Les orthèses, alternative aux antalgiques - L'Infirmière Libérale Magazine n° 180 du 01/03/2003 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 180 du 01/03/2003

 

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Souvent négligées car relativement mal connues, les orthèses peuvent constituer des solutions antalgiques efficaces permettant de soulager des patients non répondeurs aux traitements classiques, de réduire la consommation d'antalgiques, de prévenir les attitudes pathologiques, voire d'éviter des immobilisations prolongées injustifiées.

Les infirmiers sont fréquemment confrontés à la souffrance non soulagée par les traitements antalgiques courants dans le cadre de douleurs chroniques (rhumatismes, arthrose, polyarthrite rhumatoïde, tendinites, dorsalgies, cervicalgies...). Interpellés par les plaintes et le désarroi de leurs patients, ils sont appelés à leur prodiguer des conseils ou à les orienter vers une prise en charge susceptible de leur apporter un soulagement. Une démarche conseil qu'il convient de ne pas négliger car la douleur, quelle qu'en soit la source - rhumatismes, maladie, traumatisme -, peut être source d'angoisse, de repli sur soi, de stress et de comportements capables de retentir péjorativement sur l'état physique et psychique du patient (recours à des positions antalgiques, voire des attitudes vicieuses fonctionnellement contre-indiquées), sur l'autonomie (notamment chez les personnes âgées) et le maintien d'activités indispensables au bien-être et à la qualité de vie. Or, si les soignants ont naturellement le réflexe de conseiller la relaxation, l'acupuncture, l'ostéopathie, la kinésithérapie ou la sophrologie, ils pensent plus rarement, voire jamais, à suggérer aux patients de consulter leur médecin ou un spécialiste (rhumatologue ou orthopédiste) afin d'envisager l'intérêt que pourrait avoir, face à la chronicité de leurs troubles, la prescription d'une orthèse à visée antalgique.

UN OUTIL SOUS UTILISÉ

« Il n'y a rien d'étonnant à cela, commente Pascal Maytraud, responsable du centre d'appareillage de l'hôpital Raymond Poincaré à Garches. Les orthèses restent un domaine hyperspécialisé avec lequel les médecins généralistes sont très peu familiarisés. » Une lacune tout à fait dommageable pour les patients, car en médecine de ville, beaucoup de pathologies chroniques douloureuses pourraient être efficacement soulagées par l'utilisation de ces appareillages. « Les principes et les possibilités des orthèses sont assez méconnus par le corps médical, confirme le Dr Calas, orthopédiste à Paris. Quelle que soit la discipline médicale, l'approche théorique concernant ces appareillages reste très superficielle au cours des études de médecine et totalement insuffisante pour sensibiliser les futurs généralistes à ce recours. » Résultat : si des orthèses standards (genouillères, coudières, colliers de soutien cervical notamment) sont parfois prescrites en ville alors qu'elles n'ont souvent qu'un intérêt limité et s'avèrent parfois mal adaptées, des orthèses plus spécifiques (orthèses de doigts ou de poignet, collier de soutien avec appui mentonnier non rigide par exemple) sont rarement proposées. « Ce type d'orthèses réalisées sur mesure reste, en effet, principalement prescrit par des spécialistes libéraux ou hospitaliers vers lesquels il ne faut pas hésiter à orienter les patients, conseille le Dr Calas. D'autant que l'appareillage standard à ses limites. »

SUR-MESURE ET STANDARD : UNE COMPLÉMENTARITÉ SOUS CONDITION

Spartiates, inconfortables et rarement tout à fait adaptées à la morphologie des patients, les orthèses standards, tous les spécialistes en conviennent, sont souvent aussi vite remisées au placard qu'elles ont été achetées. « En outre, ajoute Pascal Maytraud, hormis quelques exceptions, le réseau de distribution en pharmacie n'est pas spécialisé et l'attention qu'il faudrait apporter à la prise des mesures et à l'essayage des orthèses du commerce, laisse à désirer. Estimer la taille d'une orthèse au jugé alors qu'il existe cinq tailles différentes pour un même produit, comme je l'ai récemment vu faire, relève d'une légèreté inacceptable car il y a de fortes chances pour que l'appareillage ne convienne pas. »

Qui plus est, en petit appareillage, les niveaux de qualité sont très différents d'une marque à une autre. Certaines orthèses sont ainsi totalement inefficaces : étudiées et conçues pour s'adapter au maximum de morphologies, elles perdent souvent tout ou partie de leurs propriétés thérapeutiques. Raison pour laquelle il est important de faire connaître et de promouvoir l'orthèse sur mesure, tout en sachant que le petit appareillage bénéficie des mêmes conditions de prise en charge, qu'il soit réalisé sur mesure ou acheté dans le commerce 1. « En sur mesure, tout est faisable, quelle que soit la morphologie du patient et la partie du corps à traiter », indique le Dr Calas. C'est assurément son principal avantage, mais ce n'est pas le seul.

