Responsabilité pénale - L'Infirmière Libérale Magazine n° 185 du 01/09/2003 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 185 du 01/09/2003

 

Juridique

La responsabilité pénale de l'infirmière est celle de tout citoyen, en ce sens qu'il n'existe pas de catégorie d'infractions propre à la profession. Néanmoins, cela reste une responsabilité des plus redoutées et éprouvantes tant par ses conséquences matérielles ou morales que par la publicité qui entoure généralement les procès en correctionnel ou devant la Cour d'assises.

Face à la loi pénale, les règles de responsabilité sont les mêmes quel que soit le mode d'exercice de l'infirmière, laquelle devra répondre à titre personnel et individuel de l'infraction qu'elle aura pu commettre.

CONTRAVENTION, DÉLIT OU CRIME

Par infraction pénale, on entend l'action ou l'omission strictement définie par la loi pénale, punie de certaines peines tout aussi strictement définies par la loi, allant de la simple amende à la réclusion à perpétuité. En fonction de la gravité des infractions, on distingue :

-> les contraventions, qui sont les infractions les plus modestes, jugées par le tribunal de police qui peut prononcer des peines d'amende allant de 38 à 1 500 euros ;

-> les délits, qui vont du vol simple à l'homicide involontaire, jugés par le tribunal correctionnel, qui peut prononcer des peines d'amende de 150 000 euros et/ou des peines de prison de 10 ans maximum ;

-> les crimes, qui regroupent les infractions les plus graves (assassinat, viol, fabrication de fausse monnaie, etc.), et sont jugés par la Cour d'assises qui peut prononcer des peines de prison supérieures à 10 ans.

COUPS ET BLESSURES OU HOMICIDES INVOLONTAIRES

Le fait de causer la mort d'un patient par maladresse, imprudence, inattention, négligence, ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les décrets de compétence, constitue un homicide involontaire puni de trois ans d'emprisonnement et d'une peine d'amende. Une faute, même légère, mais aux conséquences graves parce qu'entraînant le décès, peut être retenue. Les poursuites et condamnations d'infirmiers pour homicide involontaire sont relativement fréquentes : erreur quant au dosage ou à la nature d'un médicament ou encore en cas de mauvaise identification d'un prélèvement.

Plus généralement, la maladresse d'une infirmière est coupable lorsqu'elle résulte de la méconnaissance des règles fondamentales de l'exercice professionnel garantissant la sûreté d'un malade : non respect des règles élémentaires d'asepsie lors de la réalisation d'un pansement, par exemple.

L'imprudence, quant à elle, est coupable lorsque l'infirmière s'obstine, par exemple, dans un traitement qui dépasse ses compétences, alors que la prudence l'oblige à faire appel à un médecin.

Enfin, l'inattention, la négligence et la non-observation des règlements sont fautifs s'ils traduisent l'ignorance ou la méprise des devoirs professionnels telles que, notamment, les obligations prévues par le décret de compétence. Ces infractions peuvent entraîner la condamnation pénale de l'infirmière. Ainsi, la Cour de cassation a condamné à un mois d'emprisonnement avec sursis, une infirmière qui avait réalisé une transfusion incompatible après confusion de groupe sanguin.

LE DÉLIT DE NON-ASSISTANCE

Obligation juridique de portée générale, le devoir d'assistance s'applique encore plus particulièrement au médecin et à l'infirmière qui, de par leurs compétences, sont plus aptes que quiconque à porter assistance à une personne en danger. L'obligation légale de porter secours à personne en péril implique la mise en oeuvre inconditionnelle de moyens rapides et adéquats d'assistance, quel que soit le résultat obtenu, ou l'adoption immédiate de mesures susceptibles de déclencher un secours, dès lors que cela n'entraîne aucun risque réel pour l'infirmière ou pour des tiers.

