La rupture - L'Infirmière Libérale Magazine n° 185 du 01/09/2003 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 185 du 01/09/2003

 

SYNDICATS PROFESSIONNELS

Bruits de couloirs

Entre Convergence et le SNIIL, le divorce est consommé. Pendant l'été, les alliés d'hier se sont séparés. Avec perte et fracas. Le paysage syndical des infirmiers libéraux en est tout chamboulé. À l'avenir, de nouvelles alliances devraient se nouer. Car l'enjeu est de taille : il s'agit de la représentativité syndicale, donc de l'avenir de la profession.

Déjà, il y avait du gaz dans l'eau. Beaucoup, même... Mais, avec les chaleurs estivales, la pression a monté et les canalisations ont sauté. Le 23 juillet dernier, le Conseil d'administration du SNIIL a voté à l'unanimité son retrait de la confédération Convergence infirmière, dont elle était pourtant membre fondateur... et aussi la plus importante composante.

Le SNIIL a donc décidé de « reprendre sa liberté ». Sans aucun regret, apparemment. Après quatre années de cohabitation, la rupture de la vie commune est avérée, le divorce consommé. Le pacte (simple PACS, peut-être ?) a bel et bien été rompu.

L'objet du différend ? Des « désaccords politiques majeurs » qui opposaient depuis plusieurs mois les administrateurs du SNIIL d'une part, à ceux de Profil infirmier et du SPIL d'autre part. Désaccords qui ont été exacerbés, en juin, par les négociations engagées sur la réforme des retraites des professions libérales (CARPIMKO et CNAVPL, cf. L'Infirmière Libérale Magazine, juillet 2003, n° 184, pp. 6-7).

Ces négociations, c'est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Mais la coupe était déjà bien pleine. Car, entre Convergence et ses opposants, les divergences ne portent pas que sur les retraites (compensation interne, mutualisation des charges, compensation, réserves...). Elles concernent aussi l'exercice professionnel (formation continue, conditions d'installation...) et elles ne sont pas seulement d'ordre technique. Plus fondamentales, elles touchent la place de l'infirmière libérale dans la société, l'organisation du système de soins, la politique de santé, l'éthique et les valeurs professionnelles... Cela fait finalement beaucoup.

Depuis quelque temps, la situation était effervescente. Dans les couloirs, les noms d'oiseaux volaient bas. Signe d'orage. En avril dernier, Annick Touba, présidente du SNIIL, exprimait déjà ses doutes sur la capacité de Convergence « à faire des propositions à long terme pour la profession ». Elle dénonçait un fonctionnement interne « difficile », le manque d'honnêteté, les « compromis à court terme » et les « petits arrangements de bas étage » des dirigeants de la confédération.

De leur côté, les responsables de Convergence dénoncent des « accusations sans fondement », la « falsification des faits », des « attaques basées sur des mensonges caricaturaux », la « mauvaise foi évidente de leurs détracteurs », les « basses manoeuvres dont ils sont victimes » et les « tactiques personnelles » des responsables du camp adverse, en l'occurrence la présidente du SNIIL... Ambiance !

La confédération en morceaux

Convergence infirmière (alias Confédération des syndicats nationaux d'infirmiers libéraux français) a été créée le 10 février 1999, pour faire opposition à la FNI. À l'origine, elle réunit quatre organisations syndicales : l'ONSIL, le SNIIL, Profil infirmier et le SPIL (cf. encadré). Moins de deux ans plus tard (en janvier 2001), l'ONSIL se retire... Restent trois syndicats confédérés. Avec le départ du SNIIL, restent donc seulement deux organisations syndicales - Profil infirmier et le SPIL - au sein de Convergence. La confédération a obtenu la représentativité syndicale en février 2002 (rejoignant donc ainsi la FNI sur ce point). Et elle reste la seule organisation syndicale signataire de l'actuelle Convention nationale des infirmiers. C'est sûr, la décision du SNIIL de quitter Convergence crée un grand trou. Les méchantes langues qualifient même déjà ce qui reste de la confédération de "coquille vide"...

« On s'en va. Ce n'est pas rien, insiste Annick Touba, la présidente du SNIIL. Car on perd tout, notamment la représentativité syndicale. Mais il était impossible de rester. Les désaccords étaient trop profonds pour continuer à travailler avec ces "messieurs" de Convergence. Peut-être sommes-nous encore trop naïves... mais notre âme n'est pas à vendre ! »

De son côté, William Livingston, qui préside à la fois Profil infirmier et Convergence infirmière, regrette que le SNIIL ait pris des positions aussi radicales : « Sur la question des retraites, c'est une véritable trahison... Nous avons fait tous les efforts possibles pour obtenir un consensus, mais sans résultat. Tous les reproches que la présidente du SNIIL nous adresse sont faux ! »

Profonde modification du paysage syndical

Le paysage syndical des infirmiers libéraux est en train de changer. Début juillet, trois organisations syndicales jusque-là rivales - FNI, SNIIL et ONSIL - ont même tenu une conférence de presse commune pour exprimer "leur totale opposition" à la réforme des retraites défendue par Convergence. Ces trois organisations ont notamment demandé à Laurent Lefèvre (l'un des principaux responsables de Profil infirmier et de Convergence infirmière) de « démissionner de ses mandats de président de la CARPIMKO et d'administrateur de la CNAVPL », lui reprochant un « manque de cohérence et de transparence ». Avec lui, « le travail du Conseil est difficile » et « des divergences politiques fondamentales se sont révélées », arguent ses opposants. Ambiance, ambiance !

Or, si indéniablement le paysage syndical change, rien ne prouve qu'il évolue, dans l'immédiat, de manière plus favorable aux intérêts de la profession. De nouvelles alliances se noueront sans doute, mais les divisions demeureront. Car les vieilles rancunes risquent d'être tenaces quelque temps encore. Néanmoins, du côté du SNIIL, Annick Touba n'exclut rien : « Le passé, c'est le passé... Aujourd'hui, nous sommes prêts à discuter autour d'une table avec toutes les personnes de bonne volonté ! »

De son côté, la FNI reste ferme sur ses positions de principe. Pas question, pour la Fédération, de changer de politique. Néanmoins, le contexte ayant fortement changé, les cadres de la FNI décideront courant septembre des suites qu'ils donneront à ces modifications du paysage syndical. « Nous sommes prêts à travailler avec qui voudra nous rejoindre, sur des objectifs communs, au service de l'ensemble de la profession, comme nous l'avons d'ailleurs toujours fait », insiste Nadine Hesnart, présidente de la FNI.

Pour l'avenir, les plus optimistes diront donc que le paysage syndical est en voie de recomposition. Mais, dans l'immédiat, il est plutôt en voie de décomposition... Vis-à-vis des pouvoirs publics et de ses partenaires, la profession avance une fois de plus gravement désunie. Avance... ou recule ? En tout cas, sa crédibilité se réduit comme peau de chagrin. Car, si l'union fait la force, de telles divisions créent immanquablement la confusion. Mais cette situation peut aussi être le tremplin d'un salutaire sursaut.

Le paysage syndical des infirmiers libéraux

- FNI (Fédération nationale des infirmiers), 7, rue Godot de Mauroy, 75009 Paris. Tél. 01 47 42 94 13 ; internet : http://www.fni.fr ; Nadine Hesnart, présidente.

- SNIIL (Syndicat national des infirmiers et infirmières libérales), 104-106, rue Oberkampf, 75011 Paris. Tél. 01 55 28 35 85, membre fondateur de Convergence infirmière (jusqu'en juillet 2003) ; internet : http://www.sniil.fr ; Annick Touba, présidente.

- ONSIL (Organisation nationale des syndicats d'infirmiers libéraux), 3, boulevard de Strasbourg, 31000 Toulouse. Tél. 05 62 30 00 78, membre fondateur de Convergence infirmière (jusqu'en janvier 2001) ; internet : http://www.onsil.fr ; Jean-Pierre Farssac, président.

- Convergence infirmière (Confédération des syndicats nationaux d'infirmiers libéraux) français, 85, rue Pomier-Layrargues, 34070 Montpellier. Tél. 04 99 13 35 00 ; internet : http://www.convergence-infirmiere.fr ; William Livingston, président, Éliane Roupie, secrétaire générale.

-> Profil infirmier (Syndicats des infirmiers libéraux de France), 85, rue Pomier- Layrargues, 34070 Montpellier. Tél. 04 99 13 35 00 ; internet : http://www.profil-infirmier.fr ; William Livingston, président.

-> SPIL (Syndicat des professionnels infirmiers libéraux), 32, impasse d'Aboukir, 83000 Toulon. Tél. 04 94 46 52 80 ; internet : http://www.spil.fr ; Éliane Roupie, présidente.