MÉCONNUE ET RÉPANDUE

Derrière ce nom se cache la maladie génétique la plus répandue. L'hémochromatose se caractérise par l'accumulation progressive de fer dans l'organisme. Elle intervient à l'âge à l'adulte, vers 30-40 ans chez l'homme, 40-50 ans chez la femme, à travers des symptômes variés : fatigue chronique, douleurs articulaires (en particuliers des mains), teint anormalement bronzé, hypertrophie du foie pouvant aboutir à une cirrhose, une insuffisance cardiaque ou un diabète. Méconnue, l'hémochromatose se diagnostique par une simple prise de sang, à condition d'y penser. Celle-ci est destinée à repérer une augmentation du taux de fer dans le plasma puis à détecter la mutation caractéristique, à savoir la présence de la mutation C282Y à l'état homozygote. (voir encadré) Selon l'association Hémochromatose France, il existe actuellement 3 650 malades repérés. L'ensemble du territoire est concerné, cependant la région bretonne semble concentrer le plus grand nombre de cas, ceux-ci étant détectés de façon beaucoup plus précoce.

Le traitement pâtit d'une réputation d'archaïsme et est souvent jugé handicapant. On croyait en effet la pratique de la saignée abandonnée depuis l'époque de Molière, mais non : c'est le moyen le plus simple de lutter contre l'hémochromatose. Des soustractions sanguines hebdomadaires (phlébotomies) sont effectuées pendant une période qui peut varier de quelques semaines à deux années, selon le degré en fer au moment du diagnostic. Ce traitement se révèle efficace si les patients sont soignés assez tôt.

La prise en charge de la maladie peut se faire de trois façons : en hospitalisation, dans un établissement français du sang et à domicile. Les hôpitaux sont souvent surchargés (manque de lit et de personnel), les établissements français du sang sollicités souffrent d'une sous-tarification des actes, les infirmiers ont donc leur place, montent au créneau et le font savoir !

LE PROTOCOLE

Le protocole des soins est identique dans les trois cas.

Le médecin indique sur ordonnance la quantité de sang à retirer ainsi que le rythme des saignées, en fonction de l'histoire de la maladie, du poids du patient, de sa taille et de son âge.

La prise de tension est obligatoire car si elle est trop basse, il est préférable de reporter la séance. La saignée dure de 15 à 30 minutes. Le matériel est actuellement parfaitement adapté et fiable. Des sets de saignées réservés exclusivement aux soins à domicile, permettent de faire des soins de qualité. Ces sets de saignées sont remboursés au patient depuis août 1999, grâce au tarif interministériel des prestations sanitaires (Tips). Les graduations sont très précises, le volume de sang prélevé très sécurisé.

La loi sur l'élimination des déchets oblige les professionnels de santé à récupérer le matériel souillé, à prévoir sa destruction, et à en détenir la preuve en cas de contestation. L'élimination de ces déchets par une entreprise a un coût, (environ 30 euros), ce qui représente une dépense supplémentaire pour un cabinet.

La surveillance s'effectue à l'aide d'un carnet où tous les paramètres contrôlés sont notés. Une partie du prélèvement permet une stricte surveillance biologique exécutée par un laboratoire.

Une première phase permet de ramener la quantité de fer stockée dans l'organisme à une valeur normale : obtention d'une ferritine inférieure à 50 microgramme par litre et d'une saturation de la transferrine (qui ne sera contrôlée qu'à partir du moment où le taux de ferritine devient inférieur à 200) inférieure à 30 %. Le taux d'hémoglobine sera également surveillé afin d'éviter tout risque d'anémie. La durée de cette phase peut varier de quelques mois à quelques années, selon l'importance de la surcharge initiale. Une seconde phase, dite d'entretien, est instaurée ensuite pour prévenir une nouvelle accumulation de fer dans l'organisme.

