Geriavar, un réseau gérontologique - L'Infirmière Libérale Magazine n° 188 du 01/12/2003 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 188 du 01/12/2003

 

Initiatives en réseau

Depuis deux ans, le réseau Geriavar, installé dans le département du Var, assure la prise en charge médico-sociale de plus de 200 patients âgés de 75 ans et plus. Le réseau vise l'objectif de 400 patients dès l'année prochaine.

L'idée de Geriavar ne date pas d'hier. Le Docteur Claude Pene, à l'origine du projet, avait déjà tenté en 1996 de monter avec quelques praticiens libéraux un réseau gérontologique dans le Var. Après des discussions fructueuses avec les caisses d'assurance maladie, le projet capote finalement sous l'effet du plan Juppé. En décembre 2000, profitant de la mise en place du dispositif du FAQSV (Fonds d'aide à la qualité des soins de ville, cf. ILM 187, pp. 44-47), l'équipe dépose une demande de financement. En janvier 2001, Geriavar reçoit une réponse positive de la part de l'URCAM, avec 91 000 euros sur trois années. « L'idée originelle était de créer un réseau dont l'action serait centrée sur le patient et dans lequel se retrouveraient tous les professionnels de santé. Des kiné, des infirmières ou des pharmaciens », se souvient Claude Pene. À ce jour, le réseau, dont le siège social est situé à Toulon, compte 232 patients. « L'objectif est de passer à 400 patients dès l'année prochaine », confie-t-il.

Il faut dire que la création d'un tel réseau dans un département comme le Var répond à un besoin indéniable. Dans la région PACA (Provence-Alpes-Côte d'Azur), plus d'un habitant sur six est âgé de plus de 65 ans. Plus de 80 % de ces personnes vivent à domicile et 42 % d'entre elles vivent seules. Le réseau Geriavar ne prend en charge que des patients âgés de plus de 75 ans.

Après réception et validation du dossier d'inclusion du patient, Claude Pene, médecin coordinateur du réseau, assure une consultation initiale au domicile du patient, en collaboration avec le médecin traitant et l'assistante sociale du réseau. Un document de synthèse recense les besoins du patient inclus et donne lieu à l'établissement d'un plan de soins ainsi que d'un plan de soutien médico-social (portage de repas, téléalarme, aide administrative, besoins financiers, auxiliaire de vie, aide-ménagère...).

Chaque année, une consultation d'évaluation est organisée sur les mêmes principes que la consultation initiale. Elle fait office de bilan annuel de la prise en charge du patient : quels ont été les problèmes rencontrés ? Comment ont-ils été solutionnés ? Afin d'assurer une meilleure continuité des soins, les intervenants disposent d'un cahier de suivi (Lire encadré "Le cahier de suivi") « L'efficacité d'un réseau gérontologique réside dans la prise en compte de l'aspect médico-social dans notre intervention, explique Claude Pene. Ce n'est vraiment pas évident. Il y a pléthore d'intervenants dont les compétences s'entremêlent : CPAM, APA ou services sociaux des mairies ».

LA FORMATION DES INTERVENANTS

Conçu comme un véritable réseau médico-social, Geriavar intervient, par exemple, dans l'adaptation des logements des personnes âgées dépendantes. « Dans ce domaine, nous avons parfois l'impression de marcher sur la tête. Dans les HLM, les bacs de douche mesurent 80 cm de haut. Résultat : la personne âgée de ne pas en sortir sans qu'on l'y aide... Nous travaillons avec l'association Pact-Arim pour financer les aménagements des logements. Mais cela reste très compliqué puisque nous ne pouvons faire de travaux dans un HLM sans autorisation... », se plaint le président de Geriavar.

Au sein du réseau, les pharmaciens livrent les médicaments chez les patients, vérifient les armoires à pharmacie ou surveillent les observances. Pour les promoteurs du réseau, la formation de ces professionnels de santé est un aspect fondamental de l'entreprise. Jusqu'à présent, une quinzaine de formations ont été assurées. Elles se déroulent selon le principe de la pluridisciplinarité. Au menu de ces formations : l'hypertension chez les personnes âgées, le vieillissement cutané ou la protection juridique du sujet âgé. Françoise Bouchez, infirmière libérale, a assisté à plusieurs sessions de formations organisées par le réseau. « Il y a quelques jours, j'ai participé à une réunion autour du thème de l'hypertension artérielle chez les personnes âgées, explique-t-elle. Il y a eu d'autres thèmes, notamment l'APA et le problème des ayants-droits. Personnellement, j'ai appris des choses. C'est donc positif même si ça varie beaucoup selon les thèmes abordés. J'ai également adhéré à un réseau diabète de la région... Le plus intéressant dans ces structures réside dans la multiplication des contacts avec des médecins extérieurs ».

Et les résultats sont là. « Pendant la canicule, nous n'avons pas eu un seul décès à déclarer au sein du réseau », se félicite le médecin coordinateur. Pour cela, Geriavar a multiplié les contacts avec les hôpitaux du département. Résultat : à l'hôpital intercommunal de Toulon, les patients de Geriavar bénéficient d'un accès prioritaire au pavillon des urgences. « Nous venons avec le dossier du patient, le cahier de suivi du réseau. Nous gagnons ainsi beaucoup de temps et cela sécurise les patients », estime Claude Pene.

À Hyères, les patients bénéficient également d'une consultation gérontologique systématisée chez un spécialiste. La gestion des épisodes d'hospitalisation est un élément fondamental de l'activité du réseau. Il s'agit d'éviter toute rupture dans la continuité des soins ainsi qu'une évolution en cascade des pathologies, un risque fréquent dans le grand âge.