Il permet d'utiliser des matériaux confortables, légers, faciles d'entretien 2 ; il offre la possibilité d'effectuer, si nécessaire (irritation au point d'appui par exemple), des retouches et des ajustages, qui garantissent son utilisation et par conséquent, son efficacité. Une orthèse doit apporter un confort total pour être correctement et durablement utilisée. « Cette notion de confort est fondamentale et particulièrement bien illustrée dans le cas des cervicalgies d'origine arthrosique pour lesquelles il est préférable de réaliser un collier de soutien antalgique avec appui mentonnier non rigide, plutôt que de prescrire un collier standard souvent jugé plus gênant qu'utile », note le Dr Calas. Cela dit, lorsqu'elles sont achetées dans de bonnes conditions, les orthèses standards peuvent présenter un intérêt en complément des orthèses sur mesure. « Par exemple, indique le Dr Calas, pour traiter un tennis-elbow (pathologie récidivante généralement difficile à traiter), une orthèse standard antalgique de fonction portée le jour (l'effet antalgique est obtenu par la compression d'une zone située 1 cm au-dessus de l'épicondyle) peut compléter le port d'une coudière réalisée sur mesure pour immobiliser le coude la nuit. » Mais cela suppose que l'orthèse standard ait été achetée dans les règles de l'art. A ce titre, il est important de conseiller aux patients d'exiger une prise de mesure et un, voire plusieurs essayages avant l'achat. Il est également souhaitable de faire contrôler l'orthèse par son médecin, dès l'achat puis tous les ans, afin qu'il puisse juger de son efficacité et de la nécessité ou non d'une nouvelle prescription. Ainsi, si l'orthèse n'est pas d'emblée correctement adaptée, le patient, fort de l'avis du médecin, peut exiger que son appareillage soit changé. Tout médecin peut prescrire une orthèse et orienter son patient vers un orthopédiste-orthésiste, un ergothérapeute ou un appareilleur qui prendra en charge sa réalisation.

PRINCIPE D'ACTION

En opposition à la prothèse qui est faite pour remplacer un membre inexistant, l'orthèse est réalisée pour soutenir ou aider le déficit d'un membre ou d'une ou plusieurs articulations, immobiliser ou stabiliser une articulation dans le but de réduire l'inflammation et de soulager les douleurs associées, faciliter un mouvement ou une fonction, maintenir une posture ou corriger une déformation. 70 % des orthèses sont fabriquées sur mesure, ce qui explique la multiplicité des appareillages, chaque partie du corps pouvant en bénéficier. Elles constituent dans certains cas un domaine thérapeutique propre, parallèlement aux thérapeutiques classiques : médicaments, chirurgie, rééducation fonctionnelle, kinésithérapie.

En première intention, elles sont notamment utilisées dans le traitement des scolioses idiopathiques (sans cause diagnostiquée), soit à visée préventive (prévention de la dégradation d'une scoliose par corset court, type orthèse trois points de Michel et Allègre 3 par exemple), soit dans un but curatif (correction par corset de scoliose idiopathique ou de déficits neuromusculaires par exemple). « Toutefois, commente le Dr Calas, elles sont le plus souvent réalisées pour accompagner et consolider un traitement dans de nombreuses disciplines présentant des pathologies chroniques : rhumatologie (arthrose, arthrite, polyarthrite rhumatoïde...), chirurgie pré ou postopératoire, neurologie, pédiatrie, rééducation... »

LES DIFFÉRENTS TYPES D'ORTHÈSES

On distingue plusieurs types d'orthèses de repos ou de fonction, de correction ou de rééducation (orthèses dynamiques) aux multiples dénominations : attelles, corsets, gaines, genouillères, coudières, minerve, collier... Certaines orthèses (voir photos 1 et 2) peuvent associer plusieurs fonctions (repos et correction notamment).

-> les orthèses de repos

Elles doivent être portées durant les périodes où le membre ou l'articulation ne sont pas sollicités. Elles sont conçues pour immobiliser, relâcher les tensions douloureuses, calmer l'inflammation, réduire les contractures, soulager les douleurs et éviter les déformations. Elle sont particulièrement utiles pour calmer les poussées inflammatoires nocturnes. Selon la partie du corps concernée, l'orthèse peut avoir une action globale ou partielle. Dans le cas de la main, par exemple, une orthèse globale de repos va immobiliser le poignet et la main entière (photo 2) tandis qu'une orthèse partielle n'immobilisera qu'une articulation ou un doigt.

-> les orthèses de fonction ou « de travail »

Elles sont faites pour être portées la journée et permettre de réaliser les activités quotidiennes. Elles facilitent les mouvements ou protègent les articulations et préservent la force et la précision des gestes (orthèses de main). Elles compensent les défaillances et réduisent les contraintes articulaires et la survenue de déformations et de douleurs au cours des activités. Par exemple, en cas de polyarthrite rhumatoïde, une orthèse de fonction du poignet se présentant sous forme d'un gantelet encore appelé orthèse de stabilisation du poignet ou « poignet de force », permet de réaliser des gestes moins douloureux et pénibles lors d'activités quotidiennes (port d'objets lourds, ménage, sport, jardinage...). Dans le même esprit, les gantelets réalisés pour les personnes en fauteuil roulant leur permettent de mieux manoeuvrer leur fauteuil en empêchant la main de glisser.

