Une retraite à 60 ans qui pourrait coûter cher - L'Infirmière Libérale Magazine n° 184 du 01/07/2003 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 184 du 01/07/2003

 

Projet de loi

Bruits de couloirs

Courriers aux parlementaires, esclandre à la Carpimko, les mesures pour faire valoir les droits des infirmiers libéraux en matière de retraite se sont multipliées en cette période de projet de loi. Les syndicats ferraillent encore. Avec pour résultat quelques belles avancées, des combats qui n'ont pas encore débouché et quelques mesures dangereuses qui se profilent.

Entre les records de températures et les grèves à répétition, le printemps a été particulièrement chaud cette année. Mais, si vous n'avez pas pu échapper aux premiers, en quoi êtes-vous concernés par les secondes ?

La retraite plus tôt

Brigitte à 60 ans. Loin d'elle l'idée de râler à propos des deux ans qu'il lui reste à cotiser pour atteindre le bon nombre d'annuités : son travail, elle « l'adore ». Pourtant, si elle veut toucher sa retraite à taux plein, elle doit continuer d'exercer jusqu'à 65 ans, comme tout libéral. Et cinq ans de boulot, c'est trop. Sans parler des tournées deux fois par jour, des journées à rallonge, et de la force physique que nécessitent certains soins.

Cette histoire, vous la vivez au quotidien. En l'état actuel de la réglementation, les Idel doivent travailler jusqu'à 65 ans et totaliser 37 ans et demi d'activité libérale pour bénéficier d'une retraite à taux plein. Or, le projet de loi sur les retraite prévoit un alignement de la durée de cotisation sur les autres régimes. L'âge de la retraite serait ramené à 60 ans, pour 40 ans de cotisation, tout régime confondu.

Majoration pour enfant

« L'alignement reste partiel », estime quand même Catherine Genty, secrétaire générale ajointe du Syndicat national des infirmiers et infirmières libéraux (Sniil). Deux paramètres importants restent en discussion. Tout d'abord, une majoration, à deux ans par enfant élevé, de la durée d'assurance. Pour l'instant, elle n'est « pas applicable aux femmes exerçant une profession libérale ». Idem pour la bonification de 10 % du montant de l'allocation vieillesse, accordée aux assurées qui ont élevé trois enfants. Convergence Infirmière, comme la Fédération nationale des infirmiers (FNI), milite pour un amendement au Code de la Sécurité sociale, afin que les infirmières libérales puissent en bénéficier. D'autant que, au sein du système actuel, « nous finançons les majorations pour enfants sans en bénéficier », affirme Nadine Hesnart, présidente de la FNI.

Et la pénibilité ?

« Pour les hospitalières, il a été annoncé une retraite à taux plein après 28 années de cotisations et une bonification par enfant portée à trois ans pour cause de pénibilité professionnelle », remarque Nadine Hesnart.

Dans une missive à l'Assemblée nationale, Convergence, en collaboration avec le Syndicat national des masseurs-kinésithérapeutes-rééducateurs et la Fédération nationale des podologues, demande que « soit accordé un "bonus" d'une année par tranche de 10 ans de cotisation. Lorsque l'on sait que les professionnels de santé exerçant les mêmes fonctions en secteur hospitalier vont bénéficier d'une possibilité de cessation anticipée d'activité du fait de la pénibilité de leur activité, on est en droit de souligner que les conditions de travail et la pénibilité de l'exercice libéral de nos professions sont au moins aussi difficiles que dans le secteur public ». Une revendication difficile à faire valoir, puisque ce point est discuté par branche professionnelle, et que les Idel se retrouvent isolés sur le sujet.

La bombe Carpimko

Le sujet a suscité bien des remous. Le 19 juin, 12 des 20 administrateurs de la Carpimko ont quitté le conseil en signe de protestation. Motif : des désaccords sur la réforme du régime de base des professions libérales, gérée par la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL). Celle-ci prévoit une cotisation proportionnelle aux revenus. Mais ce nouveau système pourrait desservir les intérêts des infirmiers. « Qu'y a-t-il de comparable entre des notaires et des infirmiers (tous cotisant à la CNAVPL, ndlr) ? Ils n'ont pas les mêmes revenus, ni le même patrimoine. C'est faire peu de cas des paramédicaux », tempête Catherine Genty. « Sur ce dossier, le Sniil et la FNI se battent côte à côte », poursuit Nadine Hesnart. « Cette réforme entraînerait une augmentation de 40 % des cotisations, reprend Catherine Genty. Il y en a beaucoup qui vont mettre la clé sous la porte dans ces conditions. »

La position de Profil infirmier est plus nuancée, et pour cause : Laurent Lefèvre, président de la Carpimko, est également membre du syndicat. « Il est normal qu'il y ait une augmentation si nous passons à la retraite à 60 ans, puisque nous cotiserons cinq années de moins. Le moyen de calcul de ces cotisations se fera par décret, donc nous ne savons pas encore à quel taux il sera établi. » Mais il est « tout à fait possible », reconnaît-il, que ce dernier atteigne 40 %, « dans ce cas-là, on ne laissera pas passer ».

En tout état de cause, quitter la table ne peut être une solution, selon Laurent Lefèvre : « Le seul moyen de pression est de descendre dans la rue et, si c'est nécessaire, je pense que Convergence n'hésitera pas à le faire. Dans ce dossier, les infirmiers sont seuls contre tous. Il faut donc qu'ils restent autour de la table pour aménager la loi. L'un des deux syndicats de masseurs-kinésithérapeutes était déjà contre la retraite à 60 ans ou les bonifications. Il tente de déstabiliser mon bureau et de me déstabiliser depuis deux ans, et la Sniil les suit sur ce sujet. » Une divergence supplémentaire entre les deux principaux syndicats - Sniil et Profil - de Convergence Infirmière, qui ont suspendu leurs activités communes depuis le mois d'avril. Autre sujet brûlant dans la réforme de la Carpimko : la suppression du butoir et la mutualisation des fonds de l'ensemble des professions libérales, avec une pension de réversion. « Autrement dit, les ressources et réserves de la Carpimko seront données à la CNAVPL, qui ne lui en reversera qu'une partie », explique Nadine Hesnart.

Des stages à valider

Enfin, Convergence Infirmière se penche sur le rôle des étudiants en soins infirmiers (ESI), qui « assurent un service dans les centres hospitaliers et de rééducation fonctionnelle. Ces stages participent activement à la mission des hôpitaux et établissements de rééducation, sans qu'aucune rémunération ne soit perçue par les étudiants ». Comment les prendre en compte dans le calcul des retraites ? Convergence propose que « soient accordés des points supplémentaires validant les trimestres de stages effectués ». En plus du rachat des années d'études sur trois ans, déjà dans les tuyaux du projet de loi, il s'agirait de « valider la durée des stages sans rachat », explique Laurent Lefèvre.

Rentrée violente

Alors que, à l'Assemblée nationale, les débats ne sont pas clos, difficile de percevoir dans quelle mesure la voix des infirmières libérales sera entendue. Derrière les ténors habituels des professions bien représentées, les députés risquent de devoir tendre l'oreille pour entendre le timbre soprano de l'Idel. Les syndicats signataires d'une lettre contre la réforme de la Carpimko devaient rencontrer le rapporteur de la commission des affaires sociales du Sénat, mardi 24 juin. « Des réformes encore plus violentes nous attendent à la rentrée, conclut Laurent Lefèvre, il va falloir que tout le monde se ressaisisse pour faire front ». Le dossier des retraites pourrait, en effet, n'être que le premier épisode d'une longue saga.