Mais ce succès apparent masque des problèmes auxquels sont confrontés les réseaux de soins. Les méandres de l'administration réservent parfois quelques mauvaises surprises...

« Nous recevons souvent les virements avec plusieurs mois de retard », fulmine le Docteur Claude Pene. Mais il y sans doute plus inquiétant : le manque d'informations communiquées par les instances officielles, notamment l'URCAM : « En matière de réseaux de soins, la difficulté majeure réside dans le déficit de retour d'expérience. La mise en commun des expériences des différents de soins est primordiale. J'essaie de rentrer en contact avec d'autres réseaux de ce type »

IMPLICATION MORALE

Pour les infirmiers libéraux, les horaires élastiques ne favorisent pas vraiment leur implication dans les réseaux. « Au départ, c'est un médecin de ville avec qui j'ai l'habitude de travailler qui m'a parlé de Geriavar. J'ai participé à plusieurs réunions lors de la mise en place du réseau. Puis j'ai eu deux patients inclus dans le réseau mais qui ont finalement été hospitalisés. Pour les infirmiers libéraux, ce n'est pas évident de se libérer pour assister aux réunions. En général, je termine ma tournée à 20 H 30. Il m'arrive de faire des tournées de 80 patients dans la même journée ! Vous imaginez bien que consacrer deux heures supplémentaires aux réunions du réseau est vraiment problématique », raconte Bernard Wolf, un infirmier de la région qui a finalement décroché.

TRAVAILLER EN ÉQUIPE

Il juge néanmoins les activités du réseau d'un bon oeil : « Cela permet de mettre noir sur blanc le fonctionnement d'un travail en équipe axé sur le patient ». Même s'il estime que la multiplicité des intervenants peut s'avérer parfois difficile à gérer. « Il y a de plus en plus d'intervenants qui veulent s'occuper de tout, explique-t-il. Dans mon activité libérale, je me retrouvais souvent seul avec le patient. Je devais gérer les demandes d'aides, la famille. J'étais l'interlocuteur principal. Evidemment, c'est éprouvant mais je me sentais plus impliqué. Dans la commune où je travaille, j'ai la chance de pouvoir compter sur des services sociaux efficaces. Je sais que ce n'est pas le cas partout ».

Françoise Bouchez, elle, a franchi le pas en adhérant au réseau. Cette infirmière dotée d'une solide expérience, notamment dans l'univers hospitalier, possède un cabinet à Lalonde, une commune rurale et touristique de 10 000 âmes située entre Hyères et Bormes. « Pour ma part, j'ai adhéré au réseau sur la demande d'un médecin de ville avec qui je travaille depuis plusieurs années. Au départ, honnêtement, comme beaucoup de confrères, je m'y suis rendue par curiosité. Pour savoir comment fonctionnait ce réseau. Je me posais aussi des questions sur mon avenir professionnel. Je l'ai pris comme une opportunité à saisir ».

Selon elle, le réseau ne change pas fondamentalement la donne... « Nous avions déjà l'habitude de travailler en équipe. Mais j'ai l'impression qu'il existe de la part des familles un intérêt pour ce type de structures. Elles paraissent plus rassurées. Je crois que malgré tout le fait de travailler dans un réseau favorise le sentiment d'une implication morale ».

Geriavar, 92, avenue Enseigne de Vaisseau Guès, 83 100 Toulon tél : 04 94 23 58 74

LA PHILOSOPHIE DE GERIAVAR

Le réseau de soins coordonnés Geriavar se propose de répondre à la prise en charge globale des sujets âgés du département du Var, dans le cadre d'une organisation sectorisée. Les orientations principales retenues par les promoteurs du réseau sont le maintien à domicile, la prévention de l'apparition de la dépendance, l'élaboration pour chaque personne âgée d'un plan médico-social, la continuité des soins et l'évaluation des pratiques dans le cadre d'une démarche de qualité et de maîtrise des dépenses médico-sociales. Le projet est centré sur le patient. Son adhésion au réseau est basée sur le volontariat. Elle implique un certain nombre d'obligations (mise en place d'un dossier médico-social de synthèse, consultations de suivi, relations privilégiées avec le généraliste pivot). La coordination s'organise en s'appuyant sur ce qui existe déjà, sans créer de nouvelles structures lourdes et multiples. Elle doit déterminer et entretenir l'état d'esprit qui va animer une équipe pluridisciplinaire autour du patient en respectant les compétences de chacun des intervenants, leur complémentarité, sans lien de subordination. La structure est souple, elle répond aux besoins individuels selon le libre choix et s'adapte en fonction des secteurs géographiques en impliquant des acteurs de proximité.

LE CAHIER DE SUIVI

Le cahier de suivi a été élaboré et validé par plusieurs réseaux de santé gérontologiques qui ont vu le jour ces dernières années dans le Var (Geriavar, Hadage, Presence, Reaggir). C'est un outil de communication au service du patient, de son entourage et de l'ensemble des intervenants médicaux, paramédicaux et sociaux qui le prennent en charge. Le cahier de suivi est la propriété du patient et ne contient pas d'élément soumis aux règles du secret médical. Il est conservé au domicile du patient et au secrétariat du réseau. Le document regroupe les éléments suivants : les coordonnées téléphoniques des intervenants, les protocoles de prise en charge médicaux et sociaux (traitements médicamenteux, soins infirmiers et kinésithérapeutiques, plans d'aide...), les comptes rendus d'interventions des professionnels, ainsi que les observations utiles du patient et de ses aidants naturels.

En cas d'hospitalisation ou de consultation auprès d'un spécialiste, ce cahier accompagne le patient. Il permet une identification rapide du contexte médico-social. L'objectif étant de renseigner au mieux les équipes médicales pour assurer une meilleure prise en charge du patient.