-> les orthèses de rééducation active ou passive

Ces orthèses dynamiques permettent aux patients d'effectuer des mouvements limités à valeur rééducative, comme c'est le cas des orthèses de maintien dynamique du genou ou de la cheville ou des orthèses dynamiques de main conçues pour favoriser des manoeuvres de flexion et d'extension des doigts.

->Les orthèses correctrices

Comme leur nom l'indique, ces orthèses permettent de corriger des déformations pathologiques du rachis, du genou, du pied, de la cheville et de la main ou d'éviter qu'elles ne s'aggravent. La scoliose mais aussi toutes les maladies (polyarthrite rhumatoïde, rhizarthrose, entre autres - photos 3 et 4) provoquant des déformations douloureuses des doigts de la main constituent les indications les plus fréquentes des orthèses correctrices.

Ainsi, à l'aide de ces quelques repères et arguments, les infirmiers, souvent en première ligne dans la lutte contre la douleur, disposent d'une arme thérapeutique supplémentaire qu'ils peuvent désormais conseiller et promouvoir en connaissance de cause. A bon entendeur...

1- Lorsqu'il est pris en charge, le petit appareillage bénéficie des mêmes conditions de remboursement, qu'il soit standard ou sur mesure (c'est-à-dire à 65 %, le reste étant à la charge du patient ou de la mutuelle). Il ne nécessite pas de demande d'entente préalable. Toutefois, certaines orthèses ne sont pas « tipsées » ou disposent d'un TIPS très bas, sans commune mesure avec le prix réel de l'appareillage. C'est notamment le cas des orthèses d'épaule dont le TIPS est fixé aux alentours de 15 euros pour un coût réel trois à quatre fois supérieur. De même, les attelles de cheville ont un TIPS fixé à 27,50 euros alors qu'elles sont vendues entre 53 et 60 euros. Quant au grand appareillage, exclusivement réalisé sur mesure, il nécessite une demande d'entente préalable spécifique par un spécialiste. Il est pris en charge à 100 %. La seule exception à la règle concerne l'orthèse thoraco-brachiale pour les interventions de la coiffe.

2- Autrefois en plâtre, les orthèses sont aujourd'hui faites en matériaux thermoplastiques haute et basse températures qui présentent l'avantage d'être légers, plus confortables, plus esthétiques et plus facilement adaptables. Certaines orthèses de fonction peuvent être en cuir.

3- L'orthèse trois points de Michel et Allègre est un corset court, très peu encombrant, utilisé pour les scolioses lombaires. Il maintient le tronc et canalise la colonne vertébrale scoliotique l'empêchant d'aggraver sa déformation au cours de la croissance. Il ne réduit pas la scoliose existante et suppose donc de prévenir les parents au début du traitement pour éviter toute désillusion en fin de traitement, lorsque la radio finale de contrôle est superposable à la radio initiale.

Un efficacité antalgique reconnue

« La fonction antalgique des orthèses est reconnue et incontestée depuis de nombreuses années, indique le Dr Christian Calas. Elle résulte, par principe, du repos apporté par la limitation des mouvements, l'immobilisation des articulations, le relâchement des muscles, la chaleur liée à l'enveloppement et la position choisie lors du moulage. La position, exclusivement prise en compte par les orthèses réalisées sur mesure, permet en effet de stopper les frictions articulaires, de limiter les contractions et le travail musculaire responsables des douleurs. » Des études, réalisées par des spécialistes, montrent par ailleurs, qu'au-delà de leur intérêt thérapeutique, les orthèses présentent aussi des avantages en terme d'économie de santé d'une part, en réduisant la consommation de médicaments antalgiques et les immobilisations prolongées (pathologies des membres inférieurs notamment) et, d'autre part, en limitant les arrêts de travail et en favorisant une réinsertion plus rapide.

Orthèses particulièrement utilisées à visée antalgique

- Corset lombaire ou dorsal pour soulager : hernie discale, discopathie, arthrose, ostéoporose, fractures, polyarthrite, spondylarthrite (arthrite des vertèbres), etc.

- Maintien du pouce pour arthrose de la trapézométacarpienne (TMC) ou Rizarthrose (photo 3), entorse ou luxation.

- Immobilisation du genou pour entorse, gonarthrose, polyarthrite, etc.

- Coudière pour compression du nerf cubital, épicondylite ou épitrochléite, polyarthrite, arthrose, etc.

- Poignet pour tendinite de Quervain, arthrose, polyarthrite, ancienne fracture douloureuse, compression du canal carpien.

Source : Dr Calas (Paris)