Il est donc tout à fait possible d'effectuer des saignées à domicile. Référencée dans la nomenclature des actes infirmiers depuis plus de 20 ans, la valeur de cotation de la saignée n'a pas beaucoup évolué (1 AIS1 + indemnités forfaitaires de déplacement).

Bruno Camus fait de la prise en charge son cheval de bataille. « Il serait judicieux d'éviter aux patients des déplacements inutiles, de faire faire des économies à la collectivité. »

PRÉVENTION, INFORMATION

Absolument convaincu de la place des infirmiers libéraux dans la prise en charge de la maladie, Bruno déplore encore l'inertie de beaucoup de ses confrères et consoeurs. Le geste de la saignée continue à faire peur. « On a encore en tête l'image du gros trocard et du verre à pied », plaisante Bruno. Une organisation de la profession, par exemple en réseau, permettrait une meilleure circulation de l'information.

Les choses avancent cependant progressivement. L'Anaes (Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé) termine actuellement un rapport qui préconise une expérience pilote de dépistage systématique de cette pathologie dans deux ou trois régions.

D'autres intentions pointent leur nez, des groupes de travail s'organisent afin de mieux réfléchir aux moyens de dépister systématiquement la population française. C'est le cas, par exemple, de l'association Hémochromatose Ouest à laquelle collaborent évidemment les infirmiers libéraux. L'une des pistes de l'association serait de former des infirmiers « référents » sur la base du volontariat, pour prendre en charge des malades.

Il n'est pas d'autre exemple de maladie génétique dont le diagnostic conduise à un traitement aussi simplement efficace. La prévention relève donc de la responsabilité de chacun. « La fédération des infirmiers à laquelle j'appartiens est prête à encourager toute solution efficace », conclut Bruno.

HÉMOCHROMATOSE : UN ENJEU DE SANTÉ PUBLIQUE

Comme le dit le vieil adage : « le fer c'est bon pour la santé ». Certes, mais point trop n'en faut ! En effet, ce que l'on sait moins, c'est qu'à trop forte dose, il nuit gravement à la santé !

- Le diagnostic

Maladie génétique d'une grande fréquence, l'hémochromatose est en rapport avec l'accumulation progressive de fer dans l'organisme. Une simple prise de sang suffit à détecter cette anomalie majeure traduisant le trouble du métabolisme du fer, c'est-à-dire l'augmentation de la saturation en transferrine.

Ce paramètre traduit le degré de saturation en fer de la protéine (transferrine) qui transporte le fer dans le plasma. A l'état normal, le taux de saturation de la transferrine est de l'ordre de 30 à 40 %. Dans l'hémochromatose, il est le plus souvent de 100 %. Une fois ce taux constaté, une seconde prise de sang s'impose pour le test génétique (dit test HFE-1). Il permet la mise en évidence de la mutation C282Y à l'état homozygote, c'est-à-dire en double exemplaire (une mutation provenant de la mère et l'autre du père) sur le gène HFE.

Une fois l'hémochromatose détectée, il convient de quantifier la surcharge en fer (par le dosage en ferritinémie, et l'IRM hépatique) et d'évaluer le retentissement viscéral et/ou métabolique de la maladie. Il faut alors effectuer un bilan cardiaque, endocrinien, rhumatologique et, bien sûr, hépatique. Dans le cadre de l'exploration du foie, la question principale est de savoir si une fibrose (et notamment une cirrhose) s'est développée.

La mesure essentielle est la phlébotomie (ou « saignée ») répétée. Ce traitement est globalement efficace et permet le retour à une vie normale à condition que le diagnostic ait été porté suffisamment tôt, c'est-à-dire avant que ne se constitue une cirrhose ou un diabète insulino-dépendant. Il demeure toutefois d'une efficacité mitigée sur la symptomatologie articulaire.

Information tirée du Service des maladies du foie et de l'unité Inserm U-522 de l'Hôpital Pontchaillou de Rennes. Pour toute information supplémentaire http://perso.wanadoo.fr/hemochromatose/.