Les tribunaux se montrent ainsi très sévères vis-à-vis de tout manquement volontaire à l'obligation morale de soins et de surveillance. Dans le délit de non-assistance, l'élément moral de l'infraction est prépondérant. Il s'agit d'un comportement personnel volontaire. La loi punit celui qui s'abstient consciemment, en toute connaissance de cause. C'est à travers cet élément moral que l'erreur d'appréciation peut être fatale pour l'infirmière. Avant de refuser de répondre à l'appel d'un malade, elle doit se demander s'il y a vraiment péril imminent, c'est-à-dire s'il y a urgence, et si le soin réclamé relève bien de sa compétence. Pour cela, il convient d'avoir un maximum de renseignements sur l'état du malade, ce qui n'est pas toujours possible. La règle de prudence est l'intervention immédiate. Et même si l'assistance fournie par l'infirmière se relève inefficace ou inadéquate, sa responsabilité ne saurait être engagée, sauf en cas de faute grave dans la dispense des soins. Le péril doit être réel et certain, c'est-à-dire menacer la vie, la santé ou l'intégrité corporelle d'une personne et non ses biens. Peu importe également la cause ou l'origine du péril : même si la personne en péril est à l'origine de son état (c'est le cas de la tentative de suicide), l'infirmière doit lui porter secours.

SUR PLACE OU À DISTANCE

L'assistance doit être possible et réalisée soit par une action sur place, soit à distance, en provoquant les secours nécessaires lorsque le déplacement n'est pas possible. Enfin, l'infirmière doit pouvoir agir en l'absence de tout risque réel pour elle ou pour des tiers. L'abstention de l'infirmier de porter secours, si elle est justifiée, ne saurait être punie. Le refus d'une infirmière de se rendre au chevet d'un malade parce qu'il est simplement « fatigué » est injustifié, mais pas celui de l'infirmière gravement malade, dont le déplacement lui ferait courir un risque important. Reste la situation délicate de l'infirmière sollicitée par deux malades « en péril » au même moment. Elle devra être capable de procéder à une évaluation rapide des deux situations afin d'intervenir en priorité dans la situation qu'il aura jugée la plus périlleuse.

L'engagement de la responsabilité sur le plan pénal ne met pas l'infirmière à l'abri de poursuites civiles.

Le but des poursuites pénales est de sanctionner alors que les poursuites civiles ont pour objectif de réparer. Ces dernières, qui visent à condamner l'infirmière à réparer les préjudices subis sous forme de dommages et intérêts, peuvent être engagées afin d'obtenir réparation d'un préjudice corporel mais aussi moral.

Notre expert vous répond

Nous sommes trois infirmières installées en libéral, une de nos collègues part à la retraite début 2004, celle-ci m'a déjà cédé la moitié de sa clientèle et doit céder l'autre moitié à la troisième infirmière. Pourriez-vous nous indiquer le mode de calcul employé pour obtenir la somme exigée ?

Le prix de l'indemnité à calculer, encore appelée « droit de présentation à la clientèle », basé essentiellement sur l'offre et la demande, dépend de plusieurs critères plus ou moins objectifs comme :

-> la personnalité, la notoriété et l'image de marque de l'infirmière titulaire de la clientèle ;

-> la confiance des patients vis-à-vis de l'infirmière titulaire de la clientèle et de son successeur ;

-> la situation vis-à-vis des locaux et du matériel (bail et poursuite du bail avec possibilité d'utiliser les locaux, rachat, etc.) ;

-> le lieu d'exercice (emplacement et possibilités de développement du cabinet) ;

-> la clause de non-concurrence, c'est-à-dire l'engagement de l'infirmière titulaire de la clientèle à ne pas se réinstaller dans un rayon géographique proche ;

-> et, évidemment, le chiffre d'affaires réalisé par l'infirmière titulaire de la clientèle en fonction de l'offre et la demande.

En général, l'indemnité de présentation à la clientèle est composée :

-> d'un prix de cession qui représente 40 à 50 % de la moyenne des recettes brutes des trois dernières années, prix variable à la hausse comme à la baisse en fonction des éléments définis ci-avant ;

-> d'un prix de rachat du matériel à usage professionnel, du mobilier